Mister Paul de Jean-Marie Besset, mise en scène d’Agathe Alexis
Mister Paul de Jean-Marie Besset, mise en scène d’Agathe Alexis
L’auteur a eu le projet d’écrire six portraits à la première personne, de gens de sa ville d’origine: Limoux (Aude) au XXème siècle. Cette sous-préfecture en région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée, compte quelque 11.000 habitants qui se disent accueillants et festifs, et elle est, avec ses musées et un Brass Festival, la capitale de la blanquette, du carnaval et de la fête de l’Occitanie. Jean-Marie Besset affirme écrire au plus près de ces anonymes et de leur humour et dire jusque dans le drame, les secrets et détails les plus singuliers de leur existence, qui n’en révèle pas moins chez chacun un destin extraordinaire.
L’histoire de Mister Paul (1933-2000) commence ici où il naît sous le soleil et avec l’accent occitan : musique verbale d’un autre âge, parler des anciens de la région, expression orale désuète si l’on écoute parler la mère de Paul, ses amis du même âge, les camarades du fils et ses copines. L’auteur et comédien se coule à plaisir dans ces parlures ourlées. Sensation de bonheur, envie de gaieté et promesses d’avenir… L’antépénultième d’une famille de neuf enfants, Paul, a des parents ouverts et compréhensifs qui le soutiennent dans sa volonté juvénile et insouciante de faire du théâtre. Et ils « monteront » à Paris avec lui pour qu’il rencontre Jean-Louis Barrault. Mais il ne souhaite pas vivre seul loin de sa mère et rentre à Limoux où il est employé de bureau dans de petites entreprises Et il va sans doute épouser une riche héritière…
Humour, légèreté, confiance : la vie semble caresser le protagoniste sans le toucher. Mais il prend peu à peu conscience de sa préférence pour les hommes, les femmes étant leurs amies et confidentes…Il part pour l’Afrique, y restera dix-sept ans pour établir la ligne ferroviaire du Transgabonais. Pour décor, un paravent où est projeté un paysage équatorial, une table couverte d’un pagne aux couleurs vives, un flacon de whisky et quelques verres pour les amis… Mais Paul prend l’habitude de boire plus que de raison, seul ou en parlant avec d’autres. Il s’installe dans la brousse tant bien que mal, auprès de couples français amis qui le conseillent dans ses amours masculines : Raymond, puis Pierre… Lesquels amours finissent souvent mal et dans la souffrance, quand bien même il entreprend un voyage au Maroc pour changer de sexe, un projet auquel il renonce.
Puis ce baroudeur quitte l’Afrique pour aller à New-York signifiée ici par des projections de buildings sur un châssis. Il est en charge du Programme des Nations Unies pour le Développement mais après longue carrière à New-York, il revient à Limoux… Une leçon de vie d’un être qui traverse les épreuves existentielles avec le sourire et n’en conçoit pas d’amertume. Esquivant les situations quand les dilemmes ne peuvent se résoudre, il préfère recommencer ailleurs une autre vie. Amour, humour et élégance de celui qui ne se décourage jamais et qui avance dans la vie malgré tout, à un moment où il était plus facile de trouver un emploi…
L’Eden, n’est pas loin, du point de vue de Mister Paul, un expérimentateur qui sait apprécier les joies et les peines. Jean-Marie Besset orchestre le tout dans la distance et l’humour jusque dans les moindres détails et sait à la fois rire de lui-même et de son personnage. Et la mise en scène d’Agathe Alexis est enlevée, toute en allusions implicites. Avec nombre de costumes, selon les situations : casque colonial, veste de daim, tenue de soirée, chaussures à talons féminins. Un joli ballet de silhouettes qu’il admire devant sa psyché consentante Il chante avec justesse et un bel élan, souriant de propres escapades. Le public, lui, rit de bon cœur au charme désuet de ce spectacle entre cabaret et numéro d’acteur.
Véronique Hotte
Théâtre de L’Atalante, 10 place Charles Dullin, Paris (XVIII ème), jusqu’au 22 décembre. T. : 01 46 06 11 90.