Histoire de la violence d’Edouard Louis, mise en scène de Thomas Ostermeier

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Histoire de la Violence d’Edouard Louis, adaptation de Thomas Ostermeier, Edouard Louis et Florian Borchmeyer, mise en scène de Thomas Ostermeier (en allemand, surtitré en français)

Avant cette adaptation théâtrale de son deuxième roman, Histoire de la Violence, ce jeune auteur a écrit, à l’invitation de Stanislas Nordey qui l’a créée l’an passé: Qui a tué mon père (voir Le Théâtre du blog). Dans cette nouvelle pièce, Edouard décrit les faits dont il a été victime: «J’ai rencontré Reda, un soir de Noël. Je rentrais chez moi après un repas avec des amis vers quatre heures du matin. Il m’a abordé dans la rue et j’ai fini par lui proposer de monter chez moi. Nous avons passé le reste de la nuit ensemble, on discutait, on riait. Vers six heures, il a sorti un revolver et a dit qu’il allait me tuer. Le lendemain, les démarches médicales et judiciaires ont commencé». `

Traduite en allemand, la pièce est entrée au répertoire de la Schaubühne à Berlin en 2018 et on peut enfin la voir en France. «L’important, dit Thomas Ostermeier, n’est pas de comprendre mais de ressentir.» Et il nous fait découvrir le parcours fracturé du jeune Edouard et son traumatisme physique et mental: tentative de strangulation et viol qui a lieu dans le seconde partie de la pièce. Mais aussi la façon dont sa famille, la société, la police et les services de santé gèrent ce type d’agression…

Cela commence et finit deux heures plus tard avec la même image : la découverte du crime chez Edouard par les équipes de la police scientifique. Les acteurs évoluent parmi les photos et vidéos projetées, au rythme de la batterie et du clavier électronique de Thomas Witte. Dans un fondu enchaîné permanent: scènes dans l’appartement, témoignages devant la police, examen médical, etc.  

Laurenz Laufenberg joue Edouard avec une touchante fragilité, Renato Schuch incarne un Reda dangereux de séduction et Christophe Gawenda interprète le beau frère, l’infirmier, le policier et la mère d’Edouard. Alina Stiegler est Clara, la sœur du héros et d’autres personnages. Tous bouleversants de vérité. La pièce dénonce le racisme et l’homophobie galopante qui gangrène nos sociétés modernes. La violence ne se cantonne pas à l’acte sauvage de Reda… Elle est partout : dans les E.H.P.A.D., comme en témoigne la mère d’Edouard, aide-soignante, mais aussi dans le foyer Sonacotra où vécut le père kabyle de Reda, au commissariat de police ou même à l’hôpital qui accueille Edouard. Une violence susceptible de s’exercer sur n’importe lequel d’entre nous.

«En ce moment, écrivait Thomas Ostermeier , je suis dans une période artisanale, il me faudra encore dix ans pour atteindre la maîtrise que je recherche. J’ai encore beaucoup à faire dans le domaine de l’observation du réel et je m’entraîne constamment à observer, décrire et rendre ce que je vois.» En passant par la littérature, il relève avec éclat, le défi qu’il s’est lancé.

Jean Couturier

Jusqu’au 15 février, Théâtre de la Ville-Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème) T. : 01 42 74 22 77.

La version scénique du roman a été publiée sous le titre Au Cœur de la violence aux éditions du Seuil (2019).

 


Archive pour 1 février, 2020

Hernani, brigand de la pensée d’après Victor Hugo, conception et mis en scène de Jean Barlerin, Odile Ernoult et Etienne Luneau,

Hernani, brigand de la pensée, d’après Victor Hugo, conception et mise en scène de Jean Barlerin, Odile Ernoult et Etienne Luneau

hernani_05-768x5091830: Hernani est créée à la Comédie-Française mais les plus âgés des spectateurs crient au scandale et les jeunes romantiques, au génie. Ce qu’on a appelé la célèbre bataille d’Hernani devenue emblématique de la lutte entre les partisans d’un côté, d’un ancien théâtre classique et de l’autre, d’un théâtre contemporain. « La liberté dans l’art, écrivait Victor Hugo,  la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent tendre d’un même pas tous les esprits conséquents et logiques. » Plus près de nous, le célèbre En attendant Godot de Samuel Beckett ou  La Leçon et La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco connaîtront -presque-le même sort…

Dans la pièce, un seigneur devenu brigand, se bat pour son honneur, son amour et sa liberté et le jeune Victor Hugo de vingt-huit ans se bat aussi pour le renouveau de son art, mais aussi contre l’ordre établi. Ce sont ces batailles que les auteurs du spectacle qui en sont aussi les comédiens . Joué au dernier festival d’Avignon, il  avait remporté un beau succès…

Sur le plateau nu, une table et des chaises. Trois acteurs qui sont aussi les auteurs du spectacle se promènent dans l’œuvre de Victor Hugo. Donc Sol ne veut pas épouser son oncle et attend Hernani. Ils déjeunent, quand survient l’interdiction de jouer la pièce. L’amour de la liberté mène à la chute du roi. C’est le domestique caché sous la table qui joue le roi, puis Hernani. Dona Sol pleure: «Moi, je suis Hernani et vous le Roi ! Nous aimons tous les deux la même femme… »Dans la pièce, ce seigneur devenu brigand se bat pour son honneur, son amour et sa liberté.

Puis on assiste à l’interdiction d’Hernani à la Comédie-Française. «Un instant, entre aimer et haïr, je suis resté flottant ! Et dans une représentation de  l’acte II,  on retrouve le bandit à Saragosse, le comité de censure, les trois unités du théâtre classique. Après 180 jours, arrive enfin une autorisation de  jouer la pièce : « Le scandale, c’est la publicité, nous sommes les défenseurs de l’art ». Devant le tombeau de Charlemagne, Dona Sol meurt. L’étrange agilité manifestée par les comédiens nous rappelle des souvenirs anciens de lectures et de représentations de la pièce de Victor Hugo.

A partir de documents sur la bataille dite d’Hernani,  ils ont inventé des situations et ont construit  cinq tableaux qui se déroulent dans le salon du ministre Polignac, puis au comité de censure  et  à  la Comédie-Française où le baron Taylor, administrateur général, reçoit Théophile Gautier et Adèle Hugo aux premières répétitions ; et enfin, sur scène et en coulisses, le jour de la première. Et les acteurs donnent un beau souffle de vie à Doña Sol, Hernani, Don Ruy Gomes ou Don Carlos dans des extraits de la pièce.  Mais aussi avec quelques chansons qui ponctuent ce spectacle qui mérite vraiment d’être vu…

Edith Rappoport

Spectacle vu au Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon, Paris ( XVIII ème),  le 31 janvier; représentations du 11 au 15 mars.

 

Dans ma Maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu, de Philippe Dorin, mise en scène de Julien Duval

 Dans ma Maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu de Philippe Dorin, mise en scène de Julien Duval  

© Pierre Planchenault

© Pierre Planchenault

Elle s’endort, petite fille et se réveille avec des cheveux blancs. Avant de se coucher, elle a rangé ses jolis souliers qui vont la mener loin : à son rendez-vous avec la mort… qui a plutôt bonne figure : celle d’un Promeneur discret (Carlos Martin) environné d’une légère dentelle  de musique, on dirait. Entre l’ouverture et la fin de la pièce, il s’est passé quelques secondes mais aussi la durée de la représentation. La Petite Fille et la vieille dame auront pu se raconter beaucoup de choses, s’inventer des souvenirs avec le pouvoir du : « allume ! », « éteins ! » qui décide, ou non, du monde du rêve. Elles seront entrées dans l’illusion et le plaisir du jeu : tracer un carré au sol : « c’est ma chambre », jouer avec un village de papier, que le Promeneur manipule parfois comme un magicien, au risque d’une allumette de trop et d’un délicieux frisson. La neige tombe, on balaye. Mais on ne peut pas tout effacer et il faut bien qu’à la fin, la vieille dame disparaisse…

©Pierre Planchenault

©Pierre Planchenault

De vaillantes actrices : Juliette Nogaret, dix ans (en alternance avec Camille Ruffié) et France Darry, une vie entière de plus, si l’on en croit sa longue carrière, en particulier avec Jacques Echantillon dans un duo qu’on n’a pas oublié pas sur des textes de Dario Fo et Franca Rame. Main dans la main, elles ne se font pas de cadeaux mais avancent, avec ce qu’il faut d’insolence, tendresse, vivacité mais avec aussi, parfois, de doutes. Chacune à sa façon, dans une complicité charmante, elles ouvrent le champ de l’imaginaire. « Allume !», «Eteins !», et nous les suivons. Le mystère ne se dissipera pas, sur un plateau drapé de rideaux sombres où pleuvent à peine la neige et les étoiles, et les sons ténus filés par Kat May et Madame Miniature, qui prennent leur temps, comme le spectacle lui-même.

Le public -enfants et familles- ce jour-là à La Cloche d’Or, le joli théâtre de Rochefort-sur-Mer, en oublierait presque de quitter cette histoire vraie et grave, avec ses airs de féérie et de fantaisie. Voilà une belle initiation au théâtre, avec des ateliers pour les enfants, peut-être envieux de l’aisance sur le plateau d’une petite fille de leur âge. Julien Duval joue dans la plupart des spectacles de Catherine Marnas et a mis en scène deux spectacles « tout public » : Alpenstock de Rémi et Vos et La Barbe bleue de Jean- Michel Rabeux. Et il vient de créer avec Carlos Martins, la compagnie Syndicat d’Initiative, en compagnonnage avec le Théâtre National de Bordeaux-Aquitaine. Une belle histoire de transmission, aussi, derrière la scène.

Christine Friedel

Spectacle vu le 29 janvier au Théâtre de Rochefort-sur-mer (Charente-Maritime).

Du 7 au 18 mars, Festival La Tête dans les nuages, Théâtre d’Angoulême (Charente) ; les 26 et 27 mars. Maison de la Culture de Bourges (Cher).

Le 10 avril, Théâtre municipal d’Agen (Lot-et-Garonne).

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