Come out chorégraphie d’Olivier Dubois avec le Ballet de Lorraine
Come out chorégraphie d’Olivier Dubois avec le Ballet de Lorraine
Le chorégraphe, avec la radicalité qu’on lui connaît, donne corps à ce ballet, emporté par la musique lancinante de Steve Reich.
La pièce s’ouvre sur une voix : «I had to open the bruise up and let some of the bruise be come out to show them.» (J’ai dû ouvrir mon bleu et le faire saigner pour leur montrer.) Le compositeur, l’un des fondateurs de la musique répétitive s’empare d’un fragment de phrase, tiré du témoignage sonore d’un garçon, arrêté par la police avec d’autres jeunes afro-américains, lors des émeutes de Harlem en 1964. Ces mots : « Come out to show them » sont enregistrés sur plusieurs pistes et déphasés jusqu’à obtenir une distorsion du sens, puis des sons seuls et, dès la neuvième minute, un bruit blanc, étale … Un morceau d’environ douze minutes monté en quatre boucles successives, pour une heure de danse. Il y a de la rage des révoltés dans cette pièce.
«Une partition redoutable», dit Olivier Dubois qui trouve chez le compositeur américain des correspondances avec sa démarche artistique, abstraite mais très physique. Tout est écrit d’avance quand commencent les répétitions et les vingt-trois interprètes doivent entrer dans cette chorégraphie exigeante, gainer leur corps pour tenir le rythme, en continu. «Ils sont confrontés à d’importantes turbulences physiques et mentales », précise le maître d’oeuvre qui signe aussi scénographie et costumes.
Telle une armée en alerte, en collants académiques roses pour adoucir l’allure martiale -un clin d’œil à l’écrivaine américaine Gertrud Stein et à son fameux vers : « Rose is a Rose is a Rose »-, la troupe reste rivée au sol une demi-heure durant. Seuls torses et bras s’agitent en gestes répétés à l’infini. D’infimes variations s’insinuent dans les rangs, petits désordres qui nous permettent de ne pas sombrer dans une somnolence hypnotique. On finit par distinguer chez les interprètes, au-delà de l’uniformité des mouvements, des personnalités et des styles différents.
Dans la deuxième partie, des disruptions viennent perturber la rigueur statique : les corps se repoussent et se rassemblent, comme de la limaille de fer attirée par un aimant. Force centrifuges et centripètes s’annulent en un chaos bien réglé ; quelques portés et mouvements circulaires bousculent la belle géométrie. «Ma pièce reste très abstraite mais est la description d’un combat. Un combat qui peut être avec soi, avec l’autre, mais sans violence», dit le chorégraphe. Un combat aussi pour les danseurs qui n’ont pas une seconde de libre. Et il faut aussi une certaine endurance pour les suivre mais nous sommes vite pris par une énergie communicative et récompensés par un plaisir esthétique. Mais certains spectateurs ne résistent pas et restent extérieurs aux vibrations des corps portés par ces nappes sonores récurrentes et distordues.
La danse minimaliste a ses adeptes et ses détracteurs. Mais il faut saluer l’indiscutable performance de ce ballet, toujours en tournée avec For four Walls, Soundance et Rain Forest, dans le cadre du centenaire de Merce Cunningham (voir Le Théâtre du Blog). On attendra l’année prochaine pour revoir Come out, création qui ouvrait la saison 2019-2020 de l’Opéra national de Lorraine.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 17 novembre, à l’Opéra de Nancy. Centre Chorégraphique National-Ballet de Lorraine, 3 rue Henri Bazin, Nancy (Meurthe-et-Moselle).
For Four Walls : les 3 et 4 décembre, Théâtre du Beauvaisis, Beauvais (Oise) ;
Le 30 janvier- Arsenal, Metz (Moselle).
le 25 février Le Lieu Unique-Cité des Congrès, Nantes (Loire-Atlantique).
Sounddance : les 3 et 4 décembre, Théâtre du Beauvaisis, Beauvais (Somme); le 12 décembre, Théâtre Paul Eluard, Bezons (Hauts-de-Seine).
Rainforest : du 28 au 30 novembre, MC 93 Bobigny (Seine-Saint-Denis);
les 3 et 4 décembre, Théâtre du Beauvaisis, Beauvais (Oise) ; le 12 décembre, Théâtre Paul Eluard, Bezons et le 15 décembre, Maison de la Musique, Nanterre (Hauts-de-Seine).