Douce, d’après Fiédor Dostoïesvski, mise en scène d’André Oumansky

Douce, d’après Fédor Dostoïesvski, mise en scène d’André Oumansky

Crédit photo : ciedugoeland.

Crédit photo : ciedugoeland.

Dès 1876, Dostoïevski crée une revue, Le Journal d’un écrivain dont il est l’unique collaborateur, pour parler des réalités de son temps avec un public régulier. Puis, rédacteur en chef d’un hebdomadaire Le Citoyen, il y insère en feuilleton ce Journal d’un écrivain qu’il publiera plus tard à son compte. Pour traiter ainsi d’économie, diplomatie, morale et critique d’art, exposer sa philosophie de l’histoire, ses idées sur la religion, dialoguer avec ses lecteurs mais aussi y donner des récits comme Le Songe d’un homme ridicule ou Une Douce.

Cette nouvelle, un récit dit imaginaire,  reste réaliste au plus haut point, selon l’auteur. Et dans la préface, il demande au lecteur, d’imaginer un mari qui voit son épouse étendue sur une méridienne; quelques heures plus tôt, elle s’est jetée par la fenêtre… Bouleversé,  il n’est pas encore parvenu à rassembler ses idées et cherche à «faire le point de ses pensées». Un personnage introverti et qui préfère se parler à lui-même, plutôt qu’aux autres. Essayant d’élucider la fin tragique de sa douce, il ne cesse de se contredire, en se justifiant lui-même ou en accusant la défunte. Aussi témoigne-t-il d’une grossièreté d’esprit mais aussi d’une profondeur de sentiment.

Peu à peu, la situation s’éclaircit et le narrateur fait le point. La «juste vérité» selon Gustave Aucouturier, l’éditeur du Journal d’un écrivain, celle qui élève l’esprit et le cœur, rend à la lucidité et à la clarté, le mari troublé. A-coups, interruptions, incohérences, retournements de situation: cela diffère selon les adresses à lui-même et celles destinées à un public ou à un juge. Une représentation réussie de l’être impliqué corps et âme dans une existence qu’il n’est pas à même de contrôler, croyant faussement tout connaître de lui-même. Prêteur sur gages, cet ancien officier -il a été radié de l’armée- a épousé une jeune fille, par compassion et par orgueil. Il prône étrangement dans son foyer la sévérité et ne se laisse aller ni à la joie ni au bonheur, empêchant ainsi sa femme d’y accéder. Une distance immédiate, une énigme dont sa femme a conscience et qui sépare les époux.

Il déplore le moindre élan printanier qui pourrait surgir de cette présence juvénile éveillée : «Mais moi, cet enthousiasme, tout de suite, je l’ai accueilli par une douche froide. Et mon idée, elle était là. Ses enthousiasmes, j’y répondais par le silence, un silence indulgent, certes… mais, quand même, elle a vu tout de suite que nous avions une différence et que j’étais une énigme.» Les époux s’éloignent l’un de l’autre : elle, quitte le foyer pour se distraire, jusqu’au jour où elle saisit un revolver qu’elle oriente sur son mari endormi. Conscient de ce geste offensant, lui passe alors de l’indifférence froide, à la passion la plus brutale et la plus charnelle. Malentendu, quiproquo : bien sûr, il est trop tard.

Une banale tragédie du suicide qui tient beaucoup ici à la virtuosité et à l’engagement d’Anna Stanic, Nicolas Natkin, Rose Noël et Maxime Gleizes. Un quatuor harmonieux de beaux comédiens, justes et conscients de leur engagement théâtral… Et Ils n’ont ici pour tout support, que leurs répliques dostoïevskiennes et quelques accessoires élémentaires mais significatifs : une caisse pour le prêteur sur gages, une méridienne où l’on croit se reposer et un fauteuil pour une supposée réflexion…

 Véronique Hotte

 Théâtre Lepic (ancien Ciné 13-Théâtre), 1 avenue Junot, Paris ( XVIII ème). T. : 01 42 54 15 12.

 

 

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