An Iliad, de Denis O’Hare et Lisa Peterson d’après L’Iliade d’Homère, mise en scène de Lisa Peterson

An Iliad de Denis O’Hare et Lisa Peterson, d’après L’Iliade d’Homère, mise en scène de Lisa Peterson

Joan Marcus

Joan Marcus

La guerre de Troie ne finira jamais et depuis Homère, ce grand et mystérieux «assembleur» de mythes et de populations venues écouter l’aède, fondateur de la langue et de la poésie grecques, la guerre n’a jamais cessé quelque part dans le monde. L’Iliade s’arrête aux funérailles d’Hector, le héros troyen, qui aurait pu, selon Denis O’Hare qui en est aussi l’interprète, l’homère (écrit volontairement sans majuscule) d’aujourd’hui, être un bon père de famille et un fin connaisseur en chevaux. Mais non, les Dieux et la guerre en ont décidé autrement. L’homme “bien“ meurt  -et c’est difficile de raconter et de figurer un homme “bien“, dit l’acteur. Achille, le guerrier des guerriers pleure, avec son ennemi, le roi Priam venu redemander le corps de son fils. Chantée, parlée, invoquant la muse en grec ancien, l’épopée n’est pas si loin de la tragédie qui prendra le relais. Demandez à Eschyle, la suite de l’histoire d’Agamemnon, à Sophocle, celle d’Ajax et de Philoctète et à Euripide, celle de femmes vaincues… Et ainsi, sans fin, avec les relectures contemporaines des mythes anciens.

On connaît l’histoire : colère d’Achille, repli des Grecs, mort de Patrocle, adieux d’Hector et d’Andromaque… On retrouve le grand cinémascope du bouclier forgé par Héphaïstos pour Achille retournant au combat, où est figurée toute une vie, comme on la revoit, dit-on, au moment de mourir, ou comme une épopée dans l’épopée. On en reconnaît surtout le schéma, le balancement des victoires et des revers, sous l’œil indifférent ou intéressé des dieux, les avancées et reculs sur un territoire dévasté et tous ces jeunes hommes morts pour ces mouvements absurdes et rendus inévitables. Denis O’Hare tient à ce que la guerre se raconte au présent et fait appel à l’Histoire, à la mémoire des vivants, par les mots et le jeu, sans céder à la tentation de la vidéo.

Des centaine de morts entre le rivage et les murs de Troie, des milliers, de guerre en guerre innombrables au cours du temps. Avec Homère, on comprend une chose essentielle: derrière les grands nombres, il s’agit à chaque fois de la mort d’un seul être. Chacun a un nom, un âge au moment où sa vie lui est arrachée. Le poète nomme toutes les petites cités qui ont fourni leur contingent pour la guerre de Troie. L’acteur enfonce le clou, adaptant son texte à chaque pays. Pour la France: Saint-Denis, Vierzon, Lille, Saint-Malo, Châteauroux, la Saône-et-Loire, Montfermeil…  Et il est venu du pays entier pour mourir ici, ce jeune soldat…

On admire la précision, la vitalité, l’humour, du jeu de Denis O’Hare, avec ses moments de gravité sur lesquels il ne s’attarde pas. Il a l’aisance et la modestie de celui qui est une vedette en son pays, construisant avec la bande-son de Mark Bennett et les lumières  de Scott Zielinski, un rythme impeccable qui, au besoin, lui permet  des temps de repos et de récupération pour relancer le récit et l’action. À lui tout seul, il fait dialoguer Achille et Agamemnon, Hector et Andromaque, il campe les personnages, s’adresse au public pour partager avec lui, parfois en un français attendrissant, un moment drôle ou touchant du mythe.

Peu importe si l’on n’arrive pas à suivre tout le texte en surtitrage : le spectacle constitue la meilleure leçon d’anglais qui soit, on a les points de repères et l’acteur nous en donne assez pour que notre imagination fasse le reste. Car -on avait failli l’oublier- il s’agit de théâtre, que de théâtre. Sur le plateau, des câbles, projecteurs, costumes en attente signifient que l’acteur veut donner tout son sens à sa fonction, sans la dépasser. Il joue et c’est ce qu’il fait le mieux. Dans ce spectacle où la parole, la poésie compte tant, l’un des plus beaux moments est celui où l’acteur pose sa tête sur une chaise, en silence, figurant le sommeil béni des deux camps, la trêve.

 Christine Friedel

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 21.

 

 

 

 

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