Dormez je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue ! de Georges Feydeau, mise en scène de Gilles Bouillon

Dormez je le veux ! et Mais n’te promène donc pas toute nue ! de Georges Feydeau, mise en scène de Gilles Bouillon

 

Crédit : Pascal Gély

© Pascal Gély

Dormez, je le veux! (1897) et une farce Mais n’te promène donc pas toute nue! (1911) dont  le critique Catulle-Mendès parle d’invention burlesque, absurde et drôle d’un jeune vaudevilliste évoquant l’hypnose et le magnétisme, thèmes en cours  à l’époque et qui retrouvent un regain d’actualité aujourd’hui. Georges Feydeau avait déjà exploité ce thème  dans Le Système Ribadier mais sans en exploiter toutes les possibilités comiques. Son héros, doué de facultés hypnotiques, endort son épouse à chaque fois qu’il désire rejoindre sa maîtresse. Ribadier ne faisait pas agir son épouse comme le faisaient certains hypnotiseurs mais se contentait de la «neutraliser» pendant quelques heures.

 Dans Dormez, je le veux! Boriquet a une fiancée, Emilienne dont le père, le docteur Valencourt, le délivre in extremis du pouvoir de Justin son domestique qui l’hypnotise pour le réduire à l’état de valet… Se faire servir et  s’autoriser enfin à manger les mets fins du maître et à ne plus bouger le petit doigt pour travailler: un renversement subversif et une situation théâtrale traditionnelle. Mais Eloi, le valet du médecin -un Belge au fort accent et au vocabulaire pittoresque- essayera d’imiter Justin et le trahira… Paul Toucang joue ce benêt ravi qui prend plaisir à desserrer les nœuds de l’intrigue.

Verve et drôlerie, plaisir de voir les rôles inversés quand Boriquet et sa sœur, crédules, se plient avec empressement à la volonté de Justin… persuadant son maître qu’il est un singe des forêts d’Amérique et sa sœur qu’elle est une danseuse espagnole avertie. Frédéric Cherboeuf est ahuri, à côté de lui-même mais souple et vif et Nine de Montal (la sœur) est à la fois loufoque et très crédible. Justin et le médecin se livrent à un duel spectaculaire où chacun hypnotise son adversaire… Vincent Chappet et Mathias Maréchal incarnent ces personnages entêtés qui ont un désir enfantin de gagner.

Le succès immédiat de Mais n’te promène donc pas toute nue ! s’explique, entre autres, par le milieu politique de l’époque: un certain député Ventroux aurait pour voisin dans l’immeuble d’en face, le célèbre Georges Clémenceau. Frédéric Cherboeuf, excellent, joue ce carriériste et Nine de Montal, celui d’une épouse désinvolte et libre voulant casser les codes d’une bourgeoisie étriquée et vivre une féminité sans entraves! Elle a la manie agaçante de se promener dévêtue face à son fils et à son domestique, ce qui risque de compromettre la carrière du parlementaire… Une habitude ridicule qui entretient le conflit entre les époux.

L’auteur défend au mieux cette épouse, même si elle est montrée comme «logique dans son illogisme, imprimant aux discussions conjugales des directions totalement imprévues, jusqu’à la pure démence ».  Il y a un comique irrésistible et une puissante impression de vérité dans cette peinture de la réalité quotidienne. Et une satire acérée des mœurs parlementaires de la III ème République qui rappelle notre époque, avec un morceau d’anthologie : l’entretien entre le député et son adversaire politique, le maire de Moussillon-les-Indrets.

Quand la jeune femme est piquée à une fesse par une guêpe, elle  veut trouver quelqu’un qui puisse sucer la plaie : son mari, l’adversaire, le domestique, un journaliste du Figaro qu’un quiproquo fera passer pour un médecin… Et Gilles Bouillon pousse loin le bouchon… Nine de Montal, gracieuse et élégante dans son impudeur affichée, ne trouve plus le repos, puisque cette piqûre n’a pas été traitée. Les hommes  sont gênés et troublés mais l’épouse imposera sa loi à cette société pusillanime et craintive. Extravagance et folie des situations et des dialogues: les personnages croient pouvoir tout contrôler de leur vie mais s’abandonnent au hasard. Le mari ne pourra plus si aisément soumettre sa douce moitié qui existe désormais à part entière, hors des projets politiques du mâle. Iris Pucciarelli est la fiancée Emilienne dans la première pièce et L’Enfant dans la seconde. Ces personnages, hauts en couleur et rêveurs à la fois, lancent une machine comique infernale qu’ils ne peuvent arrêter. Une vraie petite merveille ici renouvelée dans les décors bonbon acidulé et les costumes des années soixante imaginés par Nathalie Holt.

Véronique Hotte

Théâtre de Châtillon, 3 rue Sadi Carnot, Châtillon (Hauts-de Seine), jusqu’au 26 novembre. T.: 01 55 48 06 90.

Nogent-le-Rotrou, le 6 décembre. Antibes (Alpes-Maritimes), du 10 au 15 décembre. Théâtre de Cognières, le 14 janvier et Théâtre de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le 21 janvier. Charleville-Mézières (Ardennes), le 4 février. Le Grand-Quevilly (Seine-Maritime), le 6 février. Le Bouscat (Gironde), le 18 février. Villeneuve-sur-Lot (Lot), le 20 février. La Châtre, le 6 mars. Domaine de Bayssan, Béziers (Hérault), le 10 mars. Epernay (Marne), le 17 mars. Langon (Gironde), le 26 mars.

 

 

 

 

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