Demi-Véronique, création collective de Jeanne Candel, Caroline Darchen et Lionel Gray

©Jean-Louis Fernandez

©Jean-Louis Fernandez

 

Demi-Véronique, création collective de Jeanne Candel, Caroline Darchen et Lionel Gray

Moteur de cette pièce: La Cinquième Symphonie de Gustav Mahler. Au début, la musique peine à se manifester: le clown sentencieux qui accueille le public, la fait entendre grâce à un magnétophone à bande qu’il a dans un sac à dos et il en contraint la diffusion sous ses semelles, avant qu’un fil salvateur ne relie cette partition à un haut parleur déterré sous le sable du plateau pour qu’elle retentisse enfin dans toute sa puissance.
Mais c’est juste un sursis dans le combat qui s’impose entre la musique, les êtres humains et les choses qui les entourent. Pas besoin des mots, le dialogue se passe en interaction entre les objets et les trois acteurs qui jouent de leur physique comme d’un objet : l’homme est  très grand, et sa partenaire toute petite et il y a une grande femme mystérieuse qui, longtemps seule, a surtout une présence plastique. Mais le personnage central reste toujours: la musique.

Dans un décor de sable calciné et murs noircis, nous irons donc à la poursuite de cette symphonie, avec ses ratés et ses  bruits. Confrontés aux quatre éléments, terre, eau  (beaucoup d’eau!), feu magique au bout des doigts, et même un peu au ciel au-dessus de la verrière, grâce à un jeu de magicien rustique. Il y aura un baiser fougueux, interminable, acrobatique, un poisson impossible à tuer, un mur défoncé, de grandes oreilles comme des appareils de détection, de la vaisselle cassée… Bref, des luttes nées de l’improvisation sur cette œuvre à la fois très romantique et, selon les auteurs, ironique. On rit parfois, on suit ce chemin insolite mais sans parvenir pourtant à un véritable onirisme. La demi-Véronique est dans la corrida un instant de suspension du combat, un soupir musical (selon les auteurs) mais ici trop rempli d’un grand bric-à-brac pour que la référence soit lisible.

Jeanne Candel, avec sa compagnie La Vie brève, inaugure sa direction du théâtre de l’Aquarium avec le festival Bruit. Un manifeste : à côté de ses propres spectacles dont une reprise de Demi-Véronique et La Chute de la Maison (voir Le Théâtre du Blog), le festival présente les artistes qu’elle a associés à l’Aquarium: David Geselson et ses Lettres non écrites, Matthew Locke et l’ensemble Correspondances Sébastien Daucé (répétition d’orchestre) avec Pastorale et Psyché de Marc-Antoine Charpentier, Lionel Dray avec Les Dimanches de Monsieur Dézert, (voir Le Théâtre du blog)… La cohérence de ce festival tient d’abord la musique qui est au centre d’un théâtre en quête de formes à inventer, en toute liberté. C’est bien la moindre des exigences !

Dans les théories de la communication, on appelle bruit ce qui lui fait obstacle et qui l’interrompt. Et paradoxalement, il peut aussi réveiller l’attention. En général, il s’oppose à la musique. Mais si c’était aussi une façon de l’écouter comme un son, comme la source d’une nouvelle musique possible? Le festival se prolonge jusqu’au 25 janvier. Comptons sur ce qu’il a encore à nous faire entendre…

Christine Friedel

Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie, route du Champ de manœuvre, Vincennes,  (Val-de-Marne). Métro: Château de Vincennes+ navette gratuite. T. : 01 43 74 99 61

Le 31 décembre, soirée spéciale avec Les Dimanches de Monsieur Dézert, dîner et bal-swing avec l’Umlaut Big Band.


Archive pour 20 décembre, 2019

Notre petit Mahabharata par l’Ecole de Pursai et le Théâtre du Soleil

Photo Anne Lacombe

Photo Anne Lacombe

 

Notre petit Mahabharata par l’Ecole de Pursai et le Théâtre du Soleil

Programmé avec les toutes dernières représentations d’Une Chambre en Inde, en alternance, le Terukkuttu est une forme traditionnelle de théâtre populaire du Tamil Nadu, un Etat du Sud de l’Inde. Elle raconte les grandes épopées comme le Mahabharata et le Ramayana, auxquelles quelques légendes locales ajoutent dieux et personnages mythiques.

Photo Anne Lacombe

Photo Anne Lacombe

Le Terukkuttu, encore très vivace dans le monde rural, associe chants, danses et quelques parties parlées, avec une extraordinaire vivacité de tons. Cet art n’a jamais cessé de renouveler, qu’il s’exprime en vers, en chants appuyés sur des ragas ou en prose libre. Les représentations durent toute la nuit, de la tombée du jour à l’aube.

On ne passe pas la nuit à la Cartoucherie mais une belle soirée avec les quatre épisodes du Mahabharata qui relatent la guerre entre les Pandavas et les Kauravas : conquêtes de territoires, jalousies de palais, affrontements entre héros des deux clans mais surtout guerre pour la conquête des femmes au prix de toutes les violences. Grâce à un sur-titrage impeccable, nous suivons alternativement les épisodes présentés par l’Ecole de Terukkuttu de Purisai (La Partie de dés, La Mort d’Abhimanyu), le long épisode repris d’Une Chambre en Inde : Le Dérobement de Draupadi) et à la fin, La Mort de Karna réalisé par le Théâtre du Soleil et tous les artistes de l’Ecole de Purisai.

Après la rituelle salutation à Ganesh qui se met un peu en rogne :   »Pourquoi m’as-tu fait descendre? », le spectacle peut commencer. Un personnage, dit Le veilleur,  introduit les scènes, les commente et parfois les parodie. Il est l’homme du peuple devant ces combats de géants. La guerre, dont les dix-sept premiers jours nous sont contés, met en jeu les rois, les guerriers et les dieux. Il n’est pas nécessaire d’être familier de la mythologie indienne pour s’y retrouver,  tant ce spectacle est total… Emporté par la musique, les chants à répons, les danses virevoltantes et les costumes d’une grande richesse, le public part en voyage. Il s’amuse de voir un monarque perdre son royaume, ses palais, ses femmes, en quelques coups de dés, s’apitoie sur le sort de Draupadi, la femme enlevée et brutalisée  mais sauvée par un subterfuge de Krishna. Et il s’interroge sur le sort des guerriers, jusqu’à l’affrontement final avec le plus grand : Arjuna.

Loyauté, courage et fidélité sont mis à l’épreuve. Les charmes maléfiques de certaines armes magiques ne suffisent pas toujours à assurer la victoire. Comme toute épopée, celle-ci introduit le comique, le bouffon, les blagues, même dans les moments les plus tragiques. Et les dieux ne sont pas les derniers à préférer la plaisanterie. Leur mauvaise foi est totale et les changements d’alliance, la règle.

Les solos, rares mais puissants, s’appuient sur les terribles moments d’abandon de quelques personnages qui voient anéantis leur statut social, leur amour ou  la force de leur bras : ainsi la noble Draupadi, conspuée et enlevée, Arjuna, un guerrier mourant abandonné par Shiva ou le vieux précepteur brahmane que plus personne ne respecte. Les trois heures filent au rythme endiablé des percussions et hautbois tamouls (mridangam et dolak, thalam, mukhaveenai, harmonium), des danses virevoltantes et des chants emmenés par la trentaine d’artistes.

Cette forme traditionnelle d’art populaire indien est un bijou de drôlerie, d’humanisme et de poésie. Le théâtre du Soleil clôture en beauté avec ce grandiose Notre Petit Mahabbharata, l’aventure d’Une Chambre en Inde en pays tamoul. Hommage rendu à cet art traditionnel qui a irrigué la création d’Ariane Mnouchkine et a fédéré sa troupe en Inde et à La Cartoucherie.

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Marie-Agnès Sevestre

Théâtre du Soleil, La Cartoucherie, route du Champ de manœuvre, Paris 75012.

Notre Petit Mahabbharata, les 27, 28 et 29 décembre

Une Chambre en Inde, du 18 au 22 décembre et le 29 décembre.

 

 

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