War Horse, d’après le roman de Miachael Morpurgo, mise en scène de Marianne Elliott et Tom Morris,

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War Horse, adaptation du roman de Michael Morpurgo par Nick Stafford, création et mise en scène de Marianne Elliott et Tom Morris

Le roman pour la jeunesse (1982) de cet auteur britannique bien connu avait déjà été fait l’objet d’un film réalisé par Steven Spielberg. Il raconte la guerre de 14-18 à travers  l’histoire d’Albert, le jeune fils d’un paysan du Devon, au Sud de l’Angleterre qui avait acheté cher, Joey, un beau cheval. Sa femme, en fermière prudente, trouve que c’est un luxe inutile car ce demi-sang ne pourra pas tirer la charrue. Albert qui l’aime beaucoup, réussit pourtant après bien des efforts  à lui faire labourer un champ. Mais arrive la guerre et la mobilisation des soldats et… des chevaux…Le beau Joey sera réquisitionné comme des millions d’autres par la cavalerie britannique pour aller combattre les Allemands. A la grande tristesse d’Albert  trop jeune pour s’engager mais qui réussira plus tard à rejoindre la France. Mais nouvel épisode, les troupes allemandes réquisitionnent aussi les chevaux dont Joey qui sera blessé par des fils barbelés mais qu’Albert finira par retrouver. Une histoire à faire pleurer dans les chaumières. Prenez tous vos mouchoirs…

Pour raconter cette fresque historique, quelque trente comédiens et chanteurs anglais et des manipulateurs virtuoses de la compagnie sud-africaine Handspring Puppet Company.  Par équipe de trois (un pour la tête, un pour les flancs et un pour l’arrière), ils donnent vie à de beaux chevaux grandeur nature en cuir, rotin et aluminium. Emblématiques de War Horse, créée en 2007 au National Theatre de Londres et qui a remporté vingt-cinq prix internationaux dont le Tony Award® de la meilleure pièce de Broadway quatre ans plus tard. Il afficherait au compteur plus de sept millions de spectateurs à travers le monde.

Et cela donne quoi dans cette immense salle froide de la Seine musicale, pas sympathique du tout avec ses 4.000 sièges inconfortables. Et plus faite pour accueillir de grands spectacles de danse ou des orchestres symphoniques, elle a, pour principal défaut un très mauvais rapport scène/salle. Surtout quand il s’agit de recevoir  du théâtre ou même une comédie musicale comme West Side Story  où l’ouverture du plateau avait dû être réduite. Et de toute façon la majorité du public est très loin des acteurs-chanteurs comme ici avec War House

Côté mise en scène, il y a, c’est indéniable, une excellente gestion de l’espace avec de nombreux interprètes: tout ici, est impeccablement réglé par une discrète mais efficace armée d’accessoiristes et  régisseurs: musique, chant, jeu, projections vidéo d’images en noir et blanc de villages et ruines sur un écran en forme de nuage… Tout fonctionne au quart de tour. Et l’animation des chevaux, elle relève d’une belle prouesse marionettique avec, très bien imités : pas  trot et galop des chevaux. Et une oie sur roulettes, très drôle et des vols d’ hirondelles en haut d’une perche mais, là nettement moins réussies: à une telle distance on voit surtout les perches et des points noirs.

Bref, un spectacle brillant sur le plan technique: tout est remarquablement au point. Oui, mais voilà rien ici ne dégage vraiment d’émotion… Pourquoi sans cesse cette pénombre, avec lumières face public pour en augmenter encore l’effet? Pourquoi cette débauche de fumigènes, pour vouloir sans doute créer un certain mystère? Et les scènes intimes, surtout avec micro HF, ne peuvent pas fonctionner sur un plateau d’une telle dimension. Restent les moments où chantent les chœurs, admirables de précision et de sensibilité et quand chante aussi un accordéoniste, seul sur cette immense scène.
Et il y a cette belle invention de ces chevaux animés qui représente un long travail de mise au point et à sans cesse préciser à chaque représentation. Mais les images de synthèse d’explosions et le bruitage assez répétitif n’ont rien de convaincant et les dialogues de cette comédie musicale qui n’en est pas vraiment une, sont faiblards. Par ailleurs, il y a un manque de rythme évident surtout dans la première partie. Et mieux vaut connaître l’anglais : les sur-titrages sont en petits caractères et à l’écart de chaque côté de la scène : quelle erreur… Et pourquoi cet entracte de vingt minutes qui casse un rythme déjà lent ?  Pour faire tourner le bar?

Sur les atrocités de la guerre de 14-18, on a pu voir nombre de nombre de spectacles. Mais Jérôme Savary, l’ancien directeur du Théâtre National de Chaillot qui avait créé le fameux Magic Circus avait  remarquablement réussi son coup quand il avait créé, il y a déjà presque quarante ans et avec des moyens plus limités, Noël au front  d’Helmut Ruge, auteur et metteur en scène allemand, un magnifique évocation de cette interminable hécatombe, d’une grande poésie et très émouvante… Ici, il y a toute une technique fabuleuse, un indéniable savoir-faire dans le déplacement de groupe mais manque un supplément d’âme et, même si on est bluffé par le travail sur l’animation des chevaux et la discipline scénique des acteurs-chanteurs, le spectacle a de sacrées longueurs et on s’ennuie…  

Cela vaut le coup d’y aller? Peut-être mais à condition de ne pas être trop difficile et attention, les enfants n’étaient guère passionnés… Rien à faire, malgré des moyens techniques considérables, l’émotion devant cette folie guerrière n’est pas au rendez-vous et malgré par moments, ses qualités visuelles, cette réalisation n’est pas adaptée à cette immense et sinistre salle. Le public a applaudi mollement et on le comprend. Un spectateur qui devait regretter d’être venu, a glissé à son épouse dans un mauvais jeu de mots: «C’est bien cher pour de la grosse cavalerie ! » Dur, mais lucide!
Donc à vous de décider: à moins que vous ne soyez dans le carré: Or  (quelle appellation ! à 89 € ) ou dans les catégories 1 ou 2 où à partir de 74 €, vous verrez correctement ce qui se passe sur scène, sinon, vous serez à quelque vingt-cinq mètres… Et pour les autres catégories en dessous, vous avez intérêt à avoir de puissantes jumelles: de toute façon, vous payerez 29 € au minimum ! Et désolé, mais ici l’enjeu n’en vaut pas la chandelle.

Philippe du Vignal

La Seine Musicale, Île Seguin Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) jusqu’au 29 décembre. T. : 01 74 34 54 00. 
Le roman de Michael Morpurgo est réédité pour l’occasion chez Gallimard jeunesse.

 

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