Dislex d’Isabelle Ronayette
Dislex, texte et mise en scène d’Isabelle Ronayette
«Metteuse en scène et comédienne dyslexique», l’architecte de ce spectacle - »pas un documentaire mais fondé sur une expérience personnelle »- nous embarque sur la planète des « dis », en compagnie de Martin Staes-Polet, lui aussi dyslexique, comme le dramaturge Olivier Chapuis, la vidéaste Laurence Rebouillon et la scénographe Laurence Villerot. «On est tous différents, explique Isabelle Ronayette, ce n’est pas une maladie, c’est une façon d’appréhender le monde. » Et comme les «dis» pensent souvent par images, un film, projeté sur des écrans situés de part et d’autre du plateau, traduit les sensations de ceux qui se vivent comme en exil, loin d’une normalité introuvable. Entre les écrans un espace noir, comme un trou dans une phrase : «La dyslexie, ça vous décale », dit Isabelle Ronayette.
Avant d’entrer dans la salle, les spectateurs auront construit un petit bateau de papier où ils auront inscrit leur nom, comme à l’école. Filant la métaphore maritime, les comédiens nous accueillent à bord de leur navire, à la découverte de leur île personnelle. Sur les écrans, la mer, les rochers battus par la houle, le vent du large, et eux, marchant sur la plage ou les chemins de contrebandiers… Mais aussi leur faciès capté en direct, distordu par «morphing» déformé et grotesque… Une traversée sinueuse, semée d’embûches, avant de trouver sa route et d’apprivoiser sa « maladresse» par les bonnes stratégies. «On détourne l’attention par l’humour, on prend le masque de clown », dit Isabelle Ronayette. Comme nombre de « dis », elle a trouvé son salut dans le théâtre, à l’école : «Les Fourberies de Scapin, acte III, scène II. Ma colère dans les mots de Scapin. Je suis chez moi. » (…) « Ma première escapade, Scapin! Dès que je montais sur cette petite estrade, dans la classe, les rires des autres n’étaient plus moqueries mais amusement. »
La dyslexie n’est pas toujours une drame et on peut la surmonter et Dislex adopte le ton de la comédie. Avec malice, les protagonistes retournent la situation et renvoient leur malaise au public, se transformant en instituteurs rigides, chassant les fautes d’orthographe et grammaire et les défauts de langue, parfois si poétiques comme «Butin de monde!» Qui, parmi nous, n’a pas connu les rigueurs de ces éducateurs, correcteurs et autres orthopédagogues ?
Les artisans de ce spectacle ont trouvé, chacun, son « île» et la font visiter. « Je ne crois plus au continent », dit le texte. Avec Dislex, ils ouvrent une fenêtre à ceux qui se sentent différents et leur proposent de constituer «un archipel qui danse. Ton chant dans le chant des autres. » Au sortir de cette belle et généreuse traversée, certains spectateurs sont émus aux larmes, parce qu’ils ont vécu ce cauchemar, eux ou leurs proches. Mais on se sent plus léger face aux “handicaps“ qui nous constituent pour la plupart. Ne sommes-nous pas tous dans le même bateau, quand il s’agit de se tenir dans le «droit chemin» ?
Mireille Davidovici
Spectacle vu à Nest de Thionville (Meurthe-et Moselle), le 1 er décembre.
Les 10 et 11 décembre, La Halles aux grains, Blois (Loire-et-Cher);
Le 17 mars, Théâtre-Maison d’Elsa, Jarny (Meurthe-et-Moselle) et le 25 mars, Les Rotondes, Luxembourg.