Livres et revues
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Parages 06–La revue du Théâtre National de Strasbourg
Stanislas Nordey et Frédéric Vossier poursuivent avec cette sixième édition, une réflexion consacrée aux auteurs contemporains. Avec entre autres, un focus sur Jon Fosse, des formes courtes sur des «faits d’hiver » en 2018 au Théâtre du Peuple à Bussang, des entretiens et des portraits. Dans son éditorial, Frédéric Vossier s’arrête sur Le Cas Müller, aujourd’hui et sur des extraits significatifs de Conversations 1975-1995, une vingtaine d’entretiens avec le dramaturge allemand et Jean Jourdheuil, publiés aux éditions de Minuit cette année. On reconnaît le mordant, l’humour noir, l’art de l’esquive et l’esprit de contradiction de l’auteur à l’écriture subversive. «C’est pourquoi maintenant, l’histoire se déplace vers les chambres à coucher. Et il en va malheureusement ainsi de notre littérature : Brecht, de ce point de vue, a eu trop peu de prolongements et on a développé trop peu de techniques pour représenter un conflit conjugal ou un drame familial avec le regard de l’historien, plutôt qu’avec celui d’un conseiller conjugal ou du voisin qui regarde par le trou de la serrure. » (1975). Et Hans-Thies Lehmann en est persuadé : «La langue de Müller est un terreau sur lequel la littérature peut pousser après lui. »
Lancelot Hamelin se penche, lui, sur Le Carnet noir de la traductrice-Trouver Jon Fosse et il poursuit sa quête avec Si je désire une eau d’Europe, un entretien avec cet auteur, traduit par Marianne Ségol-Samoy qui nous fait goûter un inédit de lui, Là-bas, qu’elle a traduit aussi du néo-norvégien. Et la nouvelle directrice de L’Arche Editeur, Claire Stavaux, réfléchit à ce que signifie Editer Jon Fosse ou Réapprendre les mots. Marion Aubert propose,elle, un incipit inédit de sa pièce (2016), Des hommes qui tombent (Cédric, captive des anges) qui a déjà été publiée au Brésil. Un travail à partir de Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet, qui fait «éclater la vie». Olivier Neveux avec Dramaturgie mécréante, brosse un portrait dramaturgique d’une œuvre que n’effraie pas l’énergie comique.
Dans une analyse croisée, Toxiques fait dialoguer Eric Noël, auteur de Ces Regards amoureux de garçons altérés et Pauline Peyrade qui a écrit Poings. Sur le thème: dépasser la blessure en vue d’un amour à vivre, hors de la violence et l’effacement. Des pièces sélectionnées par le comité de lecture du T.N.S. et portées à la scène. Nous avons vu, il y a peu, A la Carabine, une pièce admirablement montée par Anne Théron (voir Le Théâtre du Blog).
A retenir aussi une réflexion critique de Bérénice Hamidi-Kim sur le projet de D’ de Kabal, Il est difficile d’être un homme aussi». Elle y traque les manques d’un théâtre politiquement engagé où l’auteur s’interroge sur l’hégémonie du masculin… Claudine Galéa propose, elle, un second volet de son projet d’écriture Un Sentiment de vie. Et ce Sentiment de vie deux /My Way se tresse plutôt autour de la figure du père.
Marion Chénetier-Alev a réalisé un entretien à propos de Scènes de capture de Marion Mougel qui évoque l’effroi de la modernité et qui conjugue choralité, incantations et catharsis. Cet été au festival de Bussang (Vosges), nous avions découvert de cette autrice, Suzy Storck, mis en scène par Simon Delétang qui se confie sur ces Faits d’hiver dans L’Ecriture, les habitants, les alentours, un entretien réalisé par Aude Astier. Pour son directeur et metteur en scène, le Théâtre du Peuple de Bussang, » est une entreprise de désacralisation du rapport aux artistes et de dé-hiérarchisation» et a pour but de changer le paysage du théâtre actuel.
Ecrire sur les faits divers qui ont marqué la région des Vosges et plus largement la Lorraine : un engagement de cinq auteurs. Penda Diouf pour j’mèle, Julien Gaillard pour Exécutions capitales de la bête (en cinq mouvements), Magali Mougel pour Taïaut ! Pièce pour trois hommes et un morceau de viande à partager, Pauline Peyrade pour Beau, corbeau et Frédéric Vossier pour Histoire de feuilles. Ces pièces, à lire ici, ont été créées par les metteurs en scène Emilie Capliez, Ferdinand Flame, Marc Lainé, Anne Monfort et Matthieu Roy. Un terreau où poussent les tiges prometteuses de notre temps…
Véronique Hotte
Parages 06–La revue du Théâtre National de Strasbourg est éditée aux Solitaires Intempestifs. 15 €, l’unité ou 40 €, pour quatre numéros.