hélas de Nicole Genovese, mise en scène de Claude Vanessa

hélas de Nicole Genovese, mise en scène de Claude Vanessa

 

© Charlotte Favre

© Charlotte Favre

Rituel : un dîner en famille. Tous les soirs,  même bonne humeur obligatoire,  mêmes mini-querelles et mêmes phrases automatiques : «Cela fait du bien une bonne douche !», « J’ai pris les assiettes dans le lave-vaisselle» et mêmes demandes sans réponse : «Et pour ma tenue de patinage artistique ? » Le Père, la Mère, le Fils, la Fille : l’archétype de la famille, avec une pièce rapportée: l’Oncle, chômeur et peintre. Et un personnage secondaire très important : la télévision, avec Des Chiffres et des lettres  (quel suspense !) et plus Belle la Vie…

Le spectateur malin, aidé par la malice de l’autrice, comprend vite que des grains de sable vont faire grincer la cérémonie, par définition: répétitive. En une douzaine de séquences identiques (au bout d’un moment, on cesse de compter) mais avec des variantes. Chaque membre de la famille commence à perdre les pédales et cherche à les retrouver, en s’accrochant désespérément à la norme. Et dire que le repas à la française a été classé au patrimoine immatériel de l’humanité ! Arrivent heureusement des éléments perturbateurs : le fameux Oncle chômeur qui va couvrir les murs, de ses peintures (qu’on pourrait qualifier de sommaires, en pensant à la guitare sommaire de Boby Lapointe) et une adjointe à la Culture vitaminée qui nous donne la clé de ce qui se passe…

Il s’agit d’un PROJET, sociologique et culturel. Se méfier de l’adjectif « culturel » qui englobe toutes sortes de pratiques vaines, terriblement formalisées et dévoratrices de subventions. Un robuste morceau de bravoure : les dix minutes de remerciements de la dite adjointe aux institutions diverses, acronymes et aux titres désespérants de vide et de prétention qui rebondissent chaque fois qu’on pense qu’elle en a  fini:  » sans oublier l’association X. et son président Z. » Du Valère  Novarina en plus satirique…

L’intrusion de l’Adjointe, en usurpatrice du rôle de la mère, dégénère en une scène très violente, côté Grand Guignol et  Boris Vian, revendiqués l’un et l’autre par l’auteur. Le tout donne un spectacle le plus souvent drôle, bien joué dans le style : mécanique humaine, avec une énergie et une discipline jamais prises en défaut, à travers les répétitions et variations. Il relève plus d’un art bricolé et brutal, que de l’art « brut » et s’appuie à la fois sur des analyses subtiles et sur  la naïveté supposée du metteur en scène. Une poésie revendiquée finit par se glisser dans les fissures du « normal » et le spectacle s’achève par un pieux rangement de tous les objets qui ont été, à un moment on un autre, les armes de cette guerre froide (ou brûlante) en famille.

Un beau retour, donc, au théâtre « de l’absurde », bienvenu en ces temps angoissés. Le spectacle, défoulatoire, ne propose aucune issue. A nous de la trouver dans la performance finale. Mais il nous donne l’occasion de rire, en toute innocence, des claques qui ne se perdent pas et des coups qui, parfois, se mettent à pleuvoir.

Christine Friedel

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, route du Champ de Manœuvre, Vincennes, (Val-de-Marne). Métro : Château de Vincennes+ courte navette gratuite, jusqu’au 9 février. T. : 01 43 28 36 36.

 

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