Monsieur X de Mathilda May
Monsieur X de Mathilda May
Après Open Space (2013) et Le Banquet l’an passé (voir Le Théâtre du Blog), l’actrice et metteuse en scène signe une nouvelle pièce visuelle et sonore, conçue pour le mythique Grand Blond avec une chaussure noire qui amusa toute une génération dans le film d’Yves Robert (1972). Parent de Jacques Tati et de Buster Keaton, Pierre Richard, qui joue les éternels distraits s’est depuis partagé depuis entre l’écran et la scène où il revient ici pendant une heure nous plonger dans le quotidien d’un vieux rêveur: un journée pas si banale que prévu, avec le rire en partage.
Monsieur X dort paisiblement au fond de son lit: un bruit et une lumière insolites envahissent l’appartement vieillot, il les chasse et fait taire d’un revers la main. Mais il est temps de se lever: le lit grince affreusement, les murs protestent, la bouilloire siffle, le réfrigérateur ronfle… Dehors, le paysage change, le ciel se couvre, des oiseaux passent, un coq s’en prend à la vitre, un poisson apparaît après l’orage, à la montée des eaux…
La demeure semble animée d’une vie propre et l’extérieur, soumis aux changements météorologiques, fait quelquefois incursion. Lui, impassible, poursuit son bonhomme de chemin. Il sort un attirail hétéroclite de peintre, à grand renfort de tintinnabulements et, pour parfaire son tableau, agite un pinceau comme un baguette de xylophone, déclenchant des sons percussifs… Et quand il va acheter du pain, le drap qui cachait la toile s’envole par la fenêtre, accompagné par un air de musique venu d’un poste de radio hors d’âge.
Gags sonores et visuels incessants ponctuent le spectacle. Les bruits sont amplifiés et distordus, grâce à une technique virtuose. Couinements, cliquetis, sonnerie insistante du téléphone, larmes d’une lettre qui pleure goutte à goutte dans un bol, tapage des voisins de palier… composent ici une symphonie burlesque et rythment les faits et gestes de l’acteur et les mouvements intempestifs des objets.
Par la magie des projections vidéo (Mathias Delfau), des lumières (Laurent Béal) et grâce au travail des manipulateurs en coulisse, les choses apparaissent, disparaissent, se transforment. Comme par enchantement, un nuage glisse le long des murs, une manche d’imperméable s’agite toute seule… Et la lune et les étoiles sont partie prenante de cet environnement. La solitude de Monsieur X se meuble de mini-événements et bientôt, une femme bienveillante vient hanter le tableau qu’il a accroché au mur… L’objet de son désir prend corps dans le paysage imaginaire où il vit.
«La tête dans les nuages, il voit l’invisible», dit Mathilda May de son personnage Elle a réuni, autour duscénographe Tim Northam et du compositeur Ibrahim Maalouf, une équipe hors-pair pour de remarquables effets spéciaux, trucages sonores et jeu de marionnettes. Bravo à la metteuse en scène et au grand acteur qui a imprégné notre inconscient collectif par le rire, sa présence lunaire et sa gestuelle unique. La simplicité de sa performance et une réalisation subtile font de Monsieur X, un petit bijou d’humour et de poésie. A ne pas manquer.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 6 mars, Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, Paris (XVIII ème). T. : 01 46 06 49 24.