La Petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana, mise en scène de Pantelis Dendakis
La Petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana, traduction en grec de Dimitra Kondylaki, mise en scène de Pantelis Dendakis
Une libre adaptation des Métamorphoses où Ovide retrace l’histoire du monde, depuis sa naissance jusqu’au règne d’Auguste mais l’écriture est différente des autres pièces de l’auteur. Avec l’insertion de didascalies faisant suite à la parole du personnage qui va la lire la didascalie et décrire le geste qu’il fait. Philippe Minyana transforme les Métamorphoses en une histoire universelle de l’infanticide. Il ne conserve pas les noms des personnages d’Ovide mais leur donne des noms plus universels : le Roi, la Reine, la Petite. Ce qui permet de multiples interprétations…
La Petite qui va dans la forêt profonde est une histoire archaïque et atemporelle, un conte dense et noir qui s’inscrit dans une vaste épopée, puisque l’œuvre titanesque d’Ovide réunit des centaines de mythes. Comme celui de Procné et de Philomèle, le roi et la reine de Thrace que réécrit Philippe Minyana. Philomèle réclame sa jeune sœur et son époux Procné part pour la ramener. Mais le Roi séduit par sa beauté,l’enlève, la viole et la mutile en lui coupant la langue, avant de faire croire à sa mort. L’épouse se vengera en tuant son fils et en le donnant à manger à son époux. Après cette tragédie, la Petite sœur devient un rossignol, la Reine, une hirondelle et le Roi, une huppe.
Philippe Minyana adapte le mythe avec une parole économe, fondée sur de petites tragédies personnelles, où on passe en l’espace d’une virgule, de la cruauté, à la tendresse inavouée. Ce récit au verbe ancien, complexe et si lointain, devient ici une fable d’une limpidité franche, au propos resserré et substantiel. Le titre: La Petite dans la forêt profonde, ancre l’histoire dans notre quotidien et lui donne les allures d’ un récit simple et familier et son auteur familiarise le mythe d’Ovide en faisant de la tragédie antique, un conte actuel.
Pantelis Dendakis crée une sorte de performance multimédia où la parole alterne et se complète par des images filmiques renvoyant à des jeux vidéo, bandes dessinées et contes gothiques. Avec des projections de paysages et de figures monstrueuses à l’appui des répliques. Au centre du plateau – scénographie de Nikos Dendakis- une table, avec, au dessus, un petit écran et au fond, un autre grand écran de cinéma. Sur la table, les minuscules marionnettes sculptés par Clio Gkizeli sont animées par les comédiens. Une belle trouvaille : l’écrivain voit avec amertume que tout est à merci de la fatalité! Et ces personnages ne sont plus que des pions dans un jeu de vengeance !
Polydoros Vogiatzis et Katerina Louvari-Fassoi, en costume noir, parlent au micro et interprètent tous les rôles de façon remarquable. Avec une voix marquant l’évolution cauchemardesque de la trame. La musique de Stavros Gasparatos contribue à la création d’un univers mystique, plein de suspense, et à une terreur mêlée de magie. Pantelis Dendakis a renforcé le caractère grotesque et macabre du texte et on a l’impression de participer à un rituel. Une expérience théâtrale à ne pas manquer !
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre KET, 91A rue Kyprou et 35A rue Sikinou, Athènes, T. : 0030 213 0040496.