Dunsinane de David Greig, mise en scène de Baptiste Guitton

copyright Michel Cavalca

copyright Michel Cavalca


Dunsinane de David Greig, traduction de Pascale Drouet,  mise en scène de Baptiste Guitton

 Que se passe-t-il à Dunsinane après la victoire des Anglais sur Macbeth, roi d’Écosse? L’auteur écossais imagine une suite à la tragédie de William Shakespeare, inspirée par la réalité historique… La bataille eut lieu en 1054 mais ne régla en rien la guerre civile entre les clans. Quand l’Ecossais David Greig écrit cette pièce pour la Royal Shakespeare Company qui la crée en 2010 au Hampstead Theatre de Londres, il a aussi en tête les conflits inter-ethniques ou religieux dans les territoires occupés par les « forces de paix » occidentales, un peu partout dans le monde. Tout en interrogeant nos politiques interventionnistes et leurs conséquences, il répond ici au grand dramaturge anglais en nous plongeant dans l’âpre paysage des Highlands, avec ses forêts venteuses, peuplées d’esprits sorciers, ses brumes fantomatiques et ses légendes.

 Les troupes anglaises, menées par le général Siward et le lieutenant écossais Mac Duff (personnages historiques et cités par William Shakespeare), après avoir investi la forteresse de Dunsinane et assassiné le tyran sanguinaire, doivent nommer un nouveau roi. Mac Duff et l’Angleterre ont leur candidat : Malcolm, un être veule, vaniteux et corrompu qui a la  préférence des clans opposés à celui de Gruach, la veuve de l’ex-roi. Cette lady Macbeth, ainsi nommée, désormais prisonnière des occupants et humiliée, ne s’avoue pas vaincue : elle a un fils d’un premier mariage, héritier légitime au trône. Incarné par Clara Simpson, elle symbolise ce pays mystérieux, à la langue rocailleuse, humide et neigeux, incompréhensible pour les occupants : « Notre langue, dit-elle, c’est la forêt. » Avec ses suivantes, ombres chuchotantes, elle représente aussi la puissance souterraine des femmes dans une société patriarcale.

copyright Michel Cavalca

copyright Michel Cavalca

L’incorruptible Siward (Gabriel Dufay)  tombera sous ses charmes et, croyant agir pour le bien, commettra erreur sur erreur. Ses soldats, après avoir reçu le baptême du feu, déguisés en arbres pour monter à l’assaut du fort (comme dans Macbeth),  doutent de plus en plus du sens de cette «guerre pour la paix ». Un « enfant-soldat », témoin de tous ces événements, sorte de Candide, rapporte dans des lettres à sa mère, les paysages de collines, falaises et lacs glacés, mais aussi les regards hostiles de la population villageoise: «Ils nous détestent ».

Le metteur en scène s’empare avec subtilité de cette pièce complexe, efficace et profonde. Il rend avec fidélité et sans afféterie les scènes tendues et tragiques et leurs contrepoints comiques. Comme William Shakespeare, David Greig mêle  langue vulgaire et poésie, et l’on sent derrière la traduction, frémir les différences entre le parler des Anglais et celui, plus rêche des Écossais. Le léger accent irlandais de Clara Simpson fait merveille ici. Ses partenaires campent pour la plupart différents personnages et passent de l’un à l’autre avec célérité et le décor tourne pour marquer les  lieux.

 La scénographie de Quentin Lugnier allie la dureté du fer à la rusticité du  bois. La forteresse se dresse, rigide et ouverte à tous vents, bunker grillagé et sinistre. Tantôt rempart ou tour de guet, tantôt prison ou appartement précaire. Dans cet environnement inhospitalier, les acteurs dont certains, encore élèves  à l’école lyonnaise d’Art en Scène, sont tous excellents et dirigés avec rigueur,  forment une troupe harmonieuse.

Baptiste Guiton clôt, avec ce spectacle grand format, un compagnonnage d’artiste associé au Théâtre National Populaire.  Sa compagnie l’Exalté, implantée à Villeurbanne, est aussi en résidence à la Machinerie-Théâtre de Vénissieux. Son Après la Fin de Dennis Kelly  nous avait déjà convaincue l’an dernier  (voir Le Théâtre du blog). Avec Dunsinane, il tient ses promesses et nous fait découvrir un grand dramaturge trop peu connu en France, malgré quelques traductions publiées. Avis aux programmateurs…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 8 février au T.N.P.,  8 place Lazare Goujon, Villeurbanne (Rhône).

Le 27 novembre,  Le Toboggan, Décines (Rhône). Tournée en cours 

La pièce est publiée aux Presses Universitaires du Midi.

L’Architecte est éditée à l’Avant-Scène Théâtre (2007) et Le dernier Message du cosmonaute à la femme qu’il aima un jour dans l’ex-Union soviétique,  traduit par Dominique Hollier, aux éditions Théâtrales (2008).

 

 

 

 


Archive pour 27 janvier, 2020

Dunsinane de David Greig, mise en scène de Baptiste Guitton

copyright Michel Cavalca

copyright Michel Cavalca


Dunsinane de David Greig, traduction de Pascale Drouet,  mise en scène de Baptiste Guitton

 Que se passe-t-il à Dunsinane après la victoire des Anglais sur Macbeth, roi d’Écosse? L’auteur écossais imagine une suite à la tragédie de William Shakespeare, inspirée par la réalité historique… La bataille eut lieu en 1054 mais ne régla en rien la guerre civile entre les clans. Quand l’Ecossais David Greig écrit cette pièce pour la Royal Shakespeare Company qui la crée en 2010 au Hampstead Theatre de Londres, il a aussi en tête les conflits inter-ethniques ou religieux dans les territoires occupés par les « forces de paix » occidentales, un peu partout dans le monde. Tout en interrogeant nos politiques interventionnistes et leurs conséquences, il répond ici au grand dramaturge anglais en nous plongeant dans l’âpre paysage des Highlands, avec ses forêts venteuses, peuplées d’esprits sorciers, ses brumes fantomatiques et ses légendes.

 Les troupes anglaises, menées par le général Siward et le lieutenant écossais Mac Duff (personnages historiques et cités par William Shakespeare), après avoir investi la forteresse de Dunsinane et assassiné le tyran sanguinaire, doivent nommer un nouveau roi. Mac Duff et l’Angleterre ont leur candidat : Malcolm, un être veule, vaniteux et corrompu qui a la  préférence des clans opposés à celui de Gruach, la veuve de l’ex-roi. Cette lady Macbeth, ainsi nommée, désormais prisonnière des occupants et humiliée, ne s’avoue pas vaincue : elle a un fils d’un premier mariage, héritier légitime au trône. Incarné par Clara Simpson, elle symbolise ce pays mystérieux, à la langue rocailleuse, humide et neigeux, incompréhensible pour les occupants : « Notre langue, dit-elle, c’est la forêt. » Avec ses suivantes, ombres chuchotantes, elle représente aussi la puissance souterraine des femmes dans une société patriarcale.

copyright Michel Cavalca

copyright Michel Cavalca

L’incorruptible Siward (Gabriel Dufay)  tombera sous ses charmes et, croyant agir pour le bien, commettra erreur sur erreur. Ses soldats, après avoir reçu le baptême du feu, déguisés en arbres pour monter à l’assaut du fort (comme dans Macbeth),  doutent de plus en plus du sens de cette «guerre pour la paix ». Un « enfant-soldat », témoin de tous ces événements, sorte de Candide, rapporte dans des lettres à sa mère, les paysages de collines, falaises et lacs glacés, mais aussi les regards hostiles de la population villageoise: «Ils nous détestent ».

Le metteur en scène s’empare avec subtilité de cette pièce complexe, efficace et profonde. Il rend avec fidélité et sans afféterie les scènes tendues et tragiques et leurs contrepoints comiques. Comme William Shakespeare, David Greig mêle  langue vulgaire et poésie, et l’on sent derrière la traduction, frémir les différences entre le parler des Anglais et celui, plus rêche des Écossais. Le léger accent irlandais de Clara Simpson fait merveille ici. Ses partenaires campent pour la plupart différents personnages et passent de l’un à l’autre avec célérité et le décor tourne pour marquer les  lieux.

 La scénographie de Quentin Lugnier allie la dureté du fer à la rusticité du  bois. La forteresse se dresse, rigide et ouverte à tous vents, bunker grillagé et sinistre. Tantôt rempart ou tour de guet, tantôt prison ou appartement précaire. Dans cet environnement inhospitalier, les acteurs dont certains, encore élèves  à l’école lyonnaise d’Art en Scène, sont tous excellents et dirigés avec rigueur,  forment une troupe harmonieuse.

Baptiste Guiton clôt, avec ce spectacle grand format, un compagnonnage d’artiste associé au Théâtre National Populaire.  Sa compagnie l’Exalté, implantée à Villeurbanne, est aussi en résidence à la Machinerie-Théâtre de Vénissieux. Son Après la Fin de Dennis Kelly  nous avait déjà convaincue l’an dernier  (voir Le Théâtre du blog). Avec Dunsinane, il tient ses promesses et nous fait découvrir un grand dramaturge trop peu connu en France, malgré quelques traductions publiées. Avis aux programmateurs…

Mireille Davidovici

Jusqu’au 8 février au T.N.P.,  8 place Lazare Goujon, Villeurbanne (Rhône).

Le 27 novembre,  Le Toboggan, Décines (Rhône). Tournée en cours 

La pièce est publiée aux Presses Universitaires du Midi.

L’Architecte est éditée à l’Avant-Scène Théâtre (2007) et Le dernier Message du cosmonaute à la femme qu’il aima un jour dans l’ex-Union soviétique,  traduit par Dominique Hollier, aux éditions Théâtrales (2008).

 

 

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...