Le Mahabharata de Satoshi Miyagi au Global Ring Theatre

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Le Mahabharata de Satoshi Miyagi au Global Ring Theatre 

 Ce spectacle que nous avions découvert au festival d’Avignon en 2014 (voir Le Théâtre du Blog), a poursuivi sa carrière dans le monde entier. Il est joué  au Japon à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau théâtre, le premier construit en plein air dans la capitale nippone aux quatorze millions d’habitants et situé devant le Tokyo Metropolitan Theater. Le metteur en scène n’y était pas revenu depuis plus de quinze ans. Avec les comédiens et les musiciens du Shizuoka Performing Arts Center, il a offert aux spectateurs motivés, une pièce hors normes et la troupe a tenu le pari deux heures durant, bravant le vent, le froid et la pluie incessante.

Et la représentation a alors pris une dimension shakespearienne, comme un clin d’œil au nom du Global Ring Theatre, inauguré ce mois-ci, dans le cadre du Tokyo Festival. Et comme le disait Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française dans le programme de la saison 2015/2016: «Que l’on s’adresse à l’âme ou à la conscience des spectateurs, ils viennent, mais surtout reviennent, au théâtre, à tout âge et sans forcément de fidélité à tel ou tel guignol, à tel ou tel répertoire, parce qu’ils ont connu quelquefois, rarement, cette émotion à nulle autre pareille, d’avoir aperçu, là, sur scène, quelque chose de leur vie, un éclat qui leur appartient. Coincés entre deux parfaits inconnus et parmi tant d’autres, ils ont soudain senti qu’ils faisaient partie d’une humanité plus grande qu’ils ne le pensaient. » 

Ce jour-là, s’est produite en effet une vraie communion entre les spectateurs emmitouflés sous des couches de vêtements, le visage fouetté par la pluie et les artistes qui, en aucun cas, n’ont montré la moindre défaillance de jeu. Des gens un peu « fous » qui, à une époque où tout le monde se protège de tout, sont sortis (les plus favorisés) de leur cadre de vie douillet par passion pour l’art. Revoir du théâtre japonais au service d’un texte mythique venu du plus loin de la culture indienne, reste un événement unique qui demeurera gravé dans nos mémoires. 

 En 2014, lors de la grève des intermittents du spectacle au festival d’Avignon, la troupe du S.P.A.C. avait quand même réussi à jouer des extraits de ce Mahabharata, non à la carrière Boulbon où il devait normalement l’être, mais devant le Palais des Papes: «Pour nous, avait dit Satoshi Miyagi, c’est un lieu destiné à partager, avec tous ceux qui viennent du monde entier, la valeur universelle que l’on retrouve dans l’art du théâtre, ce qui ne se prouve qu’en accomplissant les représentations ». À Tokyo, une fois de plus, cette troupe a défié le ciel…

Jean Couturier

Global Ring Theatre, le 23 novembre

spac.org.jp  

 


Archive pour 28 novembre, 2019

Casino de Namur I, texte, mise en scène et interprétation de Philippe Caubère

Casino de Namur I, deuxième volet d’Adieu Ferdinand ! Suite et fin, texte, mise en scène et interprétation de Philippe Caubère

©Michèle Laurent

©Michèle Laurent

C’est énorme : des années d’écriture, depuis 1981 pour La Danse du diable qui a ravi des générations de spectateurs, Le Roman d’un acteur, avec onze spectacles de trois heures chacun, L’Homme qui danse: huit spectacles et maintenant Adieu, Ferdinand ! Une œuvre qui a sans doute occupé presque toute la carrière du comédien.
« Entre,dit-il Tintin et A la Recherche du temps perdu. » Car il fait tout lui-même, à la main, sur scène. Il a ses alliés, ses complices : Jean-Pierre Tailhade au début, puis Clémence Massart, Véronique Coquet et son frère Pascal Caubère mais il porte tout sur ses épaules et décide. « L’une des règles immuables du Roman d’un acteur, c’est peut-être d’abord celle-là : ne jamais obéir quand on me demande de couper ! On me l’a toujours demandé et j’ai toujours refusé. On ne se coupe pas un doigt,  parce qu’on a de grosses mains. C’est à moi, par le jeu, par le travail du jeu à faire, qu’au bout d’un moment, les longueurs n’en soient plus. » Nous voilà dans le vif du sujet et précisément dans Le Casino de Namur I : le jeu ne fonctionne plus et la morne plaine s’étire. Ferdinand n’a pas grand-chose à dire de lui-même dans la situation où il se trouve, sinon son embarras et son envie d’être ailleurs que chez ces céréaliers belges qui persécutent sauvagement leur fils apprenti-comédien…

 Ça fait une situation, une seule. L’humour tari, reste le sarcasme, lui aussi limité par la situation inchangée et la caricature répétée de ces brutes. Quelle ressource trouver ? Le malentendu, avec Bruno, le célèbre alter ego ? Le comique de répétition ? Dernier recours : le pipi-caca, plus régressif que transgressif. Qui fait rire un peu et puis de moins en moins. Une blague qu’il faut expliquer n’est plus une blague, ou alors il fallait improviser, activer le génie du ratage. Quand le danseur ne danse plus, sans inventer la gestuelle inédite de sa fatigue, cela devient pesant. Philippe Caubère reste un mime de qualité et vaillant mais cela suffit-il pour une longue soirée au théâtre ? Le tout récolte à la fin, les applaudissements modérés d’un public a priori bienveillant, mais déçu et plus que perplexe.
Voilà : non, une œuvre n’est pas un corps ; oui, il faut parfois couper. Ou passer à autre chose : reprendre le cycle Sud, André Benedetto, André Suarès, des poètes.

Christine Friedel

Théâtre du Rond-Point, 1 avenue Franklin-Roosevelt, Paris (VIII ème), jusqu’au 5 janvier. T. 01 44 95 98 21.

Place, texte et mise en scène de Tamara Al Saadi

© Pascal Gely

© Pascal Gely

 

Place, texte et mise en scène de Tamara Al Saadi

 Tiraillée entre une famille exilée et figée dans ses souvenirs de “là-bas“, et  son désir à elle de “s’intégrer“ dans un nouveau pays mais écartelée entre son Irak natal, en guerre et la France où ses parents se sont réfugiés quand elle avait quatre ans, Yasmine retrace un parcours accidenté pour accéder à sa véritable identité. Une petite fille la guide dans ce retour aux sources : «Votre moi est en désaccord avec votre vous : vous vivez sous le joug d’une forme d’auto-séquestration », diagnostique la gamine clairvoyante.  Pour traduire ce déchirement, deux Yasmine cohabitent, aux physiques contrastés  (Mayya Sandbar et Marie Tirmont). Selon les circonstances, c’est la jeune arabe ou la Française qui prend le pas sur l’autre. Leur coexistence non pacifique rend tangibles les tensions qui traversent l’héroïne lors de situations absurdes, tragiques et parfois cocasses…

 «Je me souviens de mon enfance comme d’un cri »,  confient Yasmine et, tour à tour, les membres de sa famille. La mère se rappelle un passé heureux mais entend toujours les bombes ; elle n’est que douleurs et gémissements. «On est en embargo depuis qu’on est gamin», constate le frère aîné… Le père, mutique tout au long de la pièce, ouvrira enfin la bouche pour évoquer son propre père qui lui disait : «On avance toujours seul ! » « Ils errent dans un là-bas à eux », résume Yasmine.

Alix Boillot a imaginé une scénographie avec de simples chaises pour composer, au fil du spectacle, un espace chaotique. Dans ce paysage désolé, peu à peu envahi par le sable qui pleut sur le plateau – comme les bombes sur Bagdad-, la jeune fille raconte son histoire. Les situations se superposent et s’entrechoquent alors que tous les personnages sont présents, en permanence. On glisse d’une scène dans la cour de l’école à une confrontation familiale, un rendez-vous amoureux, et aux adieux de la sœur aînée qui ne peut pas s’intégrer…

Ces événements, issus de la mémoire de Yasmine, appellent des codes de jeu variés: des camarades de l’adolescence sont des caricatures cauchemardesques alors que les scènes à la Préfecture de police, plus vraies que nature, rendent compte de l’absurdité administrative. Les comédiens, tous excellents, épousent avec subtilité les qualités de l’écriture, vive, sans pathos, avec de belles échappées poétiques. Roland Timsit réussit à imposer la présence-absence pesante du père. Françoise Thuriès est une mère hystérique et Yasmina Nadifi, (la sœur) nous fait rire dans le rôle d’une employée de bureau revêche.

 Tamara Al Saadi puise largement dans sa biographie : « Place est née de la nécessité de parler d’une impasse, de ce sentiment  qu’éprouvent parfois les “étrangers“  à n’être jamais au bon endroit, de la bonne façon. Une quête permanente de légitimité  aux yeux des autres et les dégâts qu’engendre l’assimilation“.  »  La jeune femme, à sa sortie de l’École du jeu, avait écrit et monté Chrysalide, Pièce d ́identité et J’espère qu’on sera mieux demain. Ce spectacle, Prix du Jury et Prix des Lycéens au Festival Impatience 2018, confirme qu’elle a vraiment trouvé sa place : celle d’autrice et metteuse en scène. Après ces débuts prometteurs, elle prépare une création ambitieuse : il sera question de la décolonisation du corps de la femme orientale. À suivre.

 Mireille Davidovici

Le spectacle a été joué du 23 au 28 novembre au Cent-Quatre , 5 rue Curial, Paris (XIX ème) T.01 53 35 50 00.

 Du 3 au 6 décembre, La Manufacture, Nancy (Meurthe-et-Moselle) et le 13 décembre, ECAM, Kremlin-Bicêtre (Hauts-de-Seine).
Du 7 au 10 janvier, Comédie de Saint-Etienne (Loire); du 21 au 23 janvier, Comédie de Reims (Marne); 28 janvier, Vivat, Armentières (Nord); 31 janvier, Théâtre de Chelles (Seine-et-Marne).
Le 10 mars, POC! Alfortville (Hauts-de-Seine) et le 13 mars, Chateauvallon-Liberté, Toulon (Var).
Le 14 mai, Dôme de Gascogne du CIRC, CIRCA, Auch (Gers).

La pièce est publiée aux éditions Koinè, 104 rue Victor Hugo, Bagnolet (Seine-Saint-Denis).  T. : 06 12 55 85 03

 Le festival Impatience aura lieu du 6 au 18 décembre:

Au Cent Quatre, Paris (XIX ème), au Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France, aux Plateaux Sauvages, Paris ( XX ème) et au Jeune Théâtre National, Paris (IV ème).

 

 

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