Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés (suite)

Les déconfinés du Théâtre du Blog parlent aux déconfinés (suite)

Véronique Hotte, critique dramatique et enseignante

 -Qu’avez-vous fait pendant ces deux mois où le temps s’est comme arrêté et que faites-vous en ce moment?

- Je continue à enseigner comme tous les professeurs grâce à Internet à mes élèves de 4 ème et 3 ème du collège Gustave Flaubert dans le XIII ème à Paris. Mais c’est plus difficile qu’avec des lycéens. Ils sont habitués à manipuler leurs téléphones portables  mais ils  maîtrisent moins bien l’ordinateur.  Comme ils n’en ont pas tous, le collège leur a prêté des tablettes. Nous continuons donc à travailler sur le programme de langue française. 

Mais l’Atelier-Théâtre avec des intervenants du Théâtre de la Cité Universitaire: Alexandre Zeff qui va y mettre en scène une adaptation de Tropiques de la violence, un roman sur la jeunesse de Mayotte toujours en confinement un thème socio-économique sensible,  de Natacha Appanah. Les comédiens intervenants Assane Timbo et Julien Cheminade ne peuvent plus faire travailler les élèves pour le moment, peut-être en juin…

-Et à part cela vous lisez beaucoup comme la plupart d’entre nous?

-Oui, bien sûr d’abord Femmes et littérature, une Histoire culturelle des femmes, un panorama quasiment complet des œuvres de femmes du Moyen-Âge, au XXI ème siècle en France et dans les pays francophones.  Et aussi La Cheffe, roman d’une cuisinière de Marie N’Diaye.  Mais je lis peu de théâtre… Plutôt des pièces comme celles d’Ivan Viripaev, certaines de Michel Vinaver ou de Joël Pommerat que je connaissais  moins bien. Et Scènes de lecture de Saint-Augustin à Proust, une anthologie qui regroupe cent  textes illustrant les différentes manières de lire, c’est-à-dire les rapports à l’objet-livre.

-Et les captations que tous les théâtres veulent sans cesse nous refiler?

-Désolée mais je n’y trouve pas mon compte, quelque soit par ailleurs leur qualité… J’ai ainsi vu Roméo et Juliette de Shakespeare dans la mise en scène d’Eric Ruf ou Brand d’Ibsen dans celle de Stéphane Braunschweig. Mais bon, ce n’est jamais du spectacle vivant. Y manque ce regard immédiat sur le monde, ce filtre toujours étonnant de l »ici et maintenant » sur les problèmes éternels que nous offre un texte de théâtre, qu’il ait été écrit il y a  plusieurs siècles ou très récemment, avec cette référence et cette sensibilité à l’existence qui nous sont si précieuses!

 Mais je préfère regarder d’anciens films sur Henri, le site de la Cinémathèque française comme La Chute de la maison Usher ou La Glace à trois faces d’après Paul Morand de Jean Epstein. Ou encore La Belle Noiseuse.

Photo X

La Belle Noiseuse Photo X

 Ou Ne touchez pas la hache d’après La Duchesse de Langeais de Jacques Rivette et  Feu Matthias Pascal d’après Pirandello de Marcel L’Herbier…

-Et la question qui taraude tous les professionnels: le festival d’Avignon et les autres?

-C’est vraiment triste qu’il n’ait pas lieu et celui d’Avignon me manquera. Qu’on le veuille ou non, c’est un bon baromètre du théâtre en France. Quant à cette Semaine d’art prévue pour le remplacer en novembre, il y manquera une dimension. Une chose est sûre: on était arrivé dans le off à une limite dans  la démesure et la prolifération. Et il faut réfléchir à ce que peut être l’avenir du In et privilégier une dimension populaire et non plus l’entre-soi comme ces dernières années… Cela dit, je n’ai pas assez d’éléments pour en parler. Ceux qui ont les cartes en main, doivent prendre les bonnes décisions et on regrette que Macron ne soit pas vraiment proche de la Culture.

– Vous vous voyez comme critique, faire une rentrée théâtrale comme d’habitude?

 -Non, bien entendu. Je crains que le public n’ait guère envie d’aller dans les salles, même en respectant les fameux gestes-barrières. Que ce soit celles des théâtres ou des cinémas. Les professionnels du spectacle semblent actuellement marcher sur des œufs et on les comprend. Quant aux élèves ils retrouveront le chemin des collèges comme des lycées et reprendront les cours mais seront-il autorisés à  fréquenter en groupe les théâtres? Bref, je suis comme tout le monde: en attente…

 Entretien réalisé par Philippe du Vignal

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Archive pour 15 mai, 2020

La Franc-Comtoise de rue

La Franc-Comtoise de rue

Plusieurs compagnies de Franche-Comté se sont réunies aux bords du Doubs pour établir un acte radical et poétique de résistance: La Conjuration de Granvelle établie entre autres par le Théâtre de l’Unité, le Pudding Théâtre,

Le Pudding Théâtre  Photo X

Le Pudding Théâtre
Photo X

Le Tricyclique Dol, Muche Muche, A demain j’espère, Sirious Compagnie et les Urbaindigènes, Artimium 360.

Pour Christophe Chatelain, acteur et « metteur en rue » :« Tout le monde trouve des façons de résister, le monde change. Il faut profiter de ce moment pour rassembler les intermittents de Franche-Comté, amener de la poésie et de la beauté. Il faut convoquer tout le monde pour s’emparer à nouveau du dehors et sortir notre épingle du jeu maintenant. Macron a proposé des répétitions publiques… Avec Les Quatre Saisons de Pina Bausch (son fils a donné son accord pour les droits de diffusion)  on pourrait faire dans Besançon, une grande marche dont  le final aurait lieu place de la Révolution. Il faut favoriser les énergies locales mais aussi établir un dialogue sans passer par des revendications. Personne ne peut faire de programmation. Comment imaginer le monde d’après avec les artistes ? »

Hervée de Lafond, co-directrice du Théâtre de l’Unité, suggère la présence de trois cent personnes en blanc place de la République: chacun pourrait dessiner un rond au blanc d’Espagne et un coryphée lancerait des textes sur la marche de Pina Bausch avec des gestes simples. Il faut retrouver le sacré des rituels, le passage à l’âge adulte pour dire au revoir. Ce serait un autodafé des autorisations de déplacement. Il faudrait travailler la nuit, chercher des lieux symboliques. On pourrait faire trente groupes, en deux temps et un final avec des gestes simples. »

« Que tous les théâtres nationaux découvrent le théâtre de rue ! Montrer qu’on est ensemble, faire le récit du confinement, afficher sur un mur la liste des spectacles qui n’ont pas pu se jouer. On pourrait réunir les troupes amateurs pour occuper l’espace de façon esthétique. Le monde déprime, on pourrait faire un truc glauque. Nous avons été bloqués par des contradictions: nous ne savions pas où et quand on pourrait jouer. On a dû ainsi annuler des représentations à Besançon. Il faut aussi trouver des graffeurs comme le Gentil Godjo, travailler de nuit, trouver des lieux symboliques. Et ce serait bien que les directeurs de tous les théâtres nationaux découvrent enfin le théâtre de rue,  que l’on montre qu’on est ensemble. Mais aussi  faire le récit du confinement, afficher sur un mur le nombre et le titre des spectacles qui n’ont pas pu se jouer, organiser des foires au troc et vide-greniers artistiques

Vide-grenier artistique à Paris

Vide-grenier artistique à Paris

dans le villages, réunir des troupes d’amateurs, occuper l’espace de façon esthétique. Bloqués par des contradictions: nous ne savions  pas où et quand on pourrait jouer, on a dû annuler des représentations et manquer à des gens. Quel est le rôle de l’artiste ? Nous avons tous besoin de transformations, de joie, de passeurs. La Culture officielle nous méprise, mais pas le peuple. Il faut être dans la rue, donner quelque chose, sinon on mourra à petit feu. Il faut dépasser le truc autocentré car la dépression économique va nous tomber dessus. »

« On nous dit qu’on ne peut pas être beaucoup en groupe et ça nous fait envie. Il faudrait des pancartes avec des phrases qu’on aura récoltées… Paul joue dans des maisons de retraites. Il est perdu et ça lui donne une envie de transgression pour faire un geste commun.  Le confinement, c’est fini mais on préfère le confinement à la vraie vie… Ils ont foutu le théâtre dans un état de léthargie. On peut être sûr que le théâtre ment aux gens mais on peut donner aussi autre chose que le sourire et la fête. Comme les infirmiers et les éboueurs, on joue notre rôle. »

Il faut être trois se répartir le boulot. Hervée de Lafond se propose d’aller draguer les Scènes Nationales et s’occuper du scénario. Stéphanie Ruffier, elle, prendra contact avec les journalistes pour que soit connu cet acte de résistance poétique et radical. Nous devons faire reconnaître les forces vives de Franche-Comté. Une réunion aura lieu au Centre Dramatique National de Franche-Comté pour préparer un événement le mardi 26 mai à 18 h  et organiser cette conjuration de Granvelle..

Edith Rappoport.

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