Et le festival d’Avignon ?
Et le festival d’Avignon ?
“Aucun élément objectif ne nous permet de prendre la décision d’annuler le Festival d’Avignon 2020” disait encore curieusement hier Olivier Py. Bizarrre, vous avez dit bizarre?
Ce matin à France-Inter, Olivier Py se voulait rassurant et optimiste, puisque disait-il, on peut encore espérer que le festival ait bien lieu comme prévu du 3 au 23 juillet. Comme le festival d’Aix-en-Provence ou Les Nuits de Fourvière. Il doit annoncer sa programmation aujourd’hui à 14 h. Mais il a vite botté en touche et répété plusieurs fois que, si les autorités sanitaires le décident et si le confinement ne cessait pas le 15 mai, le festival serait annulé. Dans ce cas, il a aussi rappelé que toute l’économie locale en subirait le choc. D’après les chiffres en sa possession, le retour annuel en termes financiers de cette manifestation artistique est de l’ordre de cent millions.
Mais a-t-il encore martelé, comme s’il cherchait surtout à s’en convaincre lui-même, les conditions nécessaires pour que le festival ait encore lieu, sont encore possibles et il en détaillera bien le programme cet après-midi. Aucun des artistes ne lui a dit que leur spectacle n’était pas envisageable. Le 21 avril, dit-il, aura lieu le Conseil d’administration du festival avec ses membres mais par skype. Il n’a pas exclu des solutions -ce qui nous parait difficile- comme la réduction de la jauge de la Cour d’Honneur ou le report des dates… Du off, il a peu parlé mais de toute façon, on voit mal exister un off dans le in. C’est un tout depuis plus de quarante ans…Olivier Py a dit aussi qu’il faudrait selon lui, un moratoire nécessaire concernant la gestion des artistes et techniciens intermittents mais aussi des mesures pour les compagnies qui vont être durement touchées par cette crise sans précédent..Reste que pleuvent aussi à l’étranger, les annulations de festivals comme le off d’Edimbourg, Bayreuth, etc. Même constat chez nos amis belges, Festival In Movement, Legs, Kunstenfestivaldesarts, D Festival, Brussels Dance, sont supprimés. La Ministre de la Culture, Bénédicte Linard, a préconisé un report des dates mais… la saison 2020-2021 est déjà bouclée.
Chez nous, le Ministère de la Culture dont, rappelons-le, son représentant Frank Riester a été atteint par le coronavirus et l’Elysée ne semblent guère pressés d’annoncer quoi que ce soit… Bien entendu, s’il y a annulation, tous les commerces, en particulier les hôtels, restaurants et supermarchés, grandes enseignes de bricolage d’Avignon et de la région, comme les particuliers qui louent à prix d’or appartements et salles de spectacle, font déjà grise mine. Bernard Faivre d’Arcier, alors directeur en 2003, avait dû prendre la seule décision possible: annuler le festival à cause de la grève des intermittents. Cela plomba les finances des compagnies mais cette grande fête internationale du théâtre, que l’on en sache, s’en est remise….
On est en avril et juillet arrive à grands pas. La sagesse serait de renoncer aux festivals et événements de cet été. Alors que les radios ne cessent de recommander les gestes-barrière, comment imaginer en effet par les temps qui courent, des dizaines de milliers de personnes, spectateurs, artistes, techniciens, gens de théâtre comme circassiens, tous les uns sur les autres dans les rues étroites de cette ville où il est souvent difficile de passer?
Guy-Pierre Couleau, le président du syndicat national des metteurs en Scène a écrit à Franck Riester, pour lui demander de « communiquer des précisions relatives d’une part, à la question du maintien du festival d’Avignon et, le cas échéant, aux modalités techniques de prise en charge des répercussions économiques engendrées par tout aménagement de la tenue de celui-ci.”
Qui peut dire ce qu’il en sera de ce fléau dans à peine trois mois? Et comment les artistes pourront-il répéter auparavant dans les lieux comme les lycées et lieux d’enseignement dévolus aux spectacles, qui seront occupés par les élèves jusqu’au début juillet? Et que le déconfinement est prévu au minimum pas avant le 15 mai? Comment être sûr que la Cour d’Honneur pourra être aménagée à temps (il y faut au minimum trois semaines!)? Et y aura-t-il assez de temps pour les répétitions? Bref, bien peu de certitudes….
Quelle est au juste la position du Premier ministre et celui de la Santé? Et dans le domaine de ce qu’on appelle les arts de la rue à Avignon et ailleurs, on voit mal se dessiner les choses… Comment pourraient avoir lieu entre autres, les festivals d’Aurillac ou de Châlons avec des dizaines de milliers de spectateurs déambulant au coude à coude… Tous masqués? Philippe Le Gal, directeur du Carré Magique, Pôle National des Arts du Cirque en Bretagne, a eu le courage de dire clairement les choses: «Au regard de l’investissement que représentent les festivals d’été pour les compagnies de cirque, il me semble que la meilleure solution est leur annulation. »
Tout se passe comme si on comptait encore sur un miracle mais Emmanuel Macron est bien placé pour savoir qu’en matière politique et sanitaire, cela n’existe pas. Gouverner c’est prévoir… Attendons demain mais on voit mal comment Olivier Py pourrait annoncer le maintien du festival d’Avignon! Et il ne peut y avoir bien entendu de report. A temps exceptionnels, il faut prendre des mesures exceptionnelles… Même confinée comme les autres, l’équipe du Théâtre du Blog vous tiendra au courant et, au passage, merci de votre fidélité: cela fait toujours du bien par où cela passe, comme disait Monseigneur Marty…
Philippe du Vignal