Macbeth de William Shakespeare, mise en scène de Julien Kosellek
Macbeth de William Shakespeare, mise en scène de Julien Kosellek
Cela commence mal et la pièce réputée maudite dans le monde théâtral a encore frappé! Dès l’entrée, on est assailli par une dose bien épaisse de fumigènes et on se demande si une des cinq jeunes actrices habillées de noir, Laura Clauzel, Ayana Fuentes Uno, Viktoria Kozlova, Sophie Mourousi ou Tatiana Spivakova qui, au début, tousse sans arrêt, va y résister ! Dans une obscurité presque totale puis dans une forte pénombre, on a bien du mal à discerner qui d’entre elles dit (plutôt qu’elle ne joue) parfois au micro, une sorte de récit de la pièce, quelques dialogues et bribes de texte, et souvent des didascalies (effet très à la mode il y a déjà vingt ans!). Et le metteur en scène aurait pu nous épargner ces stéréotypes du théâtre contemporain: faibles éclairages latéraux rasants, incursions dans la salle et fréquentes criailleries… Et on oubliera ce faux-semblant de scénographie avec, entre autres, des branches d‘arbres morts, des crânes et une grande épée, le tout suspendu au-dessus du plateau.
Pas besoin de résumé, selon le metteur en scène. C’est vite dit et celui qui n’a pas une bonne connaissance de Macbeth, n’y comprendra pas grand-chose… «Une distribution jeune, cosmopolite et féminine interroge cet univers patriarcal et vieillissant, excessivement masculin. » Après tout, pourquoi pas? On en a vu d’autres, même s’il faut se méfier des idées systémiques au théâtre! Et comme on ne voit pas grand chose à cause de cette fumée et d’un éclairage très faible et que la dramaturgie est au niveau zéro, l’ensemble a quelque chose de bien prétentieux… en accord avec cette note d’intention. Et l’ensemble ne fonctionne pas: «Elles sont tout à la fois, les narratrices, les différents rôles et le paysage sonore dans lequel elles jouent. Macbeth est de l’étoffe dont sont faits les cauchemars : située à la limite entre rêve et réalité, la pièce interroge notre rapport au destin, au fantasme, au pouvoir. Elle donne à voir la fuite en avant d’un roi régicide qui, pactisant avec le diable, se désolidarise du monde social. » Interrogez, interrogez, il en restera toujours quelque chose mais pas ici… Et on ne discerne rien des relations entre les partenaires de ce couple infernal.
Cela dit, il y a quelques belles images comme ce banquet avec une longue table (merci au grand Polonais Tadeusz Kantor (1915-1990) que l’on a beaucoup imité) et de courts moments de chant qui, agréables à entendre, donnent un peu de respiration à ce magma pesant des tonnes. Quand, par exemple, les actrices affublées de lunettes de soleil, éclairées par en dessous, chantent face public en jouant quelques notes. Pas nouveau, les lunettes de soleil sur un plateau mais séduisant… Mais il y a tromperie sur la marchandise et ici, ce n’est pas Macbeth ni même une adaptation ou une relecture mais une soupe indigeste, vaguement tirée de la pièce originale, quelque chose de mort que les pauvres actrices ont bien du mal à assumer. Et pas la moindre trace ici de la violence exercée par Macbeth et Lady Macbeth. Et même la formidable scène du Portier est ratée !
Faire jouer cinq femmes alors qu’elles étaient interdites de séjour sur les plateaux de l’époque élisabéthaine : cette facilité ne trompe personne et même en ces temps de féminisme virulent, ce n’était sûrement pas l’idée du siècle. Et on se demande comment ce qui aurait dû rester un travail de laboratoire mais pas plus, est arrivé ici. «Macbeth, dit le programme, est présenté à L’Etoile du Nord dans le cadre d’une programmation théâtrale de relecture, réappropriation, redécouverte et réinterprétation de textes classiques. (sic) Il s’agit d’en montrer toute la modernité, la souplesse et l’actualité. La création se nourrit du présent, du futur mais aussi du passé quitte à le chahuter, le travestir et l’interpréter. » (sic) Quelle prétention!
Bref, une soirée ratée et comme la vie est courte, nous avons quitté la partie après une heure de ce pensum qui en durait deux… Comme l’insinue finement Dionysos dans Les Grenouilles d’Aristophane: « Songe que, quand je vois au théâtre ces sortes d’inventions, j’en suis vieilli de plus d’un an! » Les amis du metteur en scène vont sans doute nous écrire pour s’indigner du fait que nous n’avons rien compris à cette remarquable réalisation mais on aimerait savoir qui aurait par hasard l’intention de la programmer dans un Centre Dramatique ou une Scène Nationale… Ne levez pas tous le doigt !
Philippe du Vignal
Spectacle vu le 23 novembre à l’Etoile du Nord, rue Georgette Agutte, Paris (XVIII ème).