Des appels en tout genre…
Cela bouge un peu partout en France dans le domaine du spectacle sévèrement touché par cette crise sanitaire sans précédent, même si notre pays (mais nous avons la mémoire courte!) a déjà connu la grippe asiatique -environ 25.000 morts en 57-58 . De cette mobilisation qui a parfois des airs joyeux de mai 68, naîtra sans doute une autre façon de concevoir le spectacle. Et les artistes comme les lieux de spectacle subissent ou vont subir dans les semaines à venir une diminution drastique de leur activité et de leurs finances.
Tous les grands festivals sont annulés: on attend des nouvelles de celui d’Aurillac mais on voit mal comment, dans cette petite ville charmante mais aux rues étroites, la Préfecture donnerait l’autorisation au public et aux artistes le droit de se rassembler, de manger le plus souvent dans de petits cafés ou restaurants, de dormir dans des tentes serrées les unes contre les autres dans des campings officiels ou sauvages. Et on voit mal aussi comment la S.N.C.F arriverait à gérer avec les mesures-barrière actuelles, cette augmentation annuelle de voyageurs souvent venus de toute la France à la fin du mois d’août… Bref, c’est une politique locale sur le plan socio-économique que, comme ailleurs, la ville d’Aurillac et le département du Cantal devront sans doute revoir… Comme à Avignon, cette petite semaine est d’un apport financier non négligeable pour toute l’agglomération.
Mais, et cela quelle que soient les dispositions finales prises par le Gouvernement pour cet été, les festivals et le théâtre français dans son ensemble, qu’il soit en plein air ou dans les salles, vont devoir évoluer très vite. Les jeunes gens, récemment sortis des écoles ou plus âgés, inventeront d’autres formes artistiques avec, on l’espère peut-être plus de solidarité dans le milieu du spectacle… Le plus souvent inspirées du théâtre de rue dont le Théâtre de l’Unité aura été le précurseur il y a déjà une cinquantaine d’années. Par exemple, Léna Bréban mettra en scène un cabaret devant des E.P.H.A.D., un spectacle produit par L’Espace des arts-Scène Nationale de Chalon-sur-Saône.
Et il y a de nombreux appels collectifs comme celui, entre autres de la Coordination des Intermittents et précaires et celui né en Occitanie avec un texte rédigé en commun le 27 avril et déjà signé par quelque 900 structures de production, diffusion, formation, insertion professionnelle, compagnies, artistes et techniciens indépendants, présents sur l’ensemble du territoire occitan pour la refondation d’une politique publique de la Culture.
Philippe du Vignal
Une action ce 1er mai
La Coordination des Intermittents et Précaires propose une vidéo avec des intermittents du spectacle mais aussi de l’hôtellerie et de la restauration, tous condamnés à la pauvreté. « Les mesures d’urgence que nous réclamons, disent-ils, ne sont pas discutables mais vitales. »

https://youtu.be/EX1aI8ElliA
Page Facebook “Luttons pour ne pas mourir” :
https://www.facebook.com/LPPM2/
Appel collectif en Occitanie, pour la refondation d’une politique publique de la culture
»À l’heure où, dans notre région comme partout, la crise sanitaire révèle les limites d’un modèle marchand appliqué à tous les secteurs d’activité, cet appel émanant d’acteurs et d’actrices de la culture en Occitanie, n’a pas pour but de réclamer sa part dans les décisions à venir, mais de prendre part aux réflexions collectives qui s’imposent. (…)
« Mais depuis une dizaine d’années, la promotion progressive et agressive d’une logique de rentabilité, rongeant l’ensemble des politiques publiques, ne s’est pas arrêtée davantage aux portes des salles de spectacles qu’à celles des hôpitaux, des écoles, des exploitations agricoles ou des transports. Il nous paraît donc moins digne aujourd’hui de défendre la sauvegarde de cette exception que de travailler, avec d’autres, à transformer la règle commune.
La raison artistique, comme les autres (médicales, éducatives, agricoles…) a sa singulière nécessité. Elle crée, à travers ses pièces, ses musiques, ses danses, ses images, ses ateliers, des formes où se travaillent nos sensibilités, où se réfléchissent nos histoires, où se questionnent nos contradictions, où se pensent nos expériences collectives. C’est là sa fonction, qui n’est ni strictement utilitaire ni de pur divertissement. Nous demandons que ces raisons soient remises au centre, car ce sont elles qui nourrissent nos pratiques, et non leur attractivité touristique, leur supplément d’âme ou leur indice de performance. (…)
On parle beaucoup, ces temps-ci, du Conseil National de la Résistance et, en termes de politiques culturelles, on revient aux aventures fondatrices de la décentralisation. Dans les deux cas, il y eut moins d’union que de combats pour que les politiques publiques d’un pays se tiennent à la hauteur d’une histoire inédite, à l’écoute de l’intérêt général. Le temps ne connaît pas la marche arrière et l’Age d’or n’a jamais existé. Mais nous avons sous les yeux un âge de fer, et nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins.
Va-t-on encore une fois, dans cette période de crise, procéder à une austérité sélective, se soumettre à l’impératif de la croissance à retrouver, et sacrifier à l’urgence du moment des pans entiers des politiques publiques ? (…)
Mais cela ne se fera pas sans une volonté politique qui affirme son soutien sans faille et pérenne aux missions publiques de la culture. Cela nécessitera de nouveaux moyens, laissés au soin de ceux qui, depuis des années, déploient une expérience de leurs métiers et de leur art. Pour ce secteur, comme pour les autres, il faudra bien se décider à inverser la maxime productiviste. »
#urgenceculture
#refondationculture
#culturepublique
Des Etats généraux pour le off d’Avignon?
Cela bouge aussi de ce côté-là! L’AAFA, (Actrices et Acteurs de France Associés), les E.A.T. (Écrivains Associés du Théâtre), les Sentinelles, une fédération de compagnies professionnelles, le SYNAVI (Syndicat National des Arts Vivants) ont appelé à la réunion d’Etats généraux du off d’Avignon menacé à l’horizon même 2021. Les compagnies sont déjà exsangues: incapables de payer les salaires, rembourser des emprunts et sans véritable perspective d’avenir. Comme Alain Timar, le directeur du Théâtre des Halles à Avignon l’a bien vu (voir Le Théâtre du Blog), il y aura un avant et un après cette crise. Et les festivals off et in d’Avignon mais aussi les autres devront trouver un nouveau modèle socio-économique… A quelque chose, malheur est bon et cette crise sanitaire aura été au moins le révélateur efficace… d’une dérégulation qui ne pouvait perdurer très longtemps. Certes la Ville d’Avignon comme le département du Vaucluse en auront profité mais c’est maintenant au Ministère de la Culture de jouer son rôle et de proposer des solutions au lieu d’être aux abonnés absents…
Philippe du Vignal
« Ce festival creuse sa propre tombe. Soumettre le travail des compagnies à la loi de l’offre et de la demande engendre trop d’inégalités et trop d’incertitudes, de tout ordre. Il pousse à prendre des risques démesurés, accentués par la pression croissante d’une bulle immobilière incontrôlée qu’il contribue à développer. La course au profit fait s’envoler tous les prix des locations des théâtres, logements, matériel technique, prix des places, alimentation, transports, ne cessent d’augmenter, mettant en péril d’effondrement le fragile édifice. »

Photo X
« Comment se fait-il qu’aucune mutualisation des pertes ET des profits n’ait été mise en place ?Comment se fait-il que nombre d’artistes, de techniciens, de saisonniers et d’emplois précaires ne soient pas, ou soient si mal rémunérés ? Nous appelons à des États Généraux du Festival Off d’Avignon qui auront pour but d’interroger le modèle économique du off et de proposer des mesures concrètes pour le faire évoluer. Les idées ne manquent pas. (…)
Nous appelons l’ensemble des organisations impliquées dans le festival à nous rejoindre Adami, Sacd, Spedidam, Audiens, Congés Spectacle, A.F.D.A.A.S… les partenaires sociaux: syndicats, fédérations, organisations professionnelles, associations de commerçants, etc. Nous appelons les programmateurs et les réseaux de diffusion à nous rejoindre et la direction du In à nous rejoindre. Nous appelons les pouvoirs publics (Mairie, Conseil Général, Conseil Régional, Préfecture, D.R.A.C., Direccte, Ministère de la Culture, Ministère de l’Education Nationale, etc.) à soutenir ces Etats Généraux et à y participer.
Nous invitons l’association Avignon Festival et Compagnies à s’impliquer pleinement dans l’organisation de ces Etats Généraux, avec impartialité et dans la concertation, comme elle en a démontré la volonté depuis quelques mois. Le festival off n’appartient à personne, il nous appartient à tous. C’est tous ensemble que nous inventerons un festival plus juste, plus fraternel et, dans le même temps, faisons en le pari, un festival encore plus créatif et plus beau. »