Nous campons sur les rives, textes de Mathieu Riboulet, mise en scène d’Hubert Colas

Nous campons sur les rives, textes de Mathieu Riboulet, mise en scène d’Hubert Colas

©Herve Bellamy

©Herve Bellamy

Mathieu Riboulet, (1960-2018) a  réalisé plusieurs films qu’il a lui-même produit puis a écrit de nombreux textes dont plusieurs  romans Le Corps des Anges, L’Amant des Mort. Hubert Colas a associé ici deux des textes. Cela se passe dans la  toute petite salle dite du Planétarium, avec son toit en coupole au Théâtre de Nanterre-Amandiers. On devine sur le tapis noir trois grandes et longues tables en bois, la lumière est un peu jaune et on voit à peine le beau visage de Frédéric Leidgens qui porte seul Nous campons sur les rives. En fond de scène, est assis Thierry Raynaud dans une obscurité presque totale, et avec une grande précision et Frédéric Leidgens déroule une longue litanie de méditations dans la lignée de Blaise Pascal. Assis, les mains posées sur la table, regardant fixement le public.  Sur le mur de fond, côté cour, une image vidéo tremblotante qui reproduit le visage de l’acteur sur le plateau.  Et une autre image vidéo où on voit de loin dans la nuit quelques fenêtres éclairées de hauts immeubles…. »
Cela parle de l’espace et du temps, ceux tout proches de nous ou lointains, dans un aller et retour permanent entre passé et présent, ici et ailleurs. Parfois d’une belle poésie : « Ainsi, de nouveau, je fais tenir le monde dans la lumière, le vent, les pierres, le sable et les odeurs d’ici, de l’ici où je suis, de l’ici où nous sommes. « Mais ce long monologue monté de façon très statique n’est pas vraiment  passionnant, malgré une qualité de langue indéniable. Et il aurait quand même demandé à être un peu plus éclairé : cela fait penser aux derniers spectacles de Claude Régy récemment décédé qui privilégiait souvent aussi la pénombre… Et, même quand la salle est petite et donc les acteurs très proches comme en gros plan,  on a du mal à ne pas décrocher…

Ensuite,  le second moment du spectacle est tiré de Dimanche à Cologne, un chapitre extrait du livre Lisières du corps  où l’auteur fait le tableau d’un sauna gay à Cologne. Thierry Raynaud prend la place de Frédéric Leidgens avec une voix plus claire mais avec la même sérénité, le même rapport au texte. Un « corps étranger malade  devient une interrogation pour les hommes qui circulent autour de lui.  Hubert Colas a eu envie :« en retraversant cette écriture, en reprenant ces textes pour les donner à entendre ( …) de réaclimater notre rapport à l’intime face à une société extrêmement bruyante et parasitaire à chaque instant notre attention est l’objet de toutes sortes de sollicitations. Il s’agit au contraire de reposer le corps et l’esprit dans un temps qui est celui d’une descente en nous-mêmes. » Mais désolé, nous n’avons pas réussi à entrer dans ces textes de Mathieu Riboulet dont le premier lui a été inspiré, si on a bien compris, par la tempête de 1999 en France et  le deuxième qui renvoie à la question de l’homosexualité, lui permet d’aborder celle de l’altérité. Et cela, malgré une direction d’acteurs exigeante…

Le spectacle, un peu ennuyeux malgré sa courte durée, pose le problème de l’invasion de plus en plus fréquente du théâtre contemporain par le monologue, même s’il a été à l’origine de l’art dramatique dans la Grèce antique. Mais les metteurs en scène, pour des raisons financières évidentes, en montent de plus en plus, avec des justifications souvent douteuses… Tout y passe: articles de presse, romans, nouvelles, discours, analyses économiques, compte-rendus de réunion, sermons, poésies, lettres, journaux intimes, biographies, textes philosophiques… Même si le public se sent de moins en moins concerné par ces solos tirés de textes non écrits pour une scène et qu’on adapte tant bien que mal… et plutôt mal que bien, l’exercice se révélant toujours périlleux… Attention : risque de désertion des salles…

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 23 au 26 janvier et du 6 au 9 février, à Nanterre-Amandiers-Centre Dramatique National, 7 avenue Pablo Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine). T. : 01 46 14 70 00.

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3 commentaires

  1. Thierry dit :

    Bravo pour votre professionnalisme !
    Et j’accepte toujours volontiers les critiques , mais «  un peu ennuyeux » et « je ne suis pas rentré dedans » , cela me semble bien faible!
    Par contre que vous vous permettiez de juger que ce spectacle en forme de monologue a été conçu ,par défaut, et à des fins budgétaires , et qu’il serait le symptôme de la désertion du public , qui d’ailleurs est un fantasme , ne me parait pas tout à fait ni à propos ni solide au vu des retours de l’affluence et de notre total engagement à défendre un auteur majeur du 21 eme siècle mort il y a peu.

  2. Tant mieux si la salle était plein chaque soir; de toute façon, je n’ai pu venir que le dernier jour donc mon article n’a pu en rien influencer le public de Nanterre. Je respecte le travail des comédiens mais si je n’apprécie pas un spectacle, je ne m’abstiens jamais d’en faire un compte-rendu comme d’ailleurs mes collaborateurs: c’est une règle absolue chez nous.
    Que ce soit pas loin de chez moi ou assez loin (j’ai fait l’effort d’aller jusqu’à Nanterre et d’en revenir) j’écris donc toujours sur le spectacle que j’ai vu, même si je ne suis pas entré dedans et cela semble être tout à fait normal de le dire; si mes confrères ont été plus positifs que moi, tant mieux aussi pour vous. Souvenez-vous de cette phrase du grand Charles Dullin: « Les critiques ne sont pas assez sévères ».
    Et cet article a été très lu: encore dix-huit fois ce matin.

    bien à vous

    Philippe du Vignal

  3. Thierry dit :

    Le spectacle était plein tout les soirs. Une reprise est prévue. Les critiques sont à part la votre unanime . Est ce que « quand on ne rentre pas » dans un spectacle ne pourrait on pas s’abstenir d’écrire ???
    Bien à vous.
    Thierry Raynaud

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