Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés (suite)

Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés ( suite)

 

Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherches au C.N.R.S.

 -Comment avez-vous vécu cette période?

- Quand les mesures sanitaires ont été votées, je devais aller au G.I..T.I.S. à Moscou, faire un séminaire sur le Théâtre du Soleil qui, bien entendu a dû être annulé;  donc je  suis restée à la campagne où j’ étais pour quelques jours, avant le départ pour la Russie. J’ai du mal à me concentrer sur mon travail, mes projets de livres; le jardinage m’occupe beaucoup et je me trouve privilégiée de vivre cette période dans un très petit village.  IMG_9175Je n’ai pas envie de lire des romans (une exception pour l’étonnant récit documentaire Les Services compétents de Iegor Gran, un écrivain français, fils d’Andreï Siniavski, le dissident soviétique. Mais je lis beaucoup les journaux , les posts sur Internet, les articles qu’on me fait suivre. Je suis effarée par les mensonges de l’Etat, notamment sur les masques. Tout le monde prend la parole, les tuyaux d’information sont tous engorgés de choses contradictoires, proférées par de soi-disant experts… si bien qu’on ne sait pas à qui s’en remettre. Parfois il vaudrait mieux se taire.

-Et Paris vous manque?

-Non, mais  curieusement, l’opéra oui: j’ai une envie folle d’y aller, alors que je n’y vais pas tellement, peut-être parce que  ce sera l’art  le plus difficile à remettre «  en route ». Mes amis aussi me manquent mais on se téléphone beaucoup. Je regarde des captations: j’attends celle  du Bal masqué  de Lermontov, mise en scène d’Anatoli Vassiliev à la Comédie-Française en 1992, mais surtout les bonnes séries à la télévision comme Le Bureau des Légendes, 

Le Bureau des légendes

Le Bureau des légendes

La Casa de papel, The Crown… Cela m’apprend que l’écriture théâtrale au lieu d’être  souvent solitaire pourrait aussi se faire à plusieurs et avoir la même exigence que celle de ces séries.

-Et l’annulation prévue du festival d’Avignon mais aussi des autres festivals d’été?

- Bien sûr, on n’a pas à être content ou pas. Tous les projets en cours sont perturbés par cette pandémie. Pour certains  festivals,  cette pause peut être bénéfique si elle ne prive pas les artistes et techniciens de leur salaire,  elle peut inciter à prendre un nouveau départ, à renoncer à être une foire aux spectacles.

- Alors comment voyez-vous les prochains mois?

- Je n’ai aucune parole d »expert ». Juste des idées qui viennent: intensifier le programme Recherche destiné aux artistes lancé l’an dernier par  le Ministère de la Culture  et lui donner plus de transparence.  Accorder des bourses pour inciter les dramaturges à travailler ensemble dans des laboratoires virtuels (par Zoom et autres).  Multiplions au cœur de nos territoires comme on dit aujourd’hui, les lieux magiques, utiles et poétiques comme la Maison Jacques Copeau, lieu de transformation des artistes et du public, lieu de pédagogie. Il faudrait  d’abord penser en termes de  » maintenant » et non en termes d’ «après».  Il me semble qu’il faudrait  arrêter cette course incessante à la production de spectacles qui seront joués x dates et faire en sorte que le public de théâtre se renouvelle.

Des artistes pensent à revoir leur pratique comme  Cyril Teste qui, avec son équipe, prépare au Monfort une autre façon de travailler en respectant un protocole sanitaire contraignant. Un projet avec des spectateurs invités à participer à des processus renouvelés. Le travail à distance avec des artistes confinés (France-Culture) donne des idées pour du théâtre à la radio. Plutôt que de penser «  innovation» , il me semble qu’il faut valoriser le travail, l’élaboration et faire durer les créations, les faire évoluer avec le public de chaque représentation ( Meyerhold disait que la première était en fait la première répétition avec le public et que le spectacle avait pris sa forme à la centième…). Je me tais. Tout va être difficile, le théâtre va redevenir nécessaire.

 Edith Rappoport, critique de théâtre

-Vous êtes confinée du côté de Montbéliard?

-Oui, et j’en ai un peu assez mais bon, je suis dans notre maison avec mon mari Jacques Livchine dont le Théâtre de l’Unité est installé à Audincourt et je suis tout de même mieux que si j’avais dû rester à Malakoff où j’habite. C’est un petit village tout près de la frontière de la Suisse. 280px-Villars-lès-BlamontNous y allons parfois acheter des beedies et du chocolat. Je jardine un peu  et côté travail intellectuel, je passe beaucoup de temps à établir un registre des spectacles que j’ai vus depuis 2017. Avec des souvenirs très inégaux. Et la mémoire parfois joue des tours… Mais restent assez intacts des moments d’anciens spectacles-culte comme Electre de Sophocle ou Le Soulier de satin de Paul Claudel dans les mises en scène d’Antoine Vitez, le célèbre Orlando Furioso de Luca Ronconi joué aux anciennes halles Baltard à Paris, et bien sûr, La  Cuisine d’Arnold Wesker, 1789 et 1793 : trois spectacles mis en scène par Ariane Mnouchkine pour le Théâtre du Soleil.  Mais c’était au minimum, il y déjà  plus de trente ans, voire plus de cinquante comme Orlando

-Et à part cela, vous voyez des captations? Vous lisez?

-Oui , je viens de finir Katiba de Jean-Christophe Rufin, (Flammarion) un bon roman où quatre touristes occidentaux ont été assassinés au Sahara par al-Qaida. Cette tragédie met en alerte les services de renseignements des Etats-Unis, des Emirats  et de France. Nous regardons aussi les captations de quelques spectacles. Et nous nous baladons une heure par jour en forêt avec le grand chien de Jacques, chien-bouvier-bernoisun merveilleux bouvier bernois doux et plein de tendresse.. Mais nous ne voyons guère  personne dans ce tout petit village.

- Et l’avenir?

-Comme tout le monde, je ne suis pas rassurée quant à celui des compagnies de spectacle… Ainsi notre fils Christophe Rappoport qui dirige la fanfare des Grooms a vu tous  leurs contrats annulés. Et cela ne vous surprendra pas, comme de nombreux professionnels, je pense qu’il va falloir revenir à des réalisations plus modestes. En particulier, au festival d’Avignon où, comme vous le dénonciez il y a peu, tout est devenu monstrueux dans le in comme dans le off:  les compagnies sont les victimes de la surenchère économique qu’on a laissé se créer au fil du temps.

L’an dernier, c’était la première que je n’y allais pas depuis 1966 Je me souviens : j’écrivais à l’époque pour France Nouvelle, l’hebdomadaire du comité central du Parti Communiste et j’avais interviewé Jean Vilar… Finalement avec ce maudit corona, cela tombe bien, je n’avais pas du tout envie d’aller  non plus cette année à Avignon…

- Vous semblez regretter les festivals d’antan?

- Sans doute, comme ceux de Chalon-sur-Saône ou Aurillac, ils me paraissaient être plus à taille humaine, que ces grands rassemblements  qui ne font plus vraiment sens… et où personne ni les metteurs en scène ni le public ne trouvent son compte.

Philippe du Vignal, critique dramatique et rédacteur en chef du Théâtre du Blog

 

Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés

-Et vous, Philippe du Vignal, où êtes-vous passé?

– J’étais allé le 14 mars près de Clermont-Ferrand voir une adaptation de L’Odyssée par la compagnie Caracole.  Représentation dans une grande salle municipale sous forme de cabaret avec petites tables pour environ soixante spectateurs.  Donc autorisée. Aucun masque, juste des flacons de gel un peu partout mais repas entre les deux parties du spectacle sans aucune distance sociale… C’était donc il y a très longtemps! Sur mon téléphone portable, après la représentation, un message de notre ami Jean Couturier, critique de danse mais aussi médecin et donc très bien informé qui m’intimait l’ordre absolu de ne pas bouger de chez moi. Mais comme je n’étais pas chez moi et que le lendemain dimanche, il n’y avait pas de train tout de suite pour revenir à Paris. Et que tous les cafés de Clermont  étaient déjà interdits d’accès, je suis allé me réfugier dans mon hameau pour quelques jours mais ensuite la décision de confinement a été prise. Et depuis deux mois, ce qui ne m’était jamais arrivé, du moins au printemps, je suis toujours là…

-Et votre  vie, seul dans un hameau du Cantal?

-Aucune différence ou si peu avec l’existence habituelle, le hameau

Photo André Malbert

Photo André Malbert

est situé à 8 kms du village le plus proche et on ne voit donc pas grand monde. Y habitant seulement mon voisin et son amie,  neufs  poules, trois coqs et dix canards, un chien et le facteur qui vient porter le quotidien La Montagne et parfois une lettre ou deux. Mais il y a la vallée ensoleillée du Lot avec plein de cerisiers en fleurs, les prairies vertes,  les vaches et parfois un chevreuil qui traverse le chemin… Et  arrivent régulièrement offerts par mon voisin une salade, une boîte d’œufs du jour, du cresson sauvage et des blettes du jardin d’une fraîcheur exceptionnelle et hier, un gros cèpe…

Un jeune musicien bordelais réfugié avec son groupe dans un autre hameau proche, prend soin de moi et me ravitaille de quelques produits tous les dix jours. Mais comme je ne mange plus de viande,  pour le reste, j’ai tout ce qu’il faut dans un congélateur. Et j’ai aussi des bocaux de compote de pommes, faits de mes blanches mains ces dernières années. Bien content de les retrouver… Cela ne change donc rien à ma vie habituelle depuis plus de quarante ans dans ce hameau retiré du monde. Seule différence: impossible de voir les ami(e)s proches, marseillais ou parisiens: ils n’ont pu venir ou sont plus loin qu’à 1 km à vol d’oiseau! Mais bon, heureusement le téléphone existe… 


- Et vos journées se passent comment là-bas?

- Je mène une existence assez monacale et d’un rythme régulier.  Et je suis sorti deux fois en deux mois du hameau pour une course urgente. Il y a ici un grand silence seulement troublé par les chants des coqs et comme d’habitude, je me lève à 6 h 30, ouvre les volets en faisant quelques exercices de respiration, puis je m’offre un bon petit déjeuner. Et ensuite, je regarde les messages mais surtout les articles que la plupart des collaborateurs du Théâtre du Blog envoient régulièrement. Et je les mets aussitôt en ligne. Qu’il en soient remerciés: grâce à eux, l’activité de notre magazine n’a pas cessé: il y a eu cinquante deux articles et la fréquentation en avril  a même été supérieure à celle du mois de juillet 2019 !  A midi et demi après avoir écouté Le Jeu des mille euros avec Nicolas Stoufflet sur France-Inter (oui, j’aime retrouver la France des villages.. mais je gagne rarement le super banco!). Puis déjeuner frugal, lecture et repos d’une heure. Ensuite chaulage de murs ou  réfection de terrasses et murs de pierres sèches, tronçonnage de bois pour l’hiver  et rangement au sec, bricolages en tout genre, plantations, élagage… C’est selon l’humeur et le temps qu’il fait. Mais à trente degrés à l’ombre comme il y a dix jours, je rentre dans ma maison…

Cela me rappelle la vie en Bourgogne de Jean Laplanche, auteur avec Jean-Bertrand Pontalis du fameux Vocabulaire de la psychanalyse que j’ai eu longtemps comme livre de chevet. Il  travaillait le matin à ses livres et l’après midi, s’occupait de ses vignes. Cela parait en effet essentiel pour garder un bon équilibre mental et le soir venu, je fais une balade d’une petite heure dans les bois. Quand je m’en sentirai le courage, j’irai au cimetière qui est à une bonne demi-heure de marche, dire bonsoir à ma compagne Laurence Louppe. Dîner à 20h 30 puis de nouveau lecture et sommeil. Les journées paraissent souvent bien courtes quand il y a autant de choses à faire…

-Et que lisez-vous, qu’entendez-vous et que voyez-vous?

 -La médiathèque du village proche était évidemment  fermée mais nous avions déjà constitué depuis longtemps une bibliothèque assez fournie en romans de tout genre. Je lis un peu au hasard: Les Armes secrètes de Julio Cortazar, La Piste de sable d’Andrea Camilieri, Mémoires d’un vieux dégueulasse  de Charles Bukowski,. J’ai aussi essayé de lire Aracoeli d’Elsa Morante, l’épouse d’Alberto Moravia, mais le livre m’est tombé des mains. Et aussi quelques polars : David Goodis,  Patricia Mac Donald…  Je relis aussi de la poésie comme L’Homme approximatif de Tristan Tzara.Et le grand Thucydide dont le récit de la peste d’Athènes en ces temps de pandémie fait froid dans le dos.
Les livres de théâtre sont tous à Paris sauf le Dictionnaire encyclopédique du Théâtre de Michel Corvin et son seul voisin sur une étagère à portée de mains, Du Bon Usage, Grammaire française avec des remarques sur la langue d’aujurd’hui de Maurice Grévisse que je consulte souvent. Très peu de théâtre ici ici mais j’ai quand même ici celui d’Eschyle et je relis pour la n ième fois cette pièce fabuleuse que sont Les Perses avec cette dernière phrase du Roi Darios retournant dans son tombeau: “Et vous, vieillards, adieu, jouissez chaque jour des joies que la vie vous apporte car la richesse ne sert à rien chez les morts.” A méditer quand les copains de lycée comme Pierre Bénichou le mois dernier, quittent cette vallée de larmes…

Du côté radio: France-Inter mais qui m’a beaucoup déçu avec ses déprimants bilans quotidiens de morts dues au Corona, ses interviews, en permanence ou presque, de  tout ce que la France compte de médecins spécialistes mais aussi d’hommes politiques. Mais rien ou pas grand chose sur la situation en Afrique, et dans les autres pays européens, en particulier ceux de l’Est… Donc j’ai abandonné sauf pour Le Masque et la Plume et donc Le Jeu des mille euros Mais j’écoute souvent France-Musique et mes disques: en particulier la musique du XVII ème et XVIII ème siècles comme les fameuses Messe pour les paroisses et Messe pour les couvents de François Couperin, mais aussi Louis Marchand, Nicolas Clérambault et Nicolas de Grigny. Et aussi bien sûr, Jean-Sébastien Bach.

Mais je ne vois aucune captation de spectacles. C’est une  mauvaise copie de l’original et Walter Benjamin  l’avait déjà bien vu: une copie sortie de son contexte spatial n’a plus beaucoup de sens, sinon pour des chercheurs spécialisés. Et elle devient grâce à un écran de télévision, une sorte d’objet de communication pour les compagnies et les théâtres qui essayent à tout prix de garder le contact avec leur public c’est à dire leurs clients, au besoin même avec des contes. De toute façon, je n’ai pas d’écran de télévision… Sans doute me sens-je parfois un peu seul mais comme disait Goethe:  » Tant que nous pouvons garder la tête haute et tant que nous pouvons agir, il ne faut pas faiblir. »

-Paris vous manque?

-Pas vraiment, ici, on vit, on agit avec lenteur, en hiver comme en été surtout et cela fait du bien: j’y trouve une grande paix. On a du temps et je peux m’occuper davantage du Théâtre du Blog. Mais ma famille proche et mes amis me manquent beaucoup. Comme ma petite-fille n’a pas une passion pour le téléphone,  je ne l’entends pas souvent mais je me refuse à communiquer avec elle par textos, la manie de tous les adolescents! J’ai besoin d’entendre  sa voix mais bon.. Caen n’est pas dans le rayon des cent kms et de toute façon il y faut au moins huit heures de route!  Donc patientons… Je n’ai pu voir non plus ma belle-fille ni mon fils qui travaille en Norvège et qui était venu pour son anniversaire. Mais au moins, je lui téléphone par whatsap.

– Et les festivals comme, entre autres, celui d’Avignon, cela va vous manquer?

-Avignon: j’y suis allé pratiquement tous les ans depuis au moins quatre décennies: c’est une ville dont on ne se lasse pas mais je la préfère au printemps quand il y a peu de monde. J’avoue que je pourrai m’en passer cette année, tout comme le festival d’Aurillac. Tout a été dit ou presque sur cette situation inédite et je n’en rajouterai pas. Comme Jean-Pierre Han (voir l’entretien avec lui dans Le Théâtre du Blog), je reste assez pessimiste et ne crois guère à un bouleversement de la situation actuelle. Récemment  la grande Ariane Mnouchkine a eu des mots très durs pour le gouvernement actuel: difficile de croire aux effets de manches d’un Emmanuel Macron en chemise avec, à ses côtés, un Frank Riester en veste et prenant des notes comme un étudiant en licence! Malgré ses déclarations, on a l’impression que le Président ne s »intéresse  guère à la Culture…

Stanislas Nordey succèdera sans doute à Olivier Py à la direction du festival d’Avignon, et lui-même lui succèdera au Théâtre National de Strasbourg. Et après, cela changera quoi? Enfin cette épidémie permettra sans doute qu’il y ait une petite prise de conscience quant à la pagaille qui règne dans le milieu du spectacle, en particulier dans le off; cela dit comment revenir à un chiffre lus décent de de spectacles, au lieu des plus de 1.500 actuels. Faudra-t-il en arriver à verser une prime aux compagnies qui choisiraient plutôt de jouer dans un petit festival? Je ne crois guère, passé ces deux mois si particuliers, à une vraie solidarité professionnelle entre théâtres, producteurs, compagnies, artistes, techniciens comme le  voudrait le S. N. E.S.  Le syndicat du théâtre privé. De toute façon, il faudra une circulaire ministérielle précise quant aux mesures sanitaires à observer pour le public, les acteurs et les techniciens. Les théâtres privés et publics arriveront-ils élaborer de nouveaux programmes avec plusieurs représentations d’un spectacle dans la même journée? L’Etat ou les Régions accepteront-ils de subventionner les places obligatoirement laissées vides?  Et le public voudra-t-il revenir dans les petites salles comme dans les grandes? Autant de questions qu’il va falloir résoudre au plus vite… Les rassemblements de plus de dix personnes sont interdits dans l’espace public mais pas dans un jardin privé! Comprenne qui pourra…
Il y a malheureusement déjà eu et il y aura encore des dégâts collatéraux, subis entres autres, par les petites compagnies. Je pense aussi à nos amies les attaché(e)s de presse qui s’occupent d’elles et avec qui nous collaborons depuis tant d’années. Et qui ont été vite privées de contrats..

-Voilà, du Vignal, êtes-vous satisfait par mes réponses?

-Vous semblez un peu pessimiste mais bon, on a été ravi d’avoir de vos nouvelles…

 Entretien de Philippe du Vignal réalisé par Philippe du Vignal


Archive pour 12 mai, 2020

Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés (suite)

Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés ( suite)

 

Béatrice Picon-Vallin, directrice de recherches au C.N.R.S.

 -Comment avez-vous vécu cette période?

- Quand les mesures sanitaires ont été votées, je devais aller au G.I..T.I.S. à Moscou, faire un séminaire sur le Théâtre du Soleil qui, bien entendu a dû être annulé;  donc je  suis restée à la campagne où j’ étais pour quelques jours, avant le départ pour la Russie. J’ai du mal à me concentrer sur mon travail, mes projets de livres; le jardinage m’occupe beaucoup et je me trouve privilégiée de vivre cette période dans un très petit village.  IMG_9175Je n’ai pas envie de lire des romans (une exception pour l’étonnant récit documentaire Les Services compétents de Iegor Gran, un écrivain français, fils d’Andreï Siniavski, le dissident soviétique. Mais je lis beaucoup les journaux , les posts sur Internet, les articles qu’on me fait suivre. Je suis effarée par les mensonges de l’Etat, notamment sur les masques. Tout le monde prend la parole, les tuyaux d’information sont tous engorgés de choses contradictoires, proférées par de soi-disant experts… si bien qu’on ne sait pas à qui s’en remettre. Parfois il vaudrait mieux se taire.

-Et Paris vous manque?

-Non, mais  curieusement, l’opéra oui: j’ai une envie folle d’y aller, alors que je n’y vais pas tellement, peut-être parce que  ce sera l’art  le plus difficile à remettre «  en route ». Mes amis aussi me manquent mais on se téléphone beaucoup. Je regarde des captations: j’attends celle  du Bal masqué  de Lermontov, mise en scène d’Anatoli Vassiliev à la Comédie-Française en 1992, mais surtout les bonnes séries à la télévision comme Le Bureau des Légendes, 

Le Bureau des légendes

Le Bureau des légendes

La Casa de papel, The Crown… Cela m’apprend que l’écriture théâtrale au lieu d’être  souvent solitaire pourrait aussi se faire à plusieurs et avoir la même exigence que celle de ces séries.

-Et l’annulation prévue du festival d’Avignon mais aussi des autres festivals d’été?

- Bien sûr, on n’a pas à être content ou pas. Tous les projets en cours sont perturbés par cette pandémie. Pour certains  festivals,  cette pause peut être bénéfique si elle ne prive pas les artistes et techniciens de leur salaire,  elle peut inciter à prendre un nouveau départ, à renoncer à être une foire aux spectacles.

- Alors comment voyez-vous les prochains mois?

- Je n’ai aucune parole d »expert ». Juste des idées qui viennent: intensifier le programme Recherche destiné aux artistes lancé l’an dernier par  le Ministère de la Culture  et lui donner plus de transparence.  Accorder des bourses pour inciter les dramaturges à travailler ensemble dans des laboratoires virtuels (par Zoom et autres).  Multiplions au cœur de nos territoires comme on dit aujourd’hui, les lieux magiques, utiles et poétiques comme la Maison Jacques Copeau, lieu de transformation des artistes et du public, lieu de pédagogie. Il faudrait  d’abord penser en termes de  » maintenant » et non en termes d’ «après».  Il me semble qu’il faudrait  arrêter cette course incessante à la production de spectacles qui seront joués x dates et faire en sorte que le public de théâtre se renouvelle.

Des artistes pensent à revoir leur pratique comme  Cyril Teste qui, avec son équipe, prépare au Monfort une autre façon de travailler en respectant un protocole sanitaire contraignant. Un projet avec des spectateurs invités à participer à des processus renouvelés. Le travail à distance avec des artistes confinés (France-Culture) donne des idées pour du théâtre à la radio. Plutôt que de penser «  innovation» , il me semble qu’il faut valoriser le travail, l’élaboration et faire durer les créations, les faire évoluer avec le public de chaque représentation ( Meyerhold disait que la première était en fait la première répétition avec le public et que le spectacle avait pris sa forme à la centième…). Je me tais. Tout va être difficile, le théâtre va redevenir nécessaire.

 Edith Rappoport, critique de théâtre

-Vous êtes confinée du côté de Montbéliard?

-Oui, et j’en ai un peu assez mais bon, je suis dans notre maison avec mon mari Jacques Livchine dont le Théâtre de l’Unité est installé à Audincourt et je suis tout de même mieux que si j’avais dû rester à Malakoff où j’habite. C’est un petit village tout près de la frontière de la Suisse. 280px-Villars-lès-BlamontNous y allons parfois acheter des beedies et du chocolat. Je jardine un peu  et côté travail intellectuel, je passe beaucoup de temps à établir un registre des spectacles que j’ai vus depuis 2017. Avec des souvenirs très inégaux. Et la mémoire parfois joue des tours… Mais restent assez intacts des moments d’anciens spectacles-culte comme Electre de Sophocle ou Le Soulier de satin de Paul Claudel dans les mises en scène d’Antoine Vitez, le célèbre Orlando Furioso de Luca Ronconi joué aux anciennes halles Baltard à Paris, et bien sûr, La  Cuisine d’Arnold Wesker, 1789 et 1793 : trois spectacles mis en scène par Ariane Mnouchkine pour le Théâtre du Soleil.  Mais c’était au minimum, il y déjà  plus de trente ans, voire plus de cinquante comme Orlando

-Et à part cela, vous voyez des captations? Vous lisez?

-Oui , je viens de finir Katiba de Jean-Christophe Rufin, (Flammarion) un bon roman où quatre touristes occidentaux ont été assassinés au Sahara par al-Qaida. Cette tragédie met en alerte les services de renseignements des Etats-Unis, des Emirats  et de France. Nous regardons aussi les captations de quelques spectacles. Et nous nous baladons une heure par jour en forêt avec le grand chien de Jacques, chien-bouvier-bernoisun merveilleux bouvier bernois doux et plein de tendresse.. Mais nous ne voyons guère  personne dans ce tout petit village.

- Et l’avenir?

-Comme tout le monde, je ne suis pas rassurée quant à celui des compagnies de spectacle… Ainsi notre fils Christophe Rappoport qui dirige la fanfare des Grooms a vu tous  leurs contrats annulés. Et cela ne vous surprendra pas, comme de nombreux professionnels, je pense qu’il va falloir revenir à des réalisations plus modestes. En particulier, au festival d’Avignon où, comme vous le dénonciez il y a peu, tout est devenu monstrueux dans le in comme dans le off:  les compagnies sont les victimes de la surenchère économique qu’on a laissé se créer au fil du temps.

L’an dernier, c’était la première que je n’y allais pas depuis 1966 Je me souviens : j’écrivais à l’époque pour France Nouvelle, l’hebdomadaire du comité central du Parti Communiste et j’avais interviewé Jean Vilar… Finalement avec ce maudit corona, cela tombe bien, je n’avais pas du tout envie d’aller  non plus cette année à Avignon…

- Vous semblez regretter les festivals d’antan?

- Sans doute, comme ceux de Chalon-sur-Saône ou Aurillac, ils me paraissaient être plus à taille humaine, que ces grands rassemblements  qui ne font plus vraiment sens… et où personne ni les metteurs en scène ni le public ne trouvent son compte.

Philippe du Vignal, critique dramatique et rédacteur en chef du Théâtre du Blog

 

Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés

-Et vous, Philippe du Vignal, où êtes-vous passé?

– J’étais allé le 14 mars près de Clermont-Ferrand voir une adaptation de L’Odyssée par la compagnie Caracole.  Représentation dans une grande salle municipale sous forme de cabaret avec petites tables pour environ soixante spectateurs.  Donc autorisée. Aucun masque, juste des flacons de gel un peu partout mais repas entre les deux parties du spectacle sans aucune distance sociale… C’était donc il y a très longtemps! Sur mon téléphone portable, après la représentation, un message de notre ami Jean Couturier, critique de danse mais aussi médecin et donc très bien informé qui m’intimait l’ordre absolu de ne pas bouger de chez moi. Mais comme je n’étais pas chez moi et que le lendemain dimanche, il n’y avait pas de train tout de suite pour revenir à Paris. Et que tous les cafés de Clermont  étaient déjà interdits d’accès, je suis allé me réfugier dans mon hameau pour quelques jours mais ensuite la décision de confinement a été prise. Et depuis deux mois, ce qui ne m’était jamais arrivé, du moins au printemps, je suis toujours là…

-Et votre  vie, seul dans un hameau du Cantal?

-Aucune différence ou si peu avec l’existence habituelle, le hameau

Photo André Malbert

Photo André Malbert

est situé à 8 kms du village le plus proche et on ne voit donc pas grand monde. Y habitant seulement mon voisin et son amie,  neufs  poules, trois coqs et dix canards, un chien et le facteur qui vient porter le quotidien La Montagne et parfois une lettre ou deux. Mais il y a la vallée ensoleillée du Lot avec plein de cerisiers en fleurs, les prairies vertes,  les vaches et parfois un chevreuil qui traverse le chemin… Et  arrivent régulièrement offerts par mon voisin une salade, une boîte d’œufs du jour, du cresson sauvage et des blettes du jardin d’une fraîcheur exceptionnelle et hier, un gros cèpe…

Un jeune musicien bordelais réfugié avec son groupe dans un autre hameau proche, prend soin de moi et me ravitaille de quelques produits tous les dix jours. Mais comme je ne mange plus de viande,  pour le reste, j’ai tout ce qu’il faut dans un congélateur. Et j’ai aussi des bocaux de compote de pommes, faits de mes blanches mains ces dernières années. Bien content de les retrouver… Cela ne change donc rien à ma vie habituelle depuis plus de quarante ans dans ce hameau retiré du monde. Seule différence: impossible de voir les ami(e)s proches, marseillais ou parisiens: ils n’ont pu venir ou sont plus loin qu’à 1 km à vol d’oiseau! Mais bon, heureusement le téléphone existe… 


- Et vos journées se passent comment là-bas?

- Je mène une existence assez monacale et d’un rythme régulier.  Et je suis sorti deux fois en deux mois du hameau pour une course urgente. Il y a ici un grand silence seulement troublé par les chants des coqs et comme d’habitude, je me lève à 6 h 30, ouvre les volets en faisant quelques exercices de respiration, puis je m’offre un bon petit déjeuner. Et ensuite, je regarde les messages mais surtout les articles que la plupart des collaborateurs du Théâtre du Blog envoient régulièrement. Et je les mets aussitôt en ligne. Qu’il en soient remerciés: grâce à eux, l’activité de notre magazine n’a pas cessé: il y a eu cinquante deux articles et la fréquentation en avril  a même été supérieure à celle du mois de juillet 2019 !  A midi et demi après avoir écouté Le Jeu des mille euros avec Nicolas Stoufflet sur France-Inter (oui, j’aime retrouver la France des villages.. mais je gagne rarement le super banco!). Puis déjeuner frugal, lecture et repos d’une heure. Ensuite chaulage de murs ou  réfection de terrasses et murs de pierres sèches, tronçonnage de bois pour l’hiver  et rangement au sec, bricolages en tout genre, plantations, élagage… C’est selon l’humeur et le temps qu’il fait. Mais à trente degrés à l’ombre comme il y a dix jours, je rentre dans ma maison…

Cela me rappelle la vie en Bourgogne de Jean Laplanche, auteur avec Jean-Bertrand Pontalis du fameux Vocabulaire de la psychanalyse que j’ai eu longtemps comme livre de chevet. Il  travaillait le matin à ses livres et l’après midi, s’occupait de ses vignes. Cela parait en effet essentiel pour garder un bon équilibre mental et le soir venu, je fais une balade d’une petite heure dans les bois. Quand je m’en sentirai le courage, j’irai au cimetière qui est à une bonne demi-heure de marche, dire bonsoir à ma compagne Laurence Louppe. Dîner à 20h 30 puis de nouveau lecture et sommeil. Les journées paraissent souvent bien courtes quand il y a autant de choses à faire…

-Et que lisez-vous, qu’entendez-vous et que voyez-vous?

 -La médiathèque du village proche était évidemment  fermée mais nous avions déjà constitué depuis longtemps une bibliothèque assez fournie en romans de tout genre. Je lis un peu au hasard: Les Armes secrètes de Julio Cortazar, La Piste de sable d’Andrea Camilieri, Mémoires d’un vieux dégueulasse  de Charles Bukowski,. J’ai aussi essayé de lire Aracoeli d’Elsa Morante, l’épouse d’Alberto Moravia, mais le livre m’est tombé des mains. Et aussi quelques polars : David Goodis,  Patricia Mac Donald…  Je relis aussi de la poésie comme L’Homme approximatif de Tristan Tzara.Et le grand Thucydide dont le récit de la peste d’Athènes en ces temps de pandémie fait froid dans le dos.
Les livres de théâtre sont tous à Paris sauf le Dictionnaire encyclopédique du Théâtre de Michel Corvin et son seul voisin sur une étagère à portée de mains, Du Bon Usage, Grammaire française avec des remarques sur la langue d’aujurd’hui de Maurice Grévisse que je consulte souvent. Très peu de théâtre ici ici mais j’ai quand même ici celui d’Eschyle et je relis pour la n ième fois cette pièce fabuleuse que sont Les Perses avec cette dernière phrase du Roi Darios retournant dans son tombeau: “Et vous, vieillards, adieu, jouissez chaque jour des joies que la vie vous apporte car la richesse ne sert à rien chez les morts.” A méditer quand les copains de lycée comme Pierre Bénichou le mois dernier, quittent cette vallée de larmes…

Du côté radio: France-Inter mais qui m’a beaucoup déçu avec ses déprimants bilans quotidiens de morts dues au Corona, ses interviews, en permanence ou presque, de  tout ce que la France compte de médecins spécialistes mais aussi d’hommes politiques. Mais rien ou pas grand chose sur la situation en Afrique, et dans les autres pays européens, en particulier ceux de l’Est… Donc j’ai abandonné sauf pour Le Masque et la Plume et donc Le Jeu des mille euros Mais j’écoute souvent France-Musique et mes disques: en particulier la musique du XVII ème et XVIII ème siècles comme les fameuses Messe pour les paroisses et Messe pour les couvents de François Couperin, mais aussi Louis Marchand, Nicolas Clérambault et Nicolas de Grigny. Et aussi bien sûr, Jean-Sébastien Bach.

Mais je ne vois aucune captation de spectacles. C’est une  mauvaise copie de l’original et Walter Benjamin  l’avait déjà bien vu: une copie sortie de son contexte spatial n’a plus beaucoup de sens, sinon pour des chercheurs spécialisés. Et elle devient grâce à un écran de télévision, une sorte d’objet de communication pour les compagnies et les théâtres qui essayent à tout prix de garder le contact avec leur public c’est à dire leurs clients, au besoin même avec des contes. De toute façon, je n’ai pas d’écran de télévision… Sans doute me sens-je parfois un peu seul mais comme disait Goethe:  » Tant que nous pouvons garder la tête haute et tant que nous pouvons agir, il ne faut pas faiblir. »

-Paris vous manque?

-Pas vraiment, ici, on vit, on agit avec lenteur, en hiver comme en été surtout et cela fait du bien: j’y trouve une grande paix. On a du temps et je peux m’occuper davantage du Théâtre du Blog. Mais ma famille proche et mes amis me manquent beaucoup. Comme ma petite-fille n’a pas une passion pour le téléphone,  je ne l’entends pas souvent mais je me refuse à communiquer avec elle par textos, la manie de tous les adolescents! J’ai besoin d’entendre  sa voix mais bon.. Caen n’est pas dans le rayon des cent kms et de toute façon il y faut au moins huit heures de route!  Donc patientons… Je n’ai pu voir non plus ma belle-fille ni mon fils qui travaille en Norvège et qui était venu pour son anniversaire. Mais au moins, je lui téléphone par whatsap.

– Et les festivals comme, entre autres, celui d’Avignon, cela va vous manquer?

-Avignon: j’y suis allé pratiquement tous les ans depuis au moins quatre décennies: c’est une ville dont on ne se lasse pas mais je la préfère au printemps quand il y a peu de monde. J’avoue que je pourrai m’en passer cette année, tout comme le festival d’Aurillac. Tout a été dit ou presque sur cette situation inédite et je n’en rajouterai pas. Comme Jean-Pierre Han (voir l’entretien avec lui dans Le Théâtre du Blog), je reste assez pessimiste et ne crois guère à un bouleversement de la situation actuelle. Récemment  la grande Ariane Mnouchkine a eu des mots très durs pour le gouvernement actuel: difficile de croire aux effets de manches d’un Emmanuel Macron en chemise avec, à ses côtés, un Frank Riester en veste et prenant des notes comme un étudiant en licence! Malgré ses déclarations, on a l’impression que le Président ne s »intéresse  guère à la Culture…

Stanislas Nordey succèdera sans doute à Olivier Py à la direction du festival d’Avignon, et lui-même lui succèdera au Théâtre National de Strasbourg. Et après, cela changera quoi? Enfin cette épidémie permettra sans doute qu’il y ait une petite prise de conscience quant à la pagaille qui règne dans le milieu du spectacle, en particulier dans le off; cela dit comment revenir à un chiffre lus décent de de spectacles, au lieu des plus de 1.500 actuels. Faudra-t-il en arriver à verser une prime aux compagnies qui choisiraient plutôt de jouer dans un petit festival? Je ne crois guère, passé ces deux mois si particuliers, à une vraie solidarité professionnelle entre théâtres, producteurs, compagnies, artistes, techniciens comme le  voudrait le S. N. E.S.  Le syndicat du théâtre privé. De toute façon, il faudra une circulaire ministérielle précise quant aux mesures sanitaires à observer pour le public, les acteurs et les techniciens. Les théâtres privés et publics arriveront-ils élaborer de nouveaux programmes avec plusieurs représentations d’un spectacle dans la même journée? L’Etat ou les Régions accepteront-ils de subventionner les places obligatoirement laissées vides?  Et le public voudra-t-il revenir dans les petites salles comme dans les grandes? Autant de questions qu’il va falloir résoudre au plus vite… Les rassemblements de plus de dix personnes sont interdits dans l’espace public mais pas dans un jardin privé! Comprenne qui pourra…
Il y a malheureusement déjà eu et il y aura encore des dégâts collatéraux, subis entres autres, par les petites compagnies. Je pense aussi à nos amies les attaché(e)s de presse qui s’occupent d’elles et avec qui nous collaborons depuis tant d’années. Et qui ont été vite privées de contrats..

-Voilà, du Vignal, êtes-vous satisfait par mes réponses?

-Vous semblez un peu pessimiste mais bon, on a été ravi d’avoir de vos nouvelles…

 Entretien de Philippe du Vignal réalisé par Philippe du Vignal

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