La Pastorale, musique de Ludwig van Beethoven, chorégraphie de Thierry Malandain

La Pastorale, musique de Ludwig van Beethoven, chorégraphie de Thierry Malandain avec le Malandain Ballet de Biarritz

IMG_1935 - copie

Jean Couturier

Commande de l’Opéra de Bonn,  la ville natale de Beethoven, à l’occasion en 2020 du deux cent cinquantième anniversaire de sa naissance, cette création très réussie surprend par sa première partie intense et sombre. La Cantate op. 112 et des extraits des Ruines d’Athènes ouvrent et ferment cette Symphonie n° 6 dite Pastorale.

Le chorégraphe enferme son personnage central, dansé par Hugo Layer, dans une structure quadrillée de barres métalliques. Une scénographie qui induit une danse esthétique, avec un beau travail de lumière de François Menou. Elle pourrait symboliser la surdité du musicien qu’il cachait à ses proches et qui l’isolait dans un monde intérieur. Beethoven entend chanter en lui la musique qu’il écrit. Thierry Malandain prend plus de risques qu’auparavant et dit qu’il voit se dessiner des mouvements chorégraphiques quand, en fermant les yeux, il entend cette musique. A un moment très intense, Hugo Layer, de noir vêtu, tourne tête baissée autour de sa prison comme un autiste, alors que les autres interprètes en robe grise, luttent pour s’en échapper…

 Puis  changement radical de costumes signés Jorge Gallardo. Des robes blanches qui rappellent celles d’inspiration hellénique de la Suite en blanc de Serge Lifar créée à l’Opéra de Paris en 1943. Thierry Malandain, pour donner corps à cette célèbre symphonie, se dit influencé par des œuvres artistiques inspirées de la Grèce Antique. Une partition  selon lui «empreinte de sérénité et foncièrement idéaliste. On peut y voir les sentiers fleuris de la pastorale antique, l’innocence et la  tranquillité des premiers temps. Ou bien encore, planant comme une auréole, les poussières sacrées d’Athènes, citée vénérée, d’âge en âge, par l’imagination des poètes et des artistes pour avoir créé la Beauté. »

L’ensemble est plus léger que dans la première partie, un rêve avec une danse néoclassique. Nous retrouvons ici le savoir-faire du chorégraphe pour diriger ses vingt-deux interprètes Les mouvements de groupe, en particulier les alignements, sont d’une extrême précision comme les  fusions et éclatements des corps, tous d’une belle fluidité. Avec des références aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936 ou aux poses lascives des élèves d’Isadora Duncan. La dernière partie, marquée par le retour de la structure métallique au-dessus d‘Hugo Layer, magnifie ce danseur fragile et puissant,  et Thierry Malandain impose ici la métamorphose finale du personnage.

Chacun peut interpréter ici ces images selon sa sensibilité mais cette chorégraphie montre une fois de plus l’extrême rigueur du travail de Thierry Malandain qui a été   récemment élu à l’Académie des Beaux-Arts, section chorégraphie aux côtés de Blanca Li et d’Angelin Prejlocaj. Avec cette création, hommage d’une heure dix à Ludwig van Beethoven, il sort du cadre néo-classique qui le caractérise. Une bonne  surprise…

Jean Couturier

Jusqu’au 19 décembre, Théâtre National de la Danse de Chaillot, 1 place du Trocadéro,  Paris (XVI ème). T. : 01 53  65 30 00.

Du 24 au 26 avril, Les Gémeaux, Sceaux (Hauts-de-Seine).
Les 2 et 3 mai, Gare du Midi, Biarritz, (Pyrénées-Atlantiques).

 


Archive pour décembre, 2019

Une Femme se déplace, texte, mise en scène et musique de David Lescot

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

 

Une Femme se déplace, texte, mise en scène et musique de David Lescot

 L’auteur nous conte ici, en paroles, chansons et musique, le voyage d’une jeune femme dans plusieurs époques de son existence. Avec «l’idée d’écrire pour la scène, un portrait de femme, à l’échelle d’une vie». Il a confié ce rôle à Ludmilla Dabo qui, dans Portrait de Ludmilla en Nina Simone*, incarnait brillamment la chanteuse (voir Le Théâtre du Blog). Autour d’elle, des comédiens-chanteurs talentueux accompagnés par quatre musiciens.

Tout commence lors d’un banal déjeuner dans un restaurant à concept : on n’y sert que du fade… pour «discerner quelque chose derrière le rien». Ballet insidieux des serveurs, menu aux noms ronflants…La jeune femme parle avec une amie de sa vie de bobo parisienne, plate et sans histoires : elle aime son travail, son mari et ses enfants…  Survient alors des mini-catastrophes qui la déroutent. Paniquée, elle confond le brumisateur de table avec un chargeur de téléphone et tout disjoncte. Elle se retrouve dans un autre temps de sa vie. Grâce à cet artifice et guidée par une voisine de table au fait du processus, elle va effectuer des allers et retours  “intra-biographiques“  dans le passé et le futur. Et vers des moments et des personnages-clés de sa vie : un mari timide qui ne finit jamais ses phrases et qui dit oui à tout, un père coureur de jupons mais témoin de Jéhovah, une mère exubérante et criblée de dettes, une amie d’enfance dépressive et son amour d’adolescence, rebelle et inconséquent…

Le metteur en scène utilise les artifices artisanaux du théâtre : scénographie, son, lumières, chorégraphie et jeu d’acteurs mais sans recourir à la vidéo. Pour marquer les alternances temporelles, le décor épuré du restaurant Platitude repère pour le présent, change d’un épisode à l’autre pour accueillir des éléments du passé ou de l’avenir : lit, chaises, table basse… Il avance et recule, comme le temps, au vu et au su de l’héroïne. Les déplacements dans le futur embrouillent, plus qu’ils n’éclairent Gloria. Et ses incursions dans le passé déterrent fantômes et événements dramatiques effacés de sa mémoire : avortement, mariage de raison, suicide d’une amie, disparition d’un fiancé… Avec cette fable symbolique, David Lescot questionne les choix sur lesquels on bâtit une vie rangée. Il s’agit, comme le proposait le restaurant, de «discerner quelque chose derrière le rien».

A mesure que Gloria voyage dans sa propre histoire, doutes et regrets bousculent ses certitudes. Mais peut-on modifier le passé et réparer ses erreurs ? Pour David Lescot : «Le thème de la dette qui structure les relations familiales et amoureuses, irrigue la pièce toute entière.» Une chanson met en scène toute la famille qui enjoint l’héroïne à payer ses dettes ! «Il s’agit bien, dit l’auteur, de représenter le monde contemporain et ses diktats, les choix pour orienter sa propre existence, ou encore le dur de métier de vivre ensemble. »

 Mais foin de la mélancolie… Cette comédie aux interrogations existentielles mêle le burlesque aux émotions intimes. Et les situations et personnages, comiques et attachants, renvoient au monde de la petite bourgeoisie urbaine  actuelle. On pense à l’univers ironique d’une Claire Brétécher… Une Femme se déplace échappe au réalisme social grâce à la musique, au chant et à la danse. Où il y a un décalage des thèmes et une tension désamorcée.Dans le restaurant sont diffusés « des silences enregistrés en plusieurs points de la Planète »,  sinon l’orchestre mêle sons acoustiques et effets électroniques et glisse d’un genre musical à l’autre. Anthony Capelli signe les arrangements des vingt morceaux écrits pour piano électrique (Fabien Moryoussef),  basse (Philippe Thibault), guitare (Ronan Yvon) et batterie (Anthony Capelli).

Les chansons expriment des sentiments dans la pure tradition lyrique; elles sous-tendent aussi des échanges dialogués ou bien s’articulent avec la musique, sur le mode du parlé/chanté. Avec des arias tristes, comme celle que chante l’amie dépressive. D’autres enjouées comme celle où le le mari déclare :  « Oui. Je dis oui à tout » qui sonne comme un tube. Et il y a plusieurs morceaux de bravoure comme le solo du fils, un futur “geek“, s’excitant sur le fonctionnement du G.P.S. Ou un inventaire de biens lors d’une saisie  : récriminations de la mère, ballet et chœur des huissiers brandissant les meubles. La chorégraphie de Glysleïn Lefever a conçu une chorégraphie discrète avec les allers et venues des serveurs ou des uns et des autres mais aussi une danse endiablée (la séquence de la dette). Et elle a imaginé un tendre duo entre Gloria et son premier amour. Et un acrobatique défilé des amants en tout genre…

 Grâce à un détour par la science-fiction, se dessine la vie d’une femme de trente-cinq ans, sous les traits d’une actrice solaire. Autour d’elle, jouant plusieurs rôles: Candice Bouchet, excellente mère et, tout aussi solides : Elise Caron, Pauline Collin, Marie Desgranges, Matthias Girbig, Alix Kuentz ,Emma Liégeois, Yannick Morzelle, Antoine Sarrazin et Jacques Verzier. Une comédie musicale en deux heures quinze qui vaut le déplacement !

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 21 décembre, Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses Paris (XVIII ème)  T. :01 42 74 22 77.

Les  27 et 28 février, Théâtre Molière-Scène nationale archipel de Thau, Sète.

Le texte de la pièce est publié par Actes Sud-Papiers.

 *Portrait de Ludmilla en Nina Simone:  reprise du 13 au 21 décembre au Théâtre des Abbesses, Paris (XVIII ème).

 

 

 

Les Dimanches de Monsieur Dézert de Lionel Dray, d’après Jean de la Ville de Mirmont

© DSC

© DSC

Festival BRUIT

Les Dimanches de Monsieur Dézert de Lionel Dray, d’après la nouvelle de Jean de la Ville de Mirmont

 

Qui peut dire la place qu’aurait tenue, dans la littérature du XX ème siècle,  ce jeune fonctionnaire bordelais, ami de François Mauriac ? Nous ne le saurons jamais… A vingt-huit ans, il fut tué au Chemin des Dames en novembre 1914, juste après avoir écrit cette première nouvelle.

Compagnon de route de Sylvain Creuzevault, Lionel Dray a répété et créé ce spectacle  l’an passé  aux anciens abattoirs d’Eymoutiers ( Corrèze) que le metteur en scène a investis l’an dernier. L’acteur nous embarque dans une adaptation qui n’en est pas une : il s’est inspiré de la trame de cette nouvelle pour s’envoler vers les horizons de son imaginaire…

Monsieur Dézert est, seul,  le dimanche, dans sa cuisine exigüe au papier peint défraîchi.  L’acteur installe un petit monde pour un solo dont il assume tous les personnages. Comment mettre en jeu ce qui semble traverser le texte d’origine, à savoir : l’ennui de la vie de province, l’absurdité de l’administration et  le désenchantement de soi-même ? Avec beaucoup d’à-propos, l’acteur ne respecte ni le lieu, ni le temps, ni le thème du texte mais dynamite le   »quatrième mur » et installe un rapport loufoque au public, tout en allées et venues, apostrophes et jeux divers. Pour autant mélancolie et désenchantement originels sourdent à chaque instant, en particulier lorsque les mots :  psychopompe, apocalypse, hyène  laissent planer le carnaval macabre et l’hécatombe de la Grande Guerre.

 Une certaine ironie désespérée peut être le moteur d’un scénario débridé  et Monsieur Dézert se lance dans la mise en orbite d’un «Grand jeu-concours, soutenu par le Conseil régional et parrainé par le journal local ». Le lauréat pourra réaliser pour le cinéma  une adaptation des Dimanches de Monsieur Dézert !

Défilent alors les candidats devant un jury de cailloux posés sur une table. Avec un fil tendu en travers de la bouche, le visage fracturé d’une grave blessure, le premier  balade son désenchantement de Gueule cassée.  Puis apparaît Jean-Luc Godard. Incarnation débridée, accent suisse compris,  du cinéaste philosophe, Dézert se lance dans le récit d’une bataille homérique entre spinozistes et hégéliens : on se croirait à l’ENS rue d’Ulm en 1970… Aucun  sujet ne lui fait peur, pourvu que ne s’arrêtent jamais les rebondissements dont sa cuisine est le théâtre. Et d’ailleurs :« « Qu’est-ce qui est pire que d’être achevé ? »…

Invisible au monde avec, pour seuls témoins, les objets qu’il fait parler au besoin, comme les enfants et les fous, l’imagination sarcastique de Désert saute à sa propre gueule… On ne saura jamais qui a gagné le concours : le spectacle se termine par une porte dérobée : jolie métaphore d’un être resté jusqu’au bout méconnu de ses semblables, disparu par la trappe de l’Histoire. Mirmont/Dézert : même destin ? Clown triste, désastreux et philosophe, Monsieur Dézert habite comme personne le dimanche, jour de vacuité, mais aussi de liberté personnelle. Peuvent surgir alors les signes grimaçants de la mort, même au détour de jeux inutiles. Lionel Dray réussit ce petit miracle, sur un fil, au-dessus du vide et de l’horreur…

 Marie-Agnès Sevestre

Spectacle vu au Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie route du Champ de manœuvre, Vincennes (Val-de-Marne).  Métro : Château de Vincennes.
Le festival Bruit se poursuit jusqu’au 25 janvier.

 En tournée :

Du 17 au 22 février 2020
A l’Empreinte – scène nationale Brive-Tulle (Corrèze)
Du 4 au 12 mars, Théâtre Garonne, Toulouse (Haute-Garonne)
Le 12 mai, La Fonderie au Mans (Sarthe)

 

Le Fils de Florian Zeller,mise en scène de Vaggelis Théodoropoulos

Le Fils de Florian Zeller, traduction de Koralia Sotiriadou, mise en scène de Vaggelis Théodoropoulos

 

Ο Γιος2©DomnikiMitropoulou.JPG

Ο Γιος2©DomnikiMitropoulou.JPG

L’auteur français contemporain clôt une trilogie commencée avec La Mère puis Le Père…des pièces qui se font écho et mettent en évidence les rapports entre les êtres dans ce qu’ils ont de plus tragique, mais avec une approche différente. Le Fils renoue avec la réalité la plus immédiate, celle de la cellule familiale aujourd’hui souvent brisée par la séparation du couple. Nicolas, l’enfant de Pierre et d’Anne, ballotté,  n’accepte pas les arrangements des adultes. D’un univers conjugal à l’autre, il peut se décomposer ou se réinventer. Là, les versions contradictoires viennent moins du labyrinthe construit par l’auteur que des mensonges du personnage principal et des points de vue contraires des parents qui ont des certitudes à la surface des choses.

Il y a ici un autre angle… Dans un chant désespéré à la jeunesse, plus que dans la traduction d’une planète mentale où c’est au spectateur à établir la vérité.  Ici, la détresse d’un adolescent le conduit au suicide et l’auteur parle de la complexité des relations entre parents et enfants à un niveau diachronique. «C’est la vie qui me pèse» avoue Nicolas à son père dès la deuxième scène où apparaissent les premiers signes inquiétants de sa maladie. Le dialogue entre eux montre les cicatrices du passé  et le vrai problème  pour lui n’est pas le divorce de ses parents. Mais ni chez son père maintenant remarié avec Sofia avec qui il a eu un enfant, ni chez sa mère qui vit seule, Nicolas ne trouve un endroit paisible.

La communication est impossible et ses parents refusent d’accepter que leur fils est malade et que sa vie est en danger. Nicolas crie à sa mère: «Parfois, j’ai l’impression que je ne suis pas fait pour vivre. Je n’y arrive pas. Pourtant, j’essaie, tous les jours, de toutes mes forces, mais je n’y arrive pas. Je souffre en permanence. Et je suis fatigué. Je suis fatigué de souffrir.» Florian Zeller  constate avec amertume que l’amour ne suffit pas; et pour lui, seul compte un thème éternel: «Quel est le sens de la vie? »

Vaggelis Théodoropoulos évite le mélo, renforce le réalisme poétique de la pièce, en faisant monter l’émotion. Le public se sent donc concerné et les comédiens sont remarquables: Lazaros Georgakopoulos souligne le sentiment de culpabilité qui tourmente Pierre. Le jeune et talentueux Dimitris Kitsos incarne bien un Nicolas malade. Despina Kourti (Anne) et Anna Kalaïtzidou (Sofia) excellent aussi dans leurs personnages. Un spectacle bouleversant à ne pas manquer !
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtro tou Neou Kosmou, 7 rue Antisthenous, Athènes, T. : 0030 210 92 12 900

Happy Piste, Cirque de Noël, mise en scène d’Alain Reynaud et Heinzi Lorenzen

 

Académie Fratellini: Happy Piste, Cirque de Noël, mise en scène d’Alain Reynaud et Heinzi Lorenzen

89FA1472-6C14-418A-B255-FAE852B5F2A3Cofondateur du trio clownesque les Nouveaux Nez avec lesquels il crée de nom­breux spec­ta­cles, ancien élève de l’école Nationale de Cirque-Annie Fratellini et  diplômé du Centre National des Arts du Cirque, Alain Reynaud dirige le Nouveau festival d’Alba-la-Romaine (voir Le Théâtre du Blog).
Ici, il  met en scène sept apprentis de deuxième année, avec la complicité d’Heinzi Lorenzen, clown, comédien, metteur en scène et pédagogue. Avec une volonté de revisiter les fondamentaux du cirque…

Les élèves circassiens se déchaînent sur la piste circulaire, à l’échelle libre, au jonglage, à la voltige, au mât chinois. Ils jonglent, valsent et parviennent à avancer dans les positions les plus périlleuses, tout en continuant à manipuler trois balles, voire cinq balles, au sommet d’un mât… On tremble souvent pour eux, mais ils réussissent aussi à nous faire rire. A la fin, ils viennent saluer, épuisés mais joyeux.

Une belle performance… Alain Reynaud et Heinzi Lorenzen ont bien mis en scène cette équipe soudée de jeunes gens qui doit terminer sa formation l’an prochain.

Edith Rappoport

Académie Fratellini 1-9 rue des cheminots,  La Plaine-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T. : 01 49 46 00 00 ; RER D Station Stade de de France.

Les Causeries d’Emma la clown avec Juliette

155BA63A-17B0-4688-B30D-E304D41A8C5ELes Causeries d’Emma la clown avec Juliette

Formée à l’École internationale de théâtre Jacques Lecoq en 1988-90, Meriem Menant/Emma la clown  a depuis quelque trente ans, une incomparable pratique du jeu clownesque. «Parallèlement à mes spectacles en solo, dit-elle, j’ai commencé les conférences en Emma la clown en 2005, avec Catherine Dolto, thérapeute, à l’initiative de Nathalie Papin, auteure de théâtre et à cette époque programmatrice d’un festival dans les Côtes d’Armor. Catherine avait écrit un petit livre sur le clown à l’hôpital ; Nathalie l’a eu dans les mains et a eu envie de faire venir Catherine pour parler du clown et de son métier de thérapeute, en lui proposant « d’être interrompue par une clown » ; elle a dit: oui, sans me connaître et nous nous sommes rencontrées le jour même de la représentation; un peu de préparation et beaucoup d’improvisations, et le public en redemandait. Cette conférence devait être unique et pourtant nous l’avons jouée une centaine de fois en France, Suisse et à Montréal. Puis nous en avons créée une deuxième en 2013, sur l’Amour, et une troisième en 2015, sur l’Écologie… »

 
A la proposition de Philippe Maillard, producteur, de Chantal et Jean-Marie Fournier, directeurs de la Salle Gaveau, elle a  répondu oui immédiatement. Une forme jusque-là sans doute inédite, une causerie en forme d’interview ou presque, disons plutôt une conversation où le public serait présent …à midi et pour une heure, ce qui est pour le moins inhabituel mais semble bien plaire aux cent cinquante spectateurs dont beaucoup de jeunes qui travaillent sans doute dans ce quartier d’affaires. Un pari qui n’allait pas de soi mais vraiment réussi… 

Ici, Emma la clown a déjà pratiqué cette causerie en octobre avec Natalie Dessay, chanteuse lyrique et en novembre, avec Etienne Klein spécialiste de physique quantique. Leur  succède aujourd’hui Juliette, chanteuse, auteure et compositrice. Emma la clown, l’avait  vue sur scène plusieurs fois puis avait même joué avec elle. Avec des questions banales, apparemment sans intérêt majeur mais évidemment des plus efficaces, celles qu’on enseigne dans les bonnes écoles de journalisme : quoi ? quand? où? pourquoi? comment ? Mais autant d’abord savoir les poser…  Avec la plus grande courtoisie et beaucoup d’humour avec aussi une stratégie très au point et un solide bagage sur la discipline de l’artiste ou chercheur concerné pour arriver à offrir le meilleur à un lecteur ou à un auditeur… ou à un large public une heure durant. Emma la clown sait être très présente et drôle mais aussi rester discrète et s’effacer quand Juliette se met à parler, même si parfois, elle l’interrompt pour faire rebondir les choses

Et dans une grande salle de concert comme Gaveau, pas spécialement adaptée à ce genre d’exercice, mieux vaut aussi savoir maîtriser sa gestuelle mais aussi le temps et l’espace. Mais cela Emma la clown sait parfaitement le faire. Une interview n’est jamais un exercice facile et tout journaliste le sait, même quand il en a pratiqué des centaines (nous ne visons personne d’autre que nous-même!) Et mieux vaut être solide face à quelqu’un qui, même sympathique,  n’a pas l’intention de faire le moindre cadeau. Ici, c’est un peu différent et Emma la clown, a déjà une empathie évidente avec Juliette  avec qui elle a travaillé et qui, elle aussi, a l’habitude de s’emparer d’un public.

Deux grandes professionnelles très habiles et qui se complètent bien. Juliette parle du répertoire de la chanson française, pour laquelle elle se passionne mais aussi des compositeurs classiques et de la façon dont elle écrit ses textes et ses musiques. Et c’est aussi brillant que drôle:  Juliette a commencé par faire des études de musicologie et son père est saxophoniste; quand elle se demande ce qu’est une bonne chanson, elle ne dit pas n’importe quoi. C’est même exemplaire d’intelligence et de clarté. Et bien entendu, à la fin, en s’accompagnant elle-même au piano, elle chante quelques chansons  de sa composition. Un petit bijou d’intelligence et de sensibilité que ce court spectacle. Et cela donne très envie d’aller voir au moins l’un des suivants…

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 3 décembre, salle Gaveau, 45 rue de la Boétie, Paris (VIII ème). Les causeries ont lieu le premier mardi de chaque mois. En janvier, avec Anne Queffelec, pianiste; en février elle est remplacée par le 28 janvier;  en mars, avec Hubert Reeves, astrophysicien ; en avril, avec Jean-Pierre Bibring, astrophysicien et chercheur; en mai, avec Catherine Dolto, haptothérapeute  et en juin, avec Anatole Khelif, mathématicien.

 

Cuckoo, un spectacle de Jaha Koo, (en coréen, surtitré en français)

Cuckoo un spectacle de Jaha Koo (en coréen, surtitré en français)

© Radovan Dranga

© Radovan Dranga

Un agréable parfum de cuisine se répand dans le théâtre tandis que trois cuiseurs à riz (en coréen : cuckoo) aux formes ultra-contemporaines, oblongs, métallisés et munis de cadrans interactifs,  à la pointe de la technologie du bonheur ménager en Corée du Sud, trônent sur une table. Sur l’ écran en fond de scène, un tout autre contexte, celui de la crise financière de 1997. Les conditions léonines imposées au pays par le FMI, en contrepartie du «sauvetage» de l’économie, le sentiment d’humiliation nationale, les milliers d’emplois supprimés et l’endettement colossal supporté par toute la population, jettent les manifestants dans la rue. Réprimés avec une violence inouïe – dont nos sociétés occidentales sont tout de même peu coutumières – ces affrontements se poursuivent tout au long de la décennie. Les suicides (un, toutes les trente-sept minutes !) accompagnent la destruction des emplois et le mépris des travailleurs.

Le jeune homme qui entre alors sur le plateau, est  né en 1997, l’année du début de cette crise, raconte l’histoire de son pays sur ces vingt dernières années. Qui s’entrelace avec la sienne, celle d’une génération sous pression, soumise à une  grave crise économique et qui a, pour seul horizon, le travail et la réussite financière. Sa recherche artistique vers une création «post-humaine» (il fait parler ses cuiseurs de riz grâce à quelques astuces technologiques), est la deuxième partie de la trilogie Hamartia qu’il consacre à des conférences-performances. Son objectif : réaliser des spectacles à partir de son vécu, de ses opinions, de documents et de matériaux, qu’il laisse  dialoguer pour construire ce qu’il appelle « un petit théâtre ». Jaha Koo travaille ainsi à créer un monde, en équilibre entre informations et récit de vie. Il réussit, par exemple, à relier les décisions gouvernementales et le sort d’un homme d’entretien dans le métro, avec de simples informations techniques, glaçantes, sur les horaires de travail.

De façon plus personnelle, il engage une relation avec ces cuiseurs auxquels il a donné un prénom et qui lui tiennent compagnie, métaphore possible d’une société réduite à  l »ultra-moderne solitude » et soutenue par une  technologie de pointe. La modestie du dispositif,  confronté au caractère macro-économique du sujet, à l’hyper-violence des images et au confort domestique procuré par ces cuiseurs de riz, crée une obligation pour le public : choisir son niveau de réception. De l’humour, à l’horreur. Mais la pauvreté du dialogue instauré par les cuiseurs n’est pas vraiment à la hauteur du drame social et politique évoqué par Jaha Koo. Son récit passionne plus que ses compagnons à vapeur qui peinent à sortir de leur statut de gadgets… La confrontation puissante entre images et récit laisse peu de place aux onomatopées cocasses de ces demi-robots.

Heureusement, une dernière scène, plus forte, accapare l’acteur : le riz, une fois cuit, sert à la construction d’un immeuble miniature sur la table. Surmonté d’une petite figurine humaine qui tremble, puis tombe dans le vide. Tout est dit.

Marie-Agnès Sevestre

Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris (XIème), jusqu’au 13 décembre (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris). T. : 01 43 57 42 14.

 

La Vie est belle,d’après It’s a wonderful life de Frank Capra, mise en scène de Stéphane Daurat

 La Vie est belle de Philip Grecian d’après It’s a wonderful life de Frank Capra, texte français de Stéphane Daurat et Catherine Hauseux, mise en scène de Stéphane Daurat (tout public à partir de onze ans)

©Arnaud Perrel

©Arnaud Perrel

Le metteur en scène a adapté ce film bien connu (1946) du grand réalisateur américain (1897-1991). Une histoire sordide avec une critique sociale à la clé mais teintée d’optimisme grâce à un dénouement inespéré… Enfant, George Bailey veut être explorateur et va sans doute quitter un certain temps sa petite ville de Bedford Falls pour voyager et étudier à l’étranger. Mais son père décède brutalement et le rêve s’effondre… Il n’a donc alors pas d’autre choix que reprendre l’entreprise familiale de construction de logements corrects à prix abordable pour la classe ouvrière. Mais cela ferait de l’ombre à Potter, un puissant homme d’affaires sans scrupules et  un très riche propriétaire grâce à la location de ses nombreux immeubles. Il veut bien entendu, racheter l’entreprise Bailey à n’importe quel taux et sinon, ne reculera devant rien pour la faire disparaître. Y compris en embauchant à un salaire très élevé, le malheureux Gorge qui refuse son offre car il pense avoir enfin sauvé la société de son père… Mais catastrophe, son oncle Billy égare une très grosse somme d’argent appartenant à l’entreprise et absolument indispensable à son maintien en activité. Une somme que trouvera M. Potter et qu’il gardera. Et il ira même jusqu’à accuser de vol, les Bailey!

Bref, à la veille de Noël, une escroquerie doublée d’une tragédie familiale … George désespéré, accablé par le destin, veut se noyer en se jetant d’un pont. Mais, miracle: au Paradis, Clarence, un apprenti-ange, va pour  gagner ses ailes, venir au secours de George. Et une collecte permettra de façon inespérée de récupérer la grosse somme perdue… La fable de Frank Capra ne manque pas de charme surtout quand elle est interprétée par de très grand acteurs comme James  Stewart dans le rôle principal… et Lionel Barrymore (M. Potter).

©Arnaud Perrel

©Arnaud Perrel

Reste à savoir comment faire passer ce scénario de cinéma sur une scène… Et avec sept comédiens seulement pour vingt personnages. Sur le plateau, juste une porte-fenêtre, un réverbère, de petits praticables roulants et escaliers de quelques marches sur fond de rideaux noirs. Mais les acteurs les déplacent sans arrêt: ce n’est pas justifié et casse encore plus un rythme déjà faiblard. Et sans doute mal dirigés, ils criaillent souvent comme pour essayer de donner un semblant de vie à un dialogue pâlichon… Ce qu’on apprend surtout à ne pas faire dans n’importe quel cours de théâtre! Cela ne peut donc pas fonctionner. Malgré un instant émouvant et juste, la courte scène où l’acteur qui joue M. Potter attaque George (Thierry Jahn inégal), ces quatre vingt-minutes s’écoulent bien lentement… Le public, pas très nombreux, a quand même applaudi…

En fait, cette fable américaine pourrait être soixante-dix ans plus tard efficace : les exemples dans notre douce France de discrètes magouilles politico-financières en vue d’obtenir contrats d’urbanisme, ne manquent pas! Mais, même si on n’est pas ici dans un théâtre d’agit-prop, il y faudrait une autre virulence… bien loin d’exister dans la mise en scène de cette première partie. Et comme il manque une vraie poésie dans la seconde, ici le compte n’y est pas… On le sait depuis longtemps: l’adaptation au théâtre d’un scénario de film comme celui-ci, est des plus difficiles. Très en vogue depuis quelques années chez les metteurs en scène actuels, notamment chez Ivo van Hove, qui ne trouvent pas, disent-ils, des textes à leur convenance. Mais, à chaque fois, c’est un peu jouer avec le feu. Surtout quand on s’empare d’un film aussi connu des cinéphiles et donc susceptible d’attirer la curiosité du public… Mais comment arriver alors à lui donner vie sur un plateau de théâtre? Un pari perdu d’avance ou presque: le temps et l’espace ne sont en rien transposables ou bien il y faudrait un excellent dramaturge. Le contraire, passer du théâtre au cinéma est plus facile. Fait exceptionnel, Jean-Claude Martinelli avait autrefois brillamment réussi son coup avec une adaptation scénique de La Maman et la putain, film-culte (1973) de Jean Eustache. Mais c’est rarement le cas: on l’a encore vu l’an passé avec La Règle du Jeu, autre chef-d’œuvre mis en scène par Christiane Jatahy (voir Le Théâtre du Blog). Il y un risque de comparaison permanente avec le film d’origine chez les spectateurs qui l’apprécient. Et ceux qui ne l’ont pas vu ou oublié, n’ont aucun préjugé favorable si le résultat est médiocre. Bref, un exercice de haute voltige où le metteur en scène peut perdre ses billes…

Philippe du Vignal

Théâtre 13 Jardin, 103A boulevard Auguste Blanqui, Paris (XIII ème), jusqu’au 22 décembre.

Le 9 janvier, Saint-Quentin (Aisne) et le 25 janvier, Espace Coluche, Plaisir (Yvelines).
Le 17 mars, Théâtre Valère, Sion ( Suisse) et le 19 mars, Espace la Traverse, au Bourget du Lac (Savoie).

 

Les Eaux et forêts de Marguerite Duras, mise en scène de Michel Didym

 
Les Eaux et forêts de Marguerite Duras, mise en scène de Michel Didym

C5CEE17A-D8BD-4368-8AB5-25FE0C49FA63Une « sur-comédie »: ainsi l’auteure désignait-elle cette pièce (1965) à la tonalité absurde qui appartient à ce qu’elle nommait son « théâtre de l’emportement ». Zigou, le petit chien de Marguerite-Victoire Sénéchal, mord un passant sur un passage clouté.  Mais cette historiette sur les rapports homme femme dont les souvenirs se perdent, est des plus confuses.

Le passant, très énervé, s’en prend à la propriétaire du chien. Une femme s’en mêle et c’est l’altercation… Et ce fait anodin semble alors se transformer en catastrophe nationale. En fait cette Marguerite-Victoire Sénéchal dresse son chien très gentil à mordre pour attirer dans ses filets un homme qu’on doit emmener à l’hôpital ensuite! L’homme en question se réfugie dans des chansons gauloises Et ces deux femmes et cet homme vont imaginer le tout Paris contaminé par la rage et la ville anéantie. Puis l’on dévie sur leur vie conjugale, leur intimité et leurs secrets.

Le spectacle a été créé à Nancy mais même joué par Brigitte Catillon, Catherine Matisse et Charlie Nelson. «On a envie de jouer, dit Marguerite Duras, avec les mots, de les massacrer, de les tuer, de les faire servir à autre chose et c’est ce que j’essaie de faire. »  Peut-être mais ce texte reste peu convaincant et d’une qualité très éloignée des autres textes théâtraux de la grande et révérée Marguerite Duras…

Edith Rappoport

Spectacle vu au Théâtre 71, Malakoff (Hauts-de Seine),  le 4 décembre. T. :  01 55 48 91 00.

Danses d’Okinawa/kumiodori et ryûkyû buyô, par le National Theatre Okinawa

3EBB7BC1-1869-4765-B8A9-CD68033929DF

Yukichi Agarie et Satoru Arakaki dans La Cloche des désirs © national theatre okinawa

 

Danses d’Okinawa /kumiodori et ryûkyû buyô,  par le National Theatre Okinawa

A près avoir vécu dans la sphère chinoise, l’archipel d’Okinawa, ancien royaume de Ryûkyûru rattaché tardivement en 1879 au Japon, a gardé sa langue et conservé une culture riche d’influences chinoises, japonaises et polynésiennes. Ce programme nous offre un aperçu de son théâtre chanté et dansé il y a près de trois cents ans à la Cour de Shuri, l’ancienne capitale, située sur l’île principale, aujourd’hui dans la banlieue de Naha.

A l’origine, ces pièces devaient distraire les émissaires de l’empereur de Chine, en visite en terre vassale. La troupe du National Theatre Okinawa, dirigée par Michihiko Kakazu, a pour mission de préserver et revivifier cet art ancestral que a inscrite  par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Au menu de la soirée, trois courtes pièces dansées dans le style ryûkyû buyô, suivies, après l’entracte, d’une comédie musicale typique du kumiodori.

Un chœur instrumental et vocal, omniprésent dans les deux parties du spectacle, assure l’illustration sonore et le récit dramatique. La ligne mélodique assez monotone, sans notes intercalées entre les tons comme au Japon, se distingue de la partition chantée. Les voix, souvent sur un registre aigu, épousent des variations micro-tonales à la métrique binaire. Aux côtés des trois sanshin, un petit luth à trois cordes pincées très populaire dans l’île et qui s’invite souvent sur la scène pop, une flûte, un koto (grand luth horizontal) et des percussions, dont un tambour taïko.   

Dans toutes le pièces, on est d’abord frappé par la gestuelle fine et précise des interprètes qui dans toutes les pièces tiennent les rôles à la fois masculins et féminins. Dans Takadera Manzaï, le premier solo, Nobuaki Ohama, vêtu en voyageur coiffé d’un large chapeau, entreprend une danse fluide et vive, avant de passer à l’attaque d’un ennemi imaginaire. Avec des mouvements empruntés au karaté, art martial originaire d’Okinawa. Cette rupture de langage scénique est marquée par une modification du costume et du rythme musical.

Dans Shudun, Yoshikazu Sanabe interprète une femme éplorée. Regard mobile et expressif, visage impassible, gestuelle d’une lenteur mesurée… Ses pieds glissent au sol et son corps, dans un kimono aux couleurs douces, s’affaisse puis se relève, comme les vagues de l’océan. Un chant plaintif accompagne cette créature en mal d’amour.

Par contraste, arrive un  couple d’amants : sur une musique populaire enlevée et quelques notes sifflotées par l’un des musiciens, ils échangent des rubans rouges, batifolent et quittent la scène bien émoustillés. On retrouvera les danseurs Shigeo Miyagi et Michihiko Kakazu en moines très coquins de la prochaine œuvre.

 La Cloche des désirs (Shûshin Kaneiri)

Les codes gestuels et vestimentaires de cette comédie kumiodori s’apparentent à ceux des pièces précédentes mais, au récitatif des musiciens, s’ajoutent des dialogues entre personnages, caractérisés par une lenteur et une tonalité monocorde, en rupture avec les chants de l’orchestre, plus mélodieux et poétiques. La mise en scène stylisée de Noho Miyagi donne une grande lisibilité et une tournure cocasse à l’intrigue  : un jeune lettré, en route pour servir au Palais de Shuri, s’égare à la nuit tombée. Il frappe à la porte d’une maison pour demander l’hospitalité. Une fille lui répond mais refuse de lui ouvrir  parce qu’elle est seule. Puis, voyant qu’il s’agit de l’homme dont elle est secrètement amoureuse, elle lui déclare sa flamme. Le jeune homme prend alors la fuite mais elle le poursuit. Des moines le cachent sous une grande cloche. Arrivée au monastère, la fille ne le trouve pas, et de rage, se transforme en diablesse au masque grimaçant et cornu… Les religieux, tremblant de peur, la vaincront à force de prières. C’est drôle.

Ce programme a une vocation patrimoniale mais selon Michihiko Kakazu: «Le National Theatre Okanawa ne se contente pas de programmer les classiques mais accueille aussi des spectacles locaux, des kabuki ou des œuvres narratives créées après l’ère Meiji. Des pièces de Kumiodori anciennes et  nouvelles pour contribuer au développement de cet art okinawien.» Danseur  et metteur en scène lui-même, le directeur du théâtre a été initié à l’âge de quatre ans au ryûkyû, puis a étudié le kumiodori à l’Université. Comme les autres artistes de la troupe, il crée de nouveaux spectacles en adaptant les techniques anciennes. Il s’adresse notamment au jeune public pour lui transmettre cette discipline particulière. «Le théâtre d’Okinawa a été influencé par les arts du Japon et de la Chine, dit-il. Mais nos ancêtres, loin de les imiter, se les sont appropriés. Ils n’ont pas joué leurs pièces en chinois pour flatter leurs visiteurs mais ont gardé leur langue par fierté et pour sa beauté.» Les Japonais actuels ne la comprennent pas mais, comme leurs prédécesseurs, les artistes la conservent encore.

Pour le spectateur étranger, les costumes, coiffures et accessoires renvoient à des codes qu’il a du mal à décrypter. A l’exception des bonzes tondus, vêtus de noir et blanc, les personnages ont des costumes colorés, en fonction de leur appartenance sociale et de leur état d’âme. Mais nous apprécions la sobriété esthétique et le raffinement de cet art qui ne laisse aucun détail au hasard et qui, dans sa particularité, rejoint l’universel.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 7 décembre à la Maison de la Culture du Japon, 1 bis quai Branly, Paris  (XV ème). T. : 01 44 37 95 01.

1234567

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...