Les confinés parlent aux confinés: les attaché(e)s de presse face au coronavirus:
Ces propos on été recueillis avant la déclaration d’Olivier Py concernant l’annulation du festival d’Avignon qui ne change rien à l’activité actuelle des ces professionnels qui suivent et parfois depuis longtemps à Avignon in et off toutes les équipes de théâtre, danse, cirque… qui y présentent un spectacle ou dans un des très nombreux festivals français. Nous nous efforcerons de vous tenir au courant des nouveautés mais une chose est sûre la saison théâtrale ne recommencera, si tout va bien, pas avant septembre.
Catherine Guizard
-De quelle façon vivez-vous ce problème douloureux, comme disait Monseigneur Marty?
-Difficilement! Je pense à toutes les équipes de théâtre avec lesquelles je travaille et à aux perspectives que nous avions pour mars, avril et mai. Toutes dans l’eau! Entre autres exemples, ce Tramway nommé désir que vous aviez bien aimé (voir Le Théâtre du Blog) et qui a connu un beau succès: les représentations devaient se poursuivre jusqu’au 12 avril ! Et cela fait presque un mois que tout s’est arrêté: on a vu une baisse régulière de la fréquentation de tous les spectacles comme entre autres Espoir à l’Athénée qui avait commencé le 4 mars. puis leur interdiction! Même pour les salles de moins de cent places
-Les conséquences pour les petits lieux parisiens doivent être redoutables?
-Oui, c’est gravissime. Trouver des créneaux pour reporter des spectacles frise souvent l’impossible, puisque cela implique la disponibilité des acteurs et la faculté de répéter en ces temps de confinement. Comme le Théâtre Essaïon ou la Manufacture des Abbesses, il y a aussi la question du loyer! Il n’y a actuellement aucune rentrée d’argent pour ces petits lieux!
-Et votre travail?
– Sans perspective immédiate, à court comme à moyen terme. J’ai le statut de salariée comme Nadège, l’administratrice de notre association et nous bénéficions du chômage partiel à hauteur de 35 %.
– Et le festival off d’Avignon?
-La situation n’est pas brillante. Olivier Py a annoncé le 8 avril la programmation du in. Mais on voit très mal comment le festival pourrait avoir lieu. Et le off sera aussi lui atteint par les mesures de santé publique. De toute façon, l’un ne va pas sans l’autre. Et avec quels spectacles et avec quel public, si les vacances de juillet sont, du moins en partie, annulées pour beaucoup de gens fidèles à Avignon qui ne se presseront ps pour venir surtout s’ils sont un peu âgés…. Dans le off, on ne sait plus trop où on va et le temps presse: il faut avoir le temps d’éditer le gros catalogue… Un exemple parmi d’autres: la création d’Alain Timar au Théâtre des Halles pourra-t-elle se faire, s’il n’a pas le temps de répéter? Quant à une petite entreprise comme la nôtre, pour le chiffre d’affaires surtout fondé sur les festivals d’été comme Grignan, Avignon, Parades à Nanterre déjà annulé, Saint-Georges de Didonne près de Royan, etc. c’est la chute libre.
-Une petit mot d’espoir?
-Essayer d’être au maximum bienveillants les un envers les autres. Bien entendu, je continue à travailler et je fais mon yoga quotidien dans mon petit jardin. Mais une chose est sûre: il y aura un avant et un après cette pandémie. Comme ailleurs dans le monde du spectacle et en particulier, celui du théâtre, les cartes seront rebattues, pour le meilleur mais aussi on le craint fort pour le pire…
Philippe du Vignal
Pascal Zelcer
-Comment va le monde en ces temps difficiles?
- Personnellement, pas très bien… Travailleur indépendant comme Estelle Laurentin, j’ai un revenu… quand je m’occupe de spectacles. Et je vis sur ce que j’ai gagné auparavant. Mais les projets s’écroulent les uns après les autres! Le festival Capsules est annulé, la cérémonie des Molière est reportée dans le meilleur des cas à la fin juin. Le festival de Grignan dans la Drôme, avec Capitaine Fracasse d’après Théophile Gautier, mise en scène de Jean-Christian Hubert, serait maintenu mais plus tard et la tournée qui suit la création serait reportée de quelques semaines, etc. Donc, pas trop de quoi se réjouir!
- Et le service de presse du off dont vous vous occupez?
-Comme vous le savez, aucune décision n’a encore été prise. L’association qui s’occupe du off est en attente des mesures sanitaires qui seront prises par le gouvernement. Mais je n’y crois plus: rien ne se passera avant la rentrée en septembre. Les compagnies du off ont, pour la plupart, déjà avancé des arrhes sur la location des salles et des logements. Ces arrhes pourront-elle être remboursées s’il l’annulation, malheureusement prévisible, se confirme amis nous sommes déjà à la mi-avril!
- Le S.N.E.S. le SYNAVI et le SYNDEAC appellent les théâtres et les salles de spectacles à tenir compte de la fragilité financière actuelle des compagnies et producteurs et ont demandé aux lieux d’Avignon de ne pas percevoir les acomptes de location tant que la tenue définitive du festival n’est pas acquise.
- Qu’en pensez-vous?
- Oui, mais les contrats d’assurances privées ni celles des cartes bancaires ni les mutuelles ne prévoient aucun dédommagement en cas de force majeure. Heureusement, je n’avais pas encore signé de location! Mais on ne voit pas du tout le off tenir debout sans le in… De toute façon, les mesures sanitaires seront appliquées à tout le monde.
-Et les tournées prévues?
- Jouer dans le off permet aux compagnies de se faire mieux connaître et d’avoir ensuite quelques dates de représentation. Mais ce n’est pas suffisant et on peut craindre qu’une fois le confinement passé, les contrats signés avec les municipalités précédentes ne soient pas toujours honorés par celles qui leur ont succédé. On verra après le second tour mais au mieux, les représentations déjà prévues ces mois-ci seront reportées la saison suivante.
-Et l’avenir ?
– On peut penser que les théâtres qui sont tous, sans exception, durement touchés par cette crise sanitaire sans précédent, rouvriront en septembre. Je suis plus pessimiste pour les salles de cinéma qui vont souffrir et donc toute la profession dont les créateurs. Porter un masque quand on va dans une salle? Pas dans notre culture mais il faudra bien que l’on s’y fasse. En tout cas, cela aura été pour moi une épreuve personnelle: pas moyen d’y échapper et cela nous remet face à nous-mêmes…
Ph. du V.
Estelle Laurentin
Attachée de presse depuis longtemps, elle a adopté le statut de travailleuse indépendante et n’a donc pas droit au chômage. Quant aux aides de l’État pendant le confinement, elle les recevra si elle a 50% de perte sur son chiffre d’affaires. Pas le cas pour le moment : elle a signé des contrats à saison avec plusieurs théâtres…
« J’ai des clients plus ou moins fragiles », dit-elle, et dans l’ensemble, ils m’ont rassurée sur les derniers versements de la saison et je continue à travailler sur leurs spectacles. La plupart des lieux table sur des reports la saison prochaine. Le théâtre Jean Arp de Clamart n’a pas tout reprogrammé mais tient particulièrement à assurer le Macbeth de Julien Kosellek. Le théâtre Antoine Vitez d’Ivry, lui, ne peut tout reprogrammer.
Quant aux festivals dont je m’occupe, on les prépare quand même, comme celui d’Alba-la-Romaine à partir du 14 juillet. Même chose pour Le Mans fait son cirque. Les compagnies, malgré les répétitions et les dates en plan, montent les dossiers, cherchent des coproducteurs, vont de l’avant… »
Au festival d’Avignon off, Estelle Laurentin s’occupe de la Chapelle du Verbe incarné, un lieu consacré au théâtre d’Outremer. Est déjà prévu, si le Festival était annulé, un mini-festival en ligne, via Radio Toma, une radio mise en place l’année dernière. « Quoiqu’il en soit, les compagnies et les lieux essayent de se reporter sur la saison d’après. Les gens sont au travail, conclut-elle, en essayant de positiver malgré les effets collatéraux qu’on ne peut encore imaginer… »
Mireille Davidovici
Isabelle Muraour
-Et chez vous comment cela se passe? - Confinée comme tout le monde mais j’ai du boulot avec les revues de presse des spectacles qui ont eu lieu et il y a toujours quelque chose à régler avec les compagnies dont je m’occupe Bien entendu pour les festivals d’été encore possiblement à venir, nous ne le leur facturerons rien si comme c’est probable, la plupart n’auront pas lieu. Je suis gérante d »une S.A.R.L. avec mes deux collaboratrices salariées que j’ai mises en vacances pour six jours Emiliy est en C.D.I. sera en chômage partiel jusqu’au 31 août et le C.D.D. de Ouassila finira en juin. -Et Avignon ?
-Comme l’a dit Olivier Puy, c’est au gouvernement de décider. Mais maintenir le festival serait incohérent. C’est juste une question de bon sens. Je m’occupe depuis longtemps et chaque année de plusieurs compagnies qui jouent dans le off. Bernard Faivre d’Arcier son directeur à l’époque, avait pris la décision d’annuler l’édition 2003 pour cause de grève des intermittents mais nous ne sommes plus dans le même cas de figure et ici il y a une crise sanitaire. Donc c’est au gouvernement de décider.
-Et la suite? - Quand on fait les calculs, il n’y a aucune perspective avant septembre où si tout va bien les salles pourraient réouvrir à Paris et ailleurs, mais plus le temps passe, plus je perds de l’argent. Et cette année, après les grèves qui ont durement touché les petites compagnies, c’est la double peine. Mais je ferai tout pour payer le salaire net entier de mes collaboratrices. Pour moi, je ne garderai pas grand chose, en attendant les aides de l’Etat. En attendant, tout ce qu’on aime faire : préparer l’émergence de spectacles à Paris comme en province, être en contact avec les artistes et la presse, etc. on le ne le fait pas. On a l’impression d’être coupé du monde. Personnellement, je ne suis pas sortie depuis trois semaines de mon appartement et quand je suis allé faire quelques courses alimentaires, je me suis déshabillée entièrement et j’ai passé tout les vêtements à la machine… Décidément, 2020 aura été une année dure: les grèves, le coronavirus, la perte d’une proche, celle de mon chat… Ph. du V.