Pièce par le collectif Gremaud-Gurtner-Bovay

Photo Dorothée Thébert Filliger

Photo Dorothée Thébert Filliger

 

Pièce par le  collectif Gremaud-Gurtner-Bovay

 A la base de la  compagnie suisse 2bcompany, créée en 2009, un trio d’acteurs qui avaient fait une entrée remarquée sur la scène parisienne  il y a trois ans, grâce à un programme du Centre Georges Pompidou associé au Centre culturel Suisse reprenant sept de leurs créations.
Le Collectif s’est fait une spécialité de désarticuler les expressions, attitudes et comportements sociaux qui tissent le quotidien de nos vies. Ils s’emparent de situations exemplaires pour les décomposer en micro-séquences et les recomposer à l’aide de signes corporels (Vernissage), d’installations loufoques (Les Potiers) ou d’inventions verbales (Conférence de choses) au délire jamais  méchant. Mais le trio fouille avec perfidie les recoins de ces situations qui mettent en jeu des personnes qui font ce qu’elles aiment faire, sans regard critique sur elles-mêmes.

Avec Pièce,  qui fait suite à la création de Phèdre(s) au Festival d’Avignon (faut-il y voir un lien malicieux ?), les acteurs s’emparent de ce qui se passe sur un plateau au cours des répétitions d’un groupe amateur. Le jeu sur la polysémie du mot « pièce », vient de l’espace où ils travaillent : le décor reprend l’exacte configuration de la salle où le collectif a répété à Lausanne. Le rapprochement entre le théâtre et l’endroit où il s’exerce n’est pas vain : pendant tout le spectacle, les comédiens, enfermés dans ce lieu totalement blanc à une seule fenêtre ouvrant sur l’extérieur, se confrontent à la difficile nécessité de faire entrer leurs corps dans des trajets peu naturels.

Leur projet théâtral fondé sur des textes classiques, les empêche de trouver tout naturel, toute fluidité dans l’énoncé de leurs paroles, et  ce jeu (au sens de l’espace créé), entre énoncé et corps qui l’énonce, donne toute sa saveur au spectacle. Chacun avance dans le brouillard, pense à ses mains plus qu’à son texte, cherche à se mettre de face et oublie son partenaire. Deux partitions se chevauchent, sans se rejoindre totalement : celle des corps et celle du langage.  Alors les grandes figures du théâtre tragique qu’ils essaient – difficilement – d’incarner, les écrasent, tout en les rendant attendrissants. Le spectacle joue aussi sur les rapports non verbaux entre les comédiens amateurs eux-mêmes : rivalités et petits coups bas animent le groupe d’un non-dit permanent. Les costumes sont ceux de la vie de tous les jours et si le juste-au-corps entre dans la raie des fesses, rien n’empêche de le remettre sans cesse en place.

Successivement on passe des répétitions, à la représentation, aux saluts, et jusqu’à une rencontre publique en bord de plateau, hilarant moment de fatigue et d’attention faussement concernée. Le metteur en scène, hors champ, existe seulement dans le regard attentif et gêné des  comédiens, au moment des notes après la représentation. Ainsi toute la chaîne du travail théâtral passe sous le regard acide du trio, le réel de ces amateurs devenant la fiction de la représentation… à moins que ce ne soit l’inverse.
Plaisir du spectateur à ces jeux de miroir, tendresse à l’égard de ceux qui essayent d’être artistes, se consacrant à une tâche qui les dépasse et les rend pour autant dignes d’affection.

Marie-Agnès Sevestre

Jusqu’au 17 novembre, Théâtre de la Ville-Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses, (Paris XVIII ème)

 

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