Family Machine de Gertrude Stein, adaptation, mise en scène et chorégraphie de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth

Family Machine d’après The Making of Americans de Gertrude Stein, adaptation, mise en scène et chorégraphie de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Les chefs de file de la compagnie Toujours après minuit fouillent depuis des années l’œuvre infiniment riche de Gertrude Stein. Pour cette fresque “familiale“ d’une heure vingt, elles sont parties des quelque mille pages de The Making of Americans, publié en 1925. Mais la version française, Américains d’Amérique, éditée en 1933 et supervisée par l’autrice, ne compte, elle, que trois cents  pages… C’est donc un précipité, orchestré avec soin, de cette écriture répétitive et obsessionnelle que nous découvrons ici. Le texte anglais qui apparaît sur des châssis latéraux, permet d’en apprécier le rythme originel.

Ecrite entre 1906 et 1908, cette mosaïque de récits, réflexions sur l’écriture,souvenirs, chansons et poèmes, contient en germe l’œuvre future de cette grande figure de la littérature américaine, égérie de la vie parisienne de la première moitié du XX ème siècle. Pour traduire le caractère polymorphe et répétitif du texte, Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth, se sont entourées de cinq comédiens-danseurs qui apparaissent en une farandole pittoresque et machinique, menée par Brigitte Seth en Gertrude Stein. Elle sera la narratrice qui fait advenir toutes ces existences pour raconter « la naissance d’un peuple». Ce qui vit et ce qui meurt, ce qui naît et recommence, ce qui se retrouve et se répète chez ces ex-Européens lancés dans l’aventure vers le Nouveau Monde.

 Les metteuses en scène impulsent un mouvement permanent à cette “famille“ en marche sur une musique répétitive d’Hugues Laniesse. Comme des chevaux au trot, elle foule, obstinée, le sol brun et léger qui couvre le plateau. Et du groupe, parfois compact, parfois effiloché, émergent des figures : grands-parents, parents, enfants, cousins, qui viennent, en courtes tirades, exposer leurs états d’âme, réflexions, ambitions mais aussi leurs regrets et leurs (nombreuses) désillusions … Et mêmes les morts ont leur mot à dire.

Une fresque infinie : les vies passent, les gens trépassent mais il s’en trouve toujours de nouveaux pour raconter la saga de ces êtres venus d’un autre continent pour y faire souche. Le courage des mères, l’abandon des pères, le chagrin des épouses l’insouciance des fils, les fortunes et les revers … Une génération chasse l’autre et ça recommence, toujours et encore: «Il y a des familles où les gens  ont vraiment l’esprit de famille. Il y a des familles où  sans se lasser, on a l’esprit de famille. Il y a des familles où l’on se rappelle que l’on est tous membres de la même famille. Il y a des familles où certains ont vraiment joué le rôle de fille ou de fils. Il y a des familles où l’on est vraiment membre de la famille. » (…) « Oui, il y a une vie de famille. Certains se le rappellent. On peut toujours se le rappeler…»

 A mi-parcours du défilé de ces personnages: certains tristes, d’autres cocasses (Roser Montlló Guberna en petite fille capricieuse jette son parapluie dans la boue), apparaît Alice Toklas qui farfelue et primesautière,  imprègne le spectacle de sa fantaisie et la danse devient alors plus présente, plus tonique. Un joyeux ballet de fantômes sur des airs de jazz… Les lumières passées de Guillaume Tesson s’avivent. Et là, s’opère une vraie rupture de style et de rythme, un peu comme s’il y avait deux manières : «Nous possédons plusieurs techniques et langages (danse, théâtre, musique) disent les metteuses en scène. Pour nous, il s’agit de moyens d’expression que nous utilisons en toute liberté. Comme nos cultures (française, espagnole, catalane) coexistent pleinement, ces différents langages sont en complémentarité, en harmonie. »

Family Machine, joyeuse ribambelle tissée de nostalgie, s’inscrit dans la lignée des performances proposées depuis 1997 par le tandem Brigitte Seth/Roser Montlló Guberna, avec, ici, une belle synergie entre les corps et les mots. Le spectacle devrait trouver, au fil des représentations, son juste rythme. Du tonique pour l’hiver.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 25 janvier, Chaillot-Théâtre National de la danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème). T. : 01 53 65 30 00.

Le 27 février, Scène nationale d’Orléans (Loiret).
Et du 31 mars au 3 avril, Théâtre de la Croix Rousse, Lyon (Rhône).

Américains d’Amérique traduction de J. Seillière et Bernard Fay, éditions Stock,1933.


Archive pour 23 janvier, 2020

Family Machine de Gertrude Stein, adaptation, mise en scène et chorégraphie de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth

Family Machine d’après The Making of Americans de Gertrude Stein, adaptation, mise en scène et chorégraphie de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Les chefs de file de la compagnie Toujours après minuit fouillent depuis des années l’œuvre infiniment riche de Gertrude Stein. Pour cette fresque “familiale“ d’une heure vingt, elles sont parties des quelque mille pages de The Making of Americans, publié en 1925. Mais la version française, Américains d’Amérique, éditée en 1933 et supervisée par l’autrice, ne compte, elle, que trois cents  pages… C’est donc un précipité, orchestré avec soin, de cette écriture répétitive et obsessionnelle que nous découvrons ici. Le texte anglais qui apparaît sur des châssis latéraux, permet d’en apprécier le rythme originel.

Ecrite entre 1906 et 1908, cette mosaïque de récits, réflexions sur l’écriture,souvenirs, chansons et poèmes, contient en germe l’œuvre future de cette grande figure de la littérature américaine, égérie de la vie parisienne de la première moitié du XX ème siècle. Pour traduire le caractère polymorphe et répétitif du texte, Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth, se sont entourées de cinq comédiens-danseurs qui apparaissent en une farandole pittoresque et machinique, menée par Brigitte Seth en Gertrude Stein. Elle sera la narratrice qui fait advenir toutes ces existences pour raconter « la naissance d’un peuple». Ce qui vit et ce qui meurt, ce qui naît et recommence, ce qui se retrouve et se répète chez ces ex-Européens lancés dans l’aventure vers le Nouveau Monde.

 Les metteuses en scène impulsent un mouvement permanent à cette “famille“ en marche sur une musique répétitive d’Hugues Laniesse. Comme des chevaux au trot, elle foule, obstinée, le sol brun et léger qui couvre le plateau. Et du groupe, parfois compact, parfois effiloché, émergent des figures : grands-parents, parents, enfants, cousins, qui viennent, en courtes tirades, exposer leurs états d’âme, réflexions, ambitions mais aussi leurs regrets et leurs (nombreuses) désillusions … Et mêmes les morts ont leur mot à dire.

Une fresque infinie : les vies passent, les gens trépassent mais il s’en trouve toujours de nouveaux pour raconter la saga de ces êtres venus d’un autre continent pour y faire souche. Le courage des mères, l’abandon des pères, le chagrin des épouses l’insouciance des fils, les fortunes et les revers … Une génération chasse l’autre et ça recommence, toujours et encore: «Il y a des familles où les gens  ont vraiment l’esprit de famille. Il y a des familles où  sans se lasser, on a l’esprit de famille. Il y a des familles où l’on se rappelle que l’on est tous membres de la même famille. Il y a des familles où certains ont vraiment joué le rôle de fille ou de fils. Il y a des familles où l’on est vraiment membre de la famille. » (…) « Oui, il y a une vie de famille. Certains se le rappellent. On peut toujours se le rappeler…»

 A mi-parcours du défilé de ces personnages: certains tristes, d’autres cocasses (Roser Montlló Guberna en petite fille capricieuse jette son parapluie dans la boue), apparaît Alice Toklas qui farfelue et primesautière,  imprègne le spectacle de sa fantaisie et la danse devient alors plus présente, plus tonique. Un joyeux ballet de fantômes sur des airs de jazz… Les lumières passées de Guillaume Tesson s’avivent. Et là, s’opère une vraie rupture de style et de rythme, un peu comme s’il y avait deux manières : «Nous possédons plusieurs techniques et langages (danse, théâtre, musique) disent les metteuses en scène. Pour nous, il s’agit de moyens d’expression que nous utilisons en toute liberté. Comme nos cultures (française, espagnole, catalane) coexistent pleinement, ces différents langages sont en complémentarité, en harmonie. »

Family Machine, joyeuse ribambelle tissée de nostalgie, s’inscrit dans la lignée des performances proposées depuis 1997 par le tandem Brigitte Seth/Roser Montlló Guberna, avec, ici, une belle synergie entre les corps et les mots. Le spectacle devrait trouver, au fil des représentations, son juste rythme. Du tonique pour l’hiver.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 25 janvier, Chaillot-Théâtre National de la danse, 1 place du Trocadéro, Paris (XVI ème). T. : 01 53 65 30 00.

Le 27 février, Scène nationale d’Orléans (Loiret).
Et du 31 mars au 3 avril, Théâtre de la Croix Rousse, Lyon (Rhône).

Américains d’Amérique traduction de J. Seillière et Bernard Fay, éditions Stock,1933.

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