Città Nueva, texte et mise en scène de Raphaël Patout

Città Nueva, texte et mise en scène  de Raphaël Patout

©Jim Ouzi

©Jim Ouzi

Il nous attend assis au bord du plateau, en mangeant des sardines directement dans la boîte, en prenant son temps -le rangement des poissons, quelle métaphore de la ville ! avec soin et plaisir, semble-t-il. Très important, le plaisir est le moteur de toute la démonstration. «Voilà. C’est ça, mon grand projet : refaire le monde avec mon plaisir.  » Dans son atelier, il lui manque l’assurance inébranlable de l’architecte D.P.L.G. ( diplômé par le gouvernement) mais il a tout ce qu’il faut : images, plans, dessins, calques et transparents superposables qu’il fixe  avec des pinces sur ses perches et tableaux. Et le plus important, de petits personnages qui donneront l’échelle humaine aux maquettes…

«L’avènement du plaisir pour tous, via l’architecture! Le plaisir! Le plaisir! Le plaisir doit triompher, il doit régner sur tout. Le plaisir n’a pas de mesure, il n’est pas soumis à quantification ni au marché. Le trop est son être ! Notre tort n’est pas, comme on le croit, de trop désirer, mais de trop peu désirer… Et nous déclarerons le plaisir: “affaire d’Etat“ ! Le plaisir, non les loisirs! Le but étant de transformer le travail en plaisir et non pas de suspendre le travail au profit du loisir. » Mais, avant d’en arriver là, il faut faire l’état des lieux et des ravages sociaux ou plus exactement humains, de l’urbanisme avec l’aide énergique d’Alexis de Tocqueville, cité ici avec respect, de Bernard Maris en lecteur de Michel Houellebecq et d’autres, absorbés, avalés dans le flots des atteintes portées à l’humanité, Raoul Vaneigem, écrivain et philosophe situationniste belge, Jean Baudrillard et sa vision de la solitude barbare des grandes villes: New York, la tour de Babel, l’Axe de Paris, la Croissance  et les décroissants…
Et  Le Corbusier, qui en prend pour son grade et pour toute l’architecture fonctionnelle et utopique, pendant qu’on y est ! C.Q.F.D. : la ville, c’est de l’économie, de la politique et on y est si habitué qu’on ne s’en aperçoit plus et qu’on se laisse mener comme un gentil troupeau (voir Alexis de Tocqueville). Comme dit l’épilogue : «Chacun va…va… rentrer chez soi ? Hein. Traversant la ville. »

Tout est à la fois culotté et modeste dans cette affaire: il y a un accord parfait entre le metteur en scène et son acteur Damien Houssier, le costume (Sigolène Petey) et les dessins de Géraldine Trubert. Le spectacle nous place dans une perpétuelle fragilité et l’acteur s’excuse souvent : «Nous ne sommes pas experts », tout en opposant à l’oppression des experts, l’expertise de l’usager. Il bouillonne d’inquiétude avec un humour qui n’est pas celui de la catastrophe mais de l’instant qui la précède… Et il met en pratique ce qu’il indique comme remède possible à l’encadrement, au rectiligne et aux loisirs organisés : la dérive. Ni immobilité ni ligne droite et nous avons des chances d’êtres sauvés, là, tout de suite, comme spectateurs, et plus tard, quand nous serons de retour dans la vraie vie, lavés par toutes les questions que nous avons partagées. Et puis on entend L’Invitation au voyage de Charles Baudelaire, non comme un ornement ou un objet incongru mais comme une respiration nécessaire pour se laisser aller à la fameuse dérive.

Voilà un spectacle, allumé, fiévreux et tendre, avec cela. Et drôle avant tout : il tape si juste et sur les bonnes questions. Il a déjà pas mal tourné à Lyon et en région Bourgogne Franche-Comté mais il est à Paris pour quelques jours et pour le plaisir qu’il donne (le contrat est rempli !) il mérite le détour, même s’il faut y aller à pied…

Christine Friedel

Théâtre de la Cité Internationale, 19 boulevard Jourdan (Paris XIV ème), jusqu’au 7 décembre. T. : 01 43 13 50 50.

 

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