La Franc-Comtoise de rue
La Franc-Comtoise de rue
Plusieurs compagnies de Franche-Comté se sont réunies aux bords du Doubs pour établir un acte radical et poétique de résistance: La Conjuration de Granvelle établie entre autres par le Théâtre de l’Unité, le Pudding Théâtre,
Le Tricyclique Dol, Muche Muche, A demain j’espère, Sirious Compagnie et les Urbaindigènes, Artimium 360.
Pour Christophe Chatelain, acteur et « metteur en rue » :« Tout le monde trouve des façons de résister, le monde change. Il faut profiter de ce moment pour rassembler les intermittents de Franche-Comté, amener de la poésie et de la beauté. Il faut convoquer tout le monde pour s’emparer à nouveau du dehors et sortir notre épingle du jeu maintenant. Macron a proposé des répétitions publiques… Avec Les Quatre Saisons de Pina Bausch (son fils a donné son accord pour les droits de diffusion) on pourrait faire dans Besançon, une grande marche dont le final aurait lieu place de la Révolution. Il faut favoriser les énergies locales mais aussi établir un dialogue sans passer par des revendications. Personne ne peut faire de programmation. Comment imaginer le monde d’après avec les artistes ? »
Hervée de Lafond, co-directrice du Théâtre de l’Unité, suggère la présence de trois cent personnes en blanc place de la République: chacun pourrait dessiner un rond au blanc d’Espagne et un coryphée lancerait des textes sur la marche de Pina Bausch avec des gestes simples. Il faut retrouver le sacré des rituels, le passage à l’âge adulte pour dire au revoir. Ce serait un autodafé des autorisations de déplacement. Il faudrait travailler la nuit, chercher des lieux symboliques. On pourrait faire trente groupes, en deux temps et un final avec des gestes simples. »
« Que tous les théâtres nationaux découvrent le théâtre de rue ! Montrer qu’on est ensemble, faire le récit du confinement, afficher sur un mur la liste des spectacles qui n’ont pas pu se jouer. On pourrait réunir les troupes amateurs pour occuper l’espace de façon esthétique. Le monde déprime, on pourrait faire un truc glauque. Nous avons été bloqués par des contradictions: nous ne savions pas où et quand on pourrait jouer. On a dû ainsi annuler des représentations à Besançon. Il faut aussi trouver des graffeurs comme le Gentil Godjo, travailler de nuit, trouver des lieux symboliques. Et ce serait bien que les directeurs de tous les théâtres nationaux découvrent enfin le théâtre de rue, que l’on montre qu’on est ensemble. Mais aussi faire le récit du confinement, afficher sur un mur le nombre et le titre des spectacles qui n’ont pas pu se jouer, organiser des foires au troc et vide-greniers artistiques
dans le villages, réunir des troupes d’amateurs, occuper l’espace de façon esthétique. Bloqués par des contradictions: nous ne savions pas où et quand on pourrait jouer, on a dû annuler des représentations et manquer à des gens. Quel est le rôle de l’artiste ? Nous avons tous besoin de transformations, de joie, de passeurs. La Culture officielle nous méprise, mais pas le peuple. Il faut être dans la rue, donner quelque chose, sinon on mourra à petit feu. Il faut dépasser le truc autocentré car la dépression économique va nous tomber dessus. »
« On nous dit qu’on ne peut pas être beaucoup en groupe et ça nous fait envie. Il faudrait des pancartes avec des phrases qu’on aura récoltées… Paul joue dans des maisons de retraites. Il est perdu et ça lui donne une envie de transgression pour faire un geste commun. Le confinement, c’est fini mais on préfère le confinement à la vraie vie… Ils ont foutu le théâtre dans un état de léthargie. On peut être sûr que le théâtre ment aux gens mais on peut donner aussi autre chose que le sourire et la fête. Comme les infirmiers et les éboueurs, on joue notre rôle. »
Il faut être trois se répartir le boulot. Hervée de Lafond se propose d’aller draguer les Scènes Nationales et s’occuper du scénario. Stéphanie Ruffier, elle, prendra contact avec les journalistes pour que soit connu cet acte de résistance poétique et radical. Nous devons faire reconnaître les forces vives de Franche-Comté. Une réunion aura lieu au Centre Dramatique National de Franche-Comté pour préparer un événement le mardi 26 mai à 18 h et organiser cette conjuration de Granvelle..
Edith Rappoport.