Allegria chorégraphie de Kader Attou

©justine_jugnet

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Allegria chorégraphie de Kader Attou

 Nous avions été impressionnés aux Francophonies en Limousin 2015 par Opus 14, une pièce  avec seize danseurs. Pour sa nouvelle création, la seizième de sa carrière, Kader Attou  a choisi un format plus réduit et une construction moins abstraite,  fondée sur une succession de tableaux. Il y met en scène des situations dramatiques, burlesques et, répit à cette danse inventive, des échappées poétiques…

Comme si, pour lui, le sujet de la danse n’était plus seulement la danse mais les relations entre les individus, en connivence ou en opposition: «Un endroit pour que des êtres se rencontrent par envie ou par hasard, avec des choses qui arrivent puis disparaissent, comme cela se passe dans un rêve. » Il s’appuie plus sur la personnalité des danseurs: «J’écris à partir de leur mouvements, ce que leur corps propose. »

Le chorégraphe, sans renoncer à son vocabulaire hip-hop, à la fois aérien et ancré au sol avec acrobaties collectives ou solos virtuoses, dessine des situations, crée une imagerie onirique, soutenue par la musique de Régis Baillet, légère ou grave, en boucles véhémentes ou en volutes lyriques, jusqu’au chant religieux… La pièce s’ouvre sur une image : devant le vaste rideau drapé à l’avant-scène, un homme pose sa valise. Bientôt, d’autres le rejoindront et essayeront de s’en emparer : ainsi commence une lutte joyeuse et bondissante, autour de cet objet de convoitise qu’on retrouvera à la fin du voyage où nous entraînent huit danseurs infatigables. 

Camille Duchemin a créé une scénographie évolutive avec un espace qui se creuse : le rideau tombe, donnant le champ libre aux interprètes qui alternent solos, duos, trios, quatuors, sextuors et autres combinatoires. De temps à autre, un danseur se sépare de l’ensemble, solitaire, pour quelques évolutions dans son style personnel, bientôt rejoint et imité par les autres. A mi-parcours, le mur qui barrait le fond de scène s’efface et un grand écran capte les éclairages changeants de Fabrice Crouzet, définissant des climats contrastés. Il devient aussi un voile translucide derrière lequel les interprètes passent en ombres chinoises, simples silhouettes ou créatures chimériques.

 De ces quatre-vingt dix minutes, nous retiendrons des moments inoubliables: la traversée d’une mer houleuse où les danseurs plongent dans les vagues, figurées par un tissu agité entre cour et jardin. Sur la plage, gît un homme aussitôt ressuscité et rejoint par le groupe : «Je n’ai pas écrit ce spectacle pour faire oublier la misère du monde ni pour la mettre en avant, dit Kader Attou. J’aime raconter avec légèreté ce qui se passe de grave dans le monde. »

Allegria se veut donc une pièce joyeuse où le chorégraphe débusque les éclairs d’humanité dans la violence et même la poésie du monde, comme dans la scène finale où la valise, métaphore des migrations aventureuses, laisse échapper comme par magie, des objets inattendus… Le directeur du Centre chorégraphique national  de la Rochelle (depuis 2008) , donne une fois de plus au hip-hop ses lettres de noblesse et lui confère ici un supplément d’âme : « L’idée, dit-il, c’est de chercher la poésie partout où elle se trouve. J’aimerais que les gens sortent heureux, que le titre s’inscrive dans les corps du public.» Pari tenu : il raconte tout en douceur la gravité du monde et transmet cette jubilation au public, enthousiaste.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 5 décembre, Théâtre national de la Danse-Chaillot, 1 place du Trocadéro,  Paris (XVI ème). T. : 01 53 65 30 00.  Et le 30 décembre à partir de 10 h 30, journée avec Kader Attou.

 Le 17 décembre, La Garance, Cavaillon (Vaucluse).

Les 12 et 13 février, Le Corum, Montpellier (Hérault) et le 29 février, Théâtre de Saint-Maur (Val-de-Marne).
Le 10 avril, Le Toboggan, Décines (Rhône)


Archive pour 29 novembre, 2019

Féminines, texte et mise en scène de Pauline Bureau

 

  Féminines, texte et mise en scène de Pauline Bureau, dramaturgie de Benoîte Bureau

FÉMININESA Reims, dans les années soixante… Tous les ans, pour la kermesse du journal L’Union, le journaliste Pierre Geoffroy organise une attraction: en 1967, un combat de catch de lilliputiens et l’année suivante, un match de foot féminin.Une petite annonce est passée dans le journal et, à la grande surprise, de très nombreuses femmes qui aiment bien taper dans le ballon, vont se présenter.

Joli jeu, course rapide, les voilà qui explorent l’immense liberté d’un terrain, une aventure existentielle pour ces jeunes élues entre seize et trente-deux ans prêtes à mordre. En réalité, l’équipe féminine de foot de Reims créée en 1968, enchaîne l’année suivante des tournées aux Etats-Unis, au Mexique et à Haïti, jusqu’en 73. Et cinq ans plus tard, l’équipe de France avec des joueuses majoritairement issues de celle de Reims, gagne la coupe du monde à Tapeï…

Dans cette fiction écrite à partir d’une aventure collective réelle, les personnages sont inventés et l’équipe de Reims devient ici l’équipe de France; le journaliste est leur entraîneur pour qu’elles gagnent ensemble. Féminines s’inspire des comédies qu’on a pu voir au cinéma : une équipe sportive de branquignols à laquelle personne ne croit, prouve qu’à force de volonté, d’efforts et d’engagement, elle réussit à gagner.

A l’époque, les femmes s’organisent et même dans les petites entreprises, elles éprouvent ce qu’est le travail à la chaîne et la dépendance physique et mentale qu’il crée. Mais elles s’éveillent aussi à une conscience politique, demandent une reconnaissance avec une hausse des salaires et n’hésitent pas à faire grève. Et qu’on soit l’épouse ou bien la fille d’un homme qui se croit supérieur, la considération d’une place équitable dans une famille, ne va pas de soi. Les pères voudraient imposer leur vision de l’épouse et le mari ne veut pas que sa moitié lui échappe. Mais elles goûtent à une liberté et à un plaisir d’exister, jusque là inconnus d’elles… Une émancipation qui dépend aussi de soi et pas seulement des autres….

Selon l’auteure, la mouvance contestataire en mai 1968 a favorisé la naissance du football féminin qui participe naturellement de la libération des femmes, sans que les joueuses ne manifestent d’abord une volonté radicale d’émancipation. Le football s’est ici invité avec les vestiaires d’un stade, un lieu stratégique privilégié des confidences des  sportives et de leur entraîneur, entre douches et changements de tenue, préparation mentale… et parfois déception, quant au score obtenu…

Au-dessus de la scène, un écran diffuse le film de l’entraînement : courir, taper sur le ballon, glisser et chuter.  Puis elles reviennent  dans les vestiaires, essoufflées. On les aura vues, éloignées et miniaturisées sur la large surface du stade ou en gros plans zoomés sur les visages. Parfois, dans les vestiaires, à cour et à jardin, s’ouvrent les parois glissantes d’espaces privés : la chambre d’une footballeuse et de son compagnon ou la salle à manger de ses parents, avec daube au menu. Sur les rideaux et le mur du lointain, une grande forêt d’arbres hauts et feuillus apparaît en vidéo, paysage verdoyant de feuilles tremblantes où vit et s’entraîne avec son père, une  sportive prometteuse. Mais c’est aussi un lieu pour les tentes de la petite équipe invitée un soir chez les parents de leur camarade.

Encouragée par ses entraîneurs, ce chœur amical est régi par un esprit d’entraide, d’échange et d’écoute attentive. La bande-son de Vincent Hulot nous fait entendre les cris d’un stade effervescent, les bruits sourds nocturnes de la forêt, les musiques peps de l’époque et celles de Gossip ou Beyoncé. Yann Burlot et Nicolas Chupin, (l’entraîneur et le coach inspiré), Anthony Roullier (le mari, le jaloux du coach, le frère d’une footballeuse) sont extraordinaires de bonne humeur, d’allant et de vraie générosité. Rebecca Finet, Sonia Floire, Léa Fouillet, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diqueiro et Catherine Vinatier, toutes convaincantes, pleines d’humanité et de doute, et qu’elles gagnent ou perdent, font la fête : champagne, danse et transe. Entre rire, suspense, échecs et réussites, défilent les émotions fortes dues aux incidents, violences, accidents et souffrances du jour. Un spectacle de comédie joyeuse qui se fait rare en nos temps de morosité et qui défend la cause des femmes sans agressivité ni rancune.

Véronique Hotte

Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème), jusqu’au 7 décembre. Tél : 01 42 74 22 77.

Théâtre Roger Barat, Herblay, ( Yvelines) le 10 décembre. Théâtre Dijon-Bourgogne, Centre Dramatique National de Dijon (Côte d’Or), du 16 au 20 décembre.
Le Pont des Arts à Cesson-Sévigné ( Ile-et Vilaine), le 9 janvier. Le Granit, Scène nationale de Belfort, (Territoire de Belfort) les 14 et 15 janvier. Théâtre de Fos-sur-mer (Bouches-du-Rhône), le 21 janvier. Théâtre Liberté, Scène Nationale de Toulon (Var) le 24 janvier.
Le Bateau Feu, Scène Nationale de Dunkerque (Nord), les 4 et 5 février. La Nouvelle Scène de la Somme à Nesle ( Somme), le 8 février.
Théâtre d’Angoulême, (Charente) Scène nationale, les 10 et 11 mars. La Filature de Mulhouse-Scène Nationale ( Haut-Rhin) les 18 et 19 mars. Théâtre Firmin Gémier-La Piscine, Châtenay-Malabry (Hauts-de Seine) les 24 et 25 mars. Le Nest de Thionville-Centre dramatique national (Moselle), le 31 mars.
Et maintenant, le spectacle doit être repris

 

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