Galilée, texte et mise en scène de Lazare Herson-Macarel
Galilée, texte et mise en scène de Lazare Herson-Macarel
Ce jeune metteur en scène avait monté avec succès Cyrano de Bergerac d’après Edmond Rostand (voir Le Théâtre du Blog). On retrouve la même sensibilité et la même intelligence dans cette réécriture de La Vie de Galilée de Bertolt Brecht. «On ne peut écrire, dit-il, un “Galilée“ sans avoir à l’esprit les trois versions que Brecht en a donné entre 1926 et 1952. J’ai tenté de relever ce pari en essayant de rester fidèle à l’esprit de son auteur : sa joie, sa légèreté, son esprit dialectique et son idéal d’éducation populaire. »
Lazare Herson-Macarel s’empare de la structure narrative du dramaturge allemand, mais y insuffle sa propre interprétation d’un débat qui court tout au long de la pièce : le combat entre ancien ordre et nouveau, entre oppression du pouvoir et liberté. Combat que, dans sa naïveté don quichottienne, le héros ne sait pas qu’il est perdu d’avance. « Nous sommes les Vénitiens de 1610, dit le metteur en scène. « Nous ne sommes pas au centre du monde!, criait Galilée au XVIIème siècle ». « Nous ne sommes pas immortels!» crient les scientifiques d’aujourd’hui. »
La compagnie de la Jeunesse aimable s’inscrit en faux contre le pessimisme de Bertolt Brecht qui projetait sur Galilée sa propre situation face au nazisme et elle fait du théâtre une joyeuse tribune, en faveur du triomphe de la vérité contre l’obscurantisme et d’une révolution où ceux d’en bas tiendront aussi, un jour, le haut du pavé. «Il y a trois grandes révolutions dans l’histoire de la pensée occidentale : Galilée, Darwin et moi », écrivait Sigmund Freud, oubliant peut-être Karl Marx…
Autour d’un plateau circulaire, sur des châssis mobiles s’inscrivent, à la craie, lieux , dates, schémas et formules mathématiques. La scénographie conçue par Margaux Nessi, laisse apparaître et disparaître les comédiens : elle figure un monde en mouvement, contraire à la vision d’Aristote plaçant la Terre au centre de l’univers… Une thèse de l’Église catholique romaine que Galileo Galilei va pourfendre avec ses découvertes astronomiques dans Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, considéré comme un livre parmi les plus importants de l’histoire de la Science.
La pièce raconte d’abord la résistance du savant et de son entourage, quand en 1616, on lui interdit de poursuivre ses recherches. Elle dit sa foi en la science, en l’espoir de progrès et de confort social qu’elle devrait apporter. La publication de son livre en 1632 entraînera son procès l’année suivante et le savant est condamné l’année suivante à une résidence surveillée jusqu’à sa mort dix ans plus tard. On voit le vieux Galilée, aveugle et couvert de cette craie qui fut son arme et avec laquelle, malgré l’opprobre, il trouva encore la force d’écrire ses Discorsi e Dimonstrazioni matematiche intorno a due scienze attenanti alla mecanica ed i movimenti locali (1638) qu’il put remettre à son disciple.
Malgré cette image finale, le spectacle reste un hymne au progrès et aux idées nouvelles. Une belle humeur anime le plateau, avec des intermèdes musicaux ponctuant les épisodes de cette vie de Galilée, et des chansons accompagnées au piano, dans l’esprit des songs brechtiens. A mi-parcours, le théâtre devient une scène de carnaval. Malgré quelques séquences inutiles ralentissant le rythme et quelques faiblesses dans la direction d’acteurs, ce spectacle relève élégamment, en deux heures, le défi que s’est fixé Lazare Herson-Macarel…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 31 janvier au Théâtre Jean Arp (saison hors-les-murs sous chapiteau) stade Hunebelle, Clamart, (Hauts-de-Seine). T. : 01 71 10 74 31.
Le 11 février, Scènes du Golfe,Vannes (Morbihan).