Kind , conception et mise en scène de Gabriela Carrizo et Franck Chartier, par la compagnie Peeping Tom

©Justine Bougerol

©Justine Bougerol

 

Kind, conception et mise en scène de Gabriela Carrizo et Franck Chartier, par la  compagnie Peeping Tom

 Après le merveilleux 32 rue Vandenbranden, vu à Montpellier-Danse l’été dernier, ce tandem s’attaque au troisième volet de sa trilogie familiale (voir Le Théâtre du blog). C’est un théâtre de gestes et images, dansé, au décor hyper réaliste et mouvant, un personnage à part entière, en parfaite symbiose avec les interprètes. Contrastant avec la maison de retraite de Vader (Père) et le musée de reliques de Moeder (Mère), l’espace de Kind (Enfant) s’ouvre sur une nature tourmentée: avec à cour, une forêt sombre et bruissante et à jardin, des falaises escarpées, truffées de grottes et de failles, terrain de jeu d’une fillette et de personnages surgis de son imaginaire. Avec des formes débordantes dans sa jupe très courte et ses chaussettes  serrée, elle est trop grande pour son petit vélo…Nous retrouvons ici avec plaisir dans ce rôle étrange, la mezzo-soprano, Tom Eurudike De Beul, vigie attentive de 32 rue Vandenbranden et membre fidèle du Peeping Tom. Avec des gestes d’enfant attardée, une voix et son physique de chanteuse wagnérienne,  elle  nous entraîne dans son monde onirique… De la forêt, surgit ainsi une biche aux jambes féminines perchée sur de hauts talons, des vers de terre géants se contorsionnent en guettant une proie, un homme des bois, hirsute et menaçant, tire sur des touristes égarées, quand son fusil ne crache pas de l’eau. Une femme attrape bêtes et gens au lasso… Nature et humains se confondent dans un environnement animiste : la terre pleure comme un bébé, la forêt accouche d’un arbrisseau vagissant, la roche donne naissance à une femme hallucinée, une racine devient un nourrisson pendu au sein de la fillette…

Et le conte de fées vire au cauchemar : les pins s’agitent, une tête de vieillard rageur, type roi des Aulnes, surgit dans les sombres branchages et la lune, apparue en fond de scène, gigantesque et blafarde, vire au rouge. Plus tard, l’astre mort donnera naissance à de petites sphères dont l’une explosera et mettra au monde un monstre galopant à quatre pattes, rejoint par une troupe de congénères. Ces Leprechaun participent d’une imagerie à la Tolkien. La cruauté, fil conducteur implicite, s’empare de la fillette qui oscille entre une posture de victime pleurnicharde et de bourreau ricanant, ogresse dérisoire. Avec Kind, les auteurs interrogent les aspects pervers d’une identité duelle, construite à partir d’une figure paternelle violente (le chasseur ou le garde-chasse ) qui,  en position de pouvoir, ne voit que des intrus à éliminer et humilier… Il ne fait pas bon se promener dans ces bois-là !

 La présence de vrais enfants se limite ici à deux figurants (en alternance), choisis dans les villes où la compagnie se produit, mais des ateliers avec des jeunes ont permis aux metteurs en scène  et aux danseurs de saisir leur langage gestuel et leur vision du monde adulte. Un garçon, disent-ils  » s’était approprié une arme et ne faisait rien sans »,. D’où une recherche sur la violence potentielle présente jusque dans l’actualité comme «l’élection de Bolsonaro au Brésil avec soudain, les militaires partout dans les rues, les lois sur les armes en Italie, en Argentine. »…

En contrepoint de cet environnement terrifiant, la poésie des images, la virtuosité des cinq danseurs, l’humour d’un dialogue laconique donne une distance amusée au spectacle. La bande-son, omniprésente, fait entendre des bruits cocasses (cris d’oiseau, tonnerre, chuchotements étranges) et des citations musicales décalées : Janis Joplin, Richard Wagner, Kurt Kobain, Georg-Friedrich Haendel… Les danseurs-acrobates se fondent avec talent dans cette univers surréaliste: Yi-chun Liu, souple comme une liane, Maria Carolina Vieira en Texane hystérique, encourageant de sa voix l’homme au fusil (Brandon Lagaert), le Coréen Hun-Mok Jung et Marie Gyselbrecht en femme apeurée Peeping Tom, fondé en Belgique il y a vingt ans par l’Argentine Gabriela Carrizo et le Français Franck Chartier, nous étonne une fois de plus, par son invention. A ne pas manquer.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu dans le cadre de la programmation du Théâtre de la Ville/Hors les murs, le 29 janvier à la Maison des Arts, place Salvador Allende, Créteil (Val-de-Marne).  T. : 01 45 13 19 19. 

Les 5 et 6 février, Théâtre de Lorient  et du 13 au 15 février, de Singel, Anvers (Belgique).
Les 1er et 2 avril, Stuk Leuven (Belgique) ; les 14 et 15 avril, Espace Malraux,  Chambéry (Savoie) ; du 23 au 26 avril, Teatros del Canal, Madrid (Espagne); les 29 et 30 avril, Scène Nationale d’Albi.
Le 12 mai, Le Manège, Maubeuge (Nord) ; le 28 mai, Stadsschouwburg Utrecht, Utrecht (Pays-Bas)  et le 30 mai SPOT/Stadsschouwburg, Groningue (Pays-Bas).
Les 5 et 6 juin, Vooruit, Gand (Belgique)

 

 

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