Nous pour un moment d’Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig

Nous pour un moment d’Arne Lygre, traduction du norvégien de Stéphane Braunschweig et Astrid Schenka, mise en scène  de Stéphane Braunschweig

©Elizabeth Carecchio.

©Elizabeth Carecchio.

Une écriture minimale et musicale comme dans les autres pièces aux petits mondes autonomes de l’écrivain norvégien dont Stéphane Braunschweig avait déjà monté Je disparais (2011), Tage Unter (2012) et Rien de moi (2013). Ses personnages s’expriment à deux degrés linguistiques: l’un conventionnel et l’autre aux hyper-répliques à travers lesquelles les personnages se regardent de l’extérieur, en restant des «personnages». Une mise à distance, une dissociation de soi à soi qui passe par les «je dis» ou les «je pense». Soit une mise en abyme de la forme et la signification de la parole quand on passe d’un personnage à l’autre et d’une scène à l’autre. Ici se croisent, en six séquences de plus en plus réduites, une vingtaine de personnages qui se révèlent à travers leurs relations, amis, connaissances, inconnus ou ennemis. L’ennemi, entre aversion et éloignement ou l’ami, une connaissance, une liaison, une rencontre qui apporte un réconfort et « qui a toujours un monde achevé à donner. » Comme l’écrit Balzac dans Madame de la Chanterie : « L’une de ces personnes qui ne sont ni amies ni indifférentes et avec lesquelles nous avons des relations de loin en loin, ce qu’on nomme enfin, une connaissance.» Par habitude, intérêt ou à cause du travail.

L’autre, dit Stéphane Braunschweig, est toujours perçu à la fois comme le besoin d’échapper à la solitude mais aussi comme la menace de perdre son autonomie. Arne Lygre explore ludiquement l’instabilité des relations et des identités dans le monde actuel, en convoquant un espace poétique… Une façon troublante d’avancer pas à pas dans l’inconnu, de faire naître la fiction, d’inventer des rencontres et de les dissiper dans l’incertitude précaire de toute vie. Eprouver l’urgence de communiquer et nouer un lien avec l’autre mais entre peur, désir, ou rêve ou effroi, cauchemar …

Stéphane Braunschweig, qui a aussi créé la scénographie, prend au pied de la lettre ces relations instables qui s’esquissent puis s’arrêtent, d’un moment à l’autre, fuyantes, évanescentes dans l’éphémère d’une inscription aléatoire. Dans un monde caractérisé par le sociologue Zygmund Bauman de «société liquide». Stéphane Braunschweig a ainsi mis en scène des acteurs qui marchent dans l’eau, sont assis sur des chaises de jardin ou allongés sur un lit blanc. Et le plateau tourne à la façon d’une ronde où parfois, de deux parois blanches en angle, un espace privé s’élève lentement. Surgit alors un volume plus ample où sont épinglées des figures miniaturisées, comme perdues, sous les reflets chatoyants de l’eau: de belles lumières signées Marion Hewlett. Une vision silencieuse et somptueuse, du plus petit au plus grand : on pense à la condition des migrants sur leur embarcation précaire.

Arne Lygre parle aussi des séparations avec des proches, suicides, maladies, accidents, agressions… Bref, toutes les misères du monde. Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon et Jean-Philippe Vidal incarnent avec conviction leur personnage, passant tous de l’ami à l’ennemi, avec une belle «intranquillité» existentielle…

Véronique Hotte

Odéon-Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris (XVII ème). T. : 01 44 85 40 40.

Théâtre National de Strasbourg, du 22 au 30 janvier.

Le texte est publié chez L’Arche Editeur.

 

 

 

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