Au Théâtre national de Strasbourg, la saison d’après le covid 19

TNS Visuel de saison 20-21 avec Marie NDiaye par Jean-Louis Fernandez

Marie Ndaye © Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre national de Strasbourg, la saison d’après le covid 19

en visio-conférence avec Stanislas Nordey

« On redémarre en se disant : les artistes, on est toujours là, on a des choses à dire et on va les dire. » Stanislas Nordey a présenté sa prochaine saison qui sera pour lui l’avant-dernière au T.N.S. Il précise que rien n’est encore gagné : « On est encore dans le combat, pour que le milieu culturel ne soit pas oublié. On continue à être vigilant sur la question de l’année blanche. Pour nous, l’essentiel a été de protéger les artistes et les techniciens en assurant leurs cachets, même pour ceux qui n’avaient pas encore signé leur contrat.  Nous avons aussi aidé des auteurs en passant commande de douze textes, pour les acteurs du Groupe 45 de l’Ecole. »

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Avec l’interruption de l’une des plus belles saisons en termes de fréquentation et compte-tenu des frais induits, le coût de cette crise s’élève à 400.000 euros. Mais  l’été au T.N.S. sera « apprenant et culturel », comme l’a suggéré Emmanuel Macron. Malgré les polémiques et l’indignation soulevées par la proposition présidentielle, Stanislas Nordey l’envisage comme un moyen de « faire revivre le théâtre et de donner du travail aux artistes qui ont besoin de bosser, avec des choses que l’on fait déjà. On a construit un projet de médiation culturelle avec les spectateurs qui ne partent pas en vacances. On n’allait pas cracher sur ces crédits ! On aura besoin de renforcer l’équipe et ce sera des salaires en plus pour des artistes et des techniciens ». Avec un budget prévisionnel de l’ordre de 300.000 euros, dont il espère obtenir au moins la moitié en subsides supplémentaires, c’est le seul Théâtre National à avoir postulé à ce dispositif, alors que de nombreuses compagnies l’ont fait. Les arbitrages seront rendus rapidement, paraît-il…

 L’équipe, en télétravail, a pu construire un programme de substitution pendant le confinement : Le T.N.S. chez vous*, sur le site du théâtre où les artistes ont réalisé des lectures en ligne. Il a fallu, en même temps, sauver les créations engagées sur la prochaine saison, tout en reportant celles en cours de production. La continuité pédagogique de l’Ecole a aussi été assurée ainsi que le recrutement de la nouvelle promotion d’élèves. Quant au spectacle du groupe 45, Dekalog, il devait se jouer au festival de Montpellier mais il verra le jour en février 2021. Pour leur sortie d’école, Julien Gosselin a adapté le scénario des dix films de Krzysztof Kieslowski portant sur les Dix Commandements, sans se référer aux films : « J’ai abordé le Dekalog comme une œuvre littéraire, à partir du texte publié aux éditions Ballan » dit le metteur en scène, artiste associé au T.N.S.

 Au théâtre, les répétitions ont repris depuis le 16 mai, aménagées en suivant les consignes sanitaires, ce qui s’avère compliqué: le premier protocole de 43 pages était « consternant et inapplicable ».  Les théâtres, publics et privés ont pris rendez-vous avec le ministre de la Culture pour que les jauges soient ouvertes plus largement après l’été : « On demande qu’on nous fasse confiance, qu’on nous traite comme des responsables : on sait gérer le public, une file d’attente … L’essentiel, dit Stanislas Nordey, est que le public se sente en sécurité . »

 La saison 2020-2021 s’annonce avec neuf créations dont trois reportées à cause du Covid, et cinq productions maison. Un programme résolument contemporain  à l’exception de quatre propositions originales autour de Racine. Mithridate, par Eric Vigner avec Stanislas Nordey dans le rôle-titre, un Andromaque à l’infini, à la sauce Gwenaël Morin qui devait être créé au festival d’Avignon avec une distribution de jeunes sortis du programme de formation Ier Acte (des acteurs issus de la “diversité“ ). Bajazet en considérant le théâtre et la peste d’après Antonin Artaud et Racine, mise en scène de Frank Castorf,  Phèdre! du Suisse François  Gremaud, succès d’Avignon  2019 (voir Le Théâtre du Blog). Et aussi  Antigone de Sophocle, mise en scène par Jean-Pierre Vincent. 

Seront notamment accueillis Sœurs de Pascal Rambert et Les Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de la route départementale de Peter Handke par Alain Françon  et Nickel de Mathilde Delahaye et Pauline Haudepin, mise en scène de Mathilde Delahaye  (voir Le Théâtre du Blog).

Les autrices seront en première ligne avec sept titres au programme : « J’ai décidé, jusqu’à la fin de mon mandat, annonce Stanislas Nordey, de ne monter que des autrices. Il faut faire bouger les choses, leur donner leur place sur les grands plateaux. » Il mettra en scène Berlin mon Garçon, une commande à propos du jihad, qu’il avait passée à Marie Ndiaye, artiste associée au T.N.S. et qui sera aussi présente avec Les Serpents dans la mise en scène de Jacques Vincey. Et réalisera Au bord de Claudine Galéa (Grand Prix de littérature dramatique 2011)  avec Cécile Brune, tout juste remerciée par la Comédie-Française ! L’écrivaine fera l’objet d’un focus dans le prochain numéro de la revue Parages. On découvrira aussi Superstructure de Sonia Chiambretto, mise en scène d’Hubert Colas et Le Père de Stéphanie Chaillou, d’après L’homme Incertain, adapté par Julien Gosselin. Enfin, Mauvaise d’une dramaturge anglaise, Debbie Tucker Green, qui cartonne outre Manche…

 En marge de cette programmation, et en parallèle, L’Autre Saison initiée il y a quatre ans, se poursuit. Elle présente gratuitement spectacles, lectures, rencontres thématiques, performances, débats et travaux de l’école… « Le TNS s’engage sur plusieurs fronts : la parité, avec des Etats généraux proposés à l’ensemble de la profession ;  le développement durable avec un événement ressemblant artistes, climatologues, sociologues et des commandes sur la question passées à six autrices; la diversité, au cours d’une soirée qui mettra en exergue toutes les initiatives menées au T.N.S. ; le handicap …

 Pour conclure, à la question de son rapport avec le politique, le directeur répond : « Quand on est un Théâtre National, on a un lien plus fort avec les politiques, On les a interpellés.  La seule question : protéger les intermittents. On n’a pas encore de détail sur un éventuel plan de relance. Dans six mois, on verra ce qui se passe.

Ce qui l’a le plus frappé, déstabilisé, dans cette crise ? « C’est notre regard sur tous les petits métiers invisibles, au théâtre.  Par exemple, le bureau de la responsable de l’entretien du bâtiment est au sous-sol ! Et plus largement, la question de l’invisibilité dans notre société. » « Il y a aussi le fait de devoir programmer très à l’avance, cette rigidité : actuellement, on est obligé, pour des questions budgétaires, de prévoir deux ou trois saisons en amont, :  les coproducteurs sont plus difficiles à convaincre surtout pour le répertoire contemporain …  Il y a aussi, avec la multiplication des spectacle proposés en vidéo pendant le confinement et la crainte que le virtuel ne prenne le pas sur le spectacle vivant. Qu’on pense qu’une bonne captation le remplace… ça m’a fait peur, tout comme le mot “présentiel“.»

Une “présentation digitale de la saison“ sera proposée au public le 12 juin à 19 h, en attendant son ouverture en musique, dès septembre avec le festival Musica, où Joris Lacoste livrera Suite no 4 le dernier opus de son  Encyclopédie de la parole (en cours depuis 2007, voir Le Théâtre du Blog )

 Mireille Davidovici

 #TNSChezVous

Théâtre national de Strasbourg, 1 Avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg. T. : 03 88 24 88 00. www.tns.fr


Archive pour 6 juin, 2020

Au Théâtre national de Strasbourg, la saison d’après le covid 19

TNS Visuel de saison 20-21 avec Marie NDiaye par Jean-Louis Fernandez

Marie Ndaye © Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre national de Strasbourg, la saison d’après le covid 19

en visio-conférence avec Stanislas Nordey

« On redémarre en se disant : les artistes, on est toujours là, on a des choses à dire et on va les dire. » Stanislas Nordey a présenté sa prochaine saison qui sera pour lui l’avant-dernière au T.N.S. Il précise que rien n’est encore gagné : « On est encore dans le combat, pour que le milieu culturel ne soit pas oublié. On continue à être vigilant sur la question de l’année blanche. Pour nous, l’essentiel a été de protéger les artistes et les techniciens en assurant leurs cachets, même pour ceux qui n’avaient pas encore signé leur contrat.  Nous avons aussi aidé des auteurs en passant commande de douze textes, pour les acteurs du Groupe 45 de l’Ecole. »

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Avec l’interruption de l’une des plus belles saisons en termes de fréquentation et compte-tenu des frais induits, le coût de cette crise s’élève à 400.000 euros. Mais  l’été au T.N.S. sera « apprenant et culturel », comme l’a suggéré Emmanuel Macron. Malgré les polémiques et l’indignation soulevées par la proposition présidentielle, Stanislas Nordey l’envisage comme un moyen de « faire revivre le théâtre et de donner du travail aux artistes qui ont besoin de bosser, avec des choses que l’on fait déjà. On a construit un projet de médiation culturelle avec les spectateurs qui ne partent pas en vacances. On n’allait pas cracher sur ces crédits ! On aura besoin de renforcer l’équipe et ce sera des salaires en plus pour des artistes et des techniciens ». Avec un budget prévisionnel de l’ordre de 300.000 euros, dont il espère obtenir au moins la moitié en subsides supplémentaires, c’est le seul Théâtre National à avoir postulé à ce dispositif, alors que de nombreuses compagnies l’ont fait. Les arbitrages seront rendus rapidement, paraît-il…

 L’équipe, en télétravail, a pu construire un programme de substitution pendant le confinement : Le T.N.S. chez vous*, sur le site du théâtre où les artistes ont réalisé des lectures en ligne. Il a fallu, en même temps, sauver les créations engagées sur la prochaine saison, tout en reportant celles en cours de production. La continuité pédagogique de l’Ecole a aussi été assurée ainsi que le recrutement de la nouvelle promotion d’élèves. Quant au spectacle du groupe 45, Dekalog, il devait se jouer au festival de Montpellier mais il verra le jour en février 2021. Pour leur sortie d’école, Julien Gosselin a adapté le scénario des dix films de Krzysztof Kieslowski portant sur les Dix Commandements, sans se référer aux films : « J’ai abordé le Dekalog comme une œuvre littéraire, à partir du texte publié aux éditions Ballan » dit le metteur en scène, artiste associé au T.N.S.

 Au théâtre, les répétitions ont repris depuis le 16 mai, aménagées en suivant les consignes sanitaires, ce qui s’avère compliqué: le premier protocole de 43 pages était « consternant et inapplicable ».  Les théâtres, publics et privés ont pris rendez-vous avec le ministre de la Culture pour que les jauges soient ouvertes plus largement après l’été : « On demande qu’on nous fasse confiance, qu’on nous traite comme des responsables : on sait gérer le public, une file d’attente … L’essentiel, dit Stanislas Nordey, est que le public se sente en sécurité . »

 La saison 2020-2021 s’annonce avec neuf créations dont trois reportées à cause du Covid, et cinq productions maison. Un programme résolument contemporain  à l’exception de quatre propositions originales autour de Racine. Mithridate, par Eric Vigner avec Stanislas Nordey dans le rôle-titre, un Andromaque à l’infini, à la sauce Gwenaël Morin qui devait être créé au festival d’Avignon avec une distribution de jeunes sortis du programme de formation Ier Acte (des acteurs issus de la “diversité“ ). Bajazet en considérant le théâtre et la peste d’après Antonin Artaud et Racine, mise en scène de Frank Castorf,  Phèdre! du Suisse François  Gremaud, succès d’Avignon  2019 (voir Le Théâtre du Blog). Et aussi  Antigone de Sophocle, mise en scène par Jean-Pierre Vincent. 

Seront notamment accueillis Sœurs de Pascal Rambert et Les Innocents, Moi et l’Inconnue au bord de la route départementale de Peter Handke par Alain Françon  et Nickel de Mathilde Delahaye et Pauline Haudepin, mise en scène de Mathilde Delahaye  (voir Le Théâtre du Blog).

Les autrices seront en première ligne avec sept titres au programme : « J’ai décidé, jusqu’à la fin de mon mandat, annonce Stanislas Nordey, de ne monter que des autrices. Il faut faire bouger les choses, leur donner leur place sur les grands plateaux. » Il mettra en scène Berlin mon Garçon, une commande à propos du jihad, qu’il avait passée à Marie Ndiaye, artiste associée au T.N.S. et qui sera aussi présente avec Les Serpents dans la mise en scène de Jacques Vincey. Et réalisera Au bord de Claudine Galéa (Grand Prix de littérature dramatique 2011)  avec Cécile Brune, tout juste remerciée par la Comédie-Française ! L’écrivaine fera l’objet d’un focus dans le prochain numéro de la revue Parages. On découvrira aussi Superstructure de Sonia Chiambretto, mise en scène d’Hubert Colas et Le Père de Stéphanie Chaillou, d’après L’homme Incertain, adapté par Julien Gosselin. Enfin, Mauvaise d’une dramaturge anglaise, Debbie Tucker Green, qui cartonne outre Manche…

 En marge de cette programmation, et en parallèle, L’Autre Saison initiée il y a quatre ans, se poursuit. Elle présente gratuitement spectacles, lectures, rencontres thématiques, performances, débats et travaux de l’école… « Le TNS s’engage sur plusieurs fronts : la parité, avec des Etats généraux proposés à l’ensemble de la profession ;  le développement durable avec un événement ressemblant artistes, climatologues, sociologues et des commandes sur la question passées à six autrices; la diversité, au cours d’une soirée qui mettra en exergue toutes les initiatives menées au T.N.S. ; le handicap …

 Pour conclure, à la question de son rapport avec le politique, le directeur répond : « Quand on est un Théâtre National, on a un lien plus fort avec les politiques, On les a interpellés.  La seule question : protéger les intermittents. On n’a pas encore de détail sur un éventuel plan de relance. Dans six mois, on verra ce qui se passe.

Ce qui l’a le plus frappé, déstabilisé, dans cette crise ? « C’est notre regard sur tous les petits métiers invisibles, au théâtre.  Par exemple, le bureau de la responsable de l’entretien du bâtiment est au sous-sol ! Et plus largement, la question de l’invisibilité dans notre société. » « Il y a aussi le fait de devoir programmer très à l’avance, cette rigidité : actuellement, on est obligé, pour des questions budgétaires, de prévoir deux ou trois saisons en amont, :  les coproducteurs sont plus difficiles à convaincre surtout pour le répertoire contemporain …  Il y a aussi, avec la multiplication des spectacle proposés en vidéo pendant le confinement et la crainte que le virtuel ne prenne le pas sur le spectacle vivant. Qu’on pense qu’une bonne captation le remplace… ça m’a fait peur, tout comme le mot “présentiel“.»

Une “présentation digitale de la saison“ sera proposée au public le 12 juin à 19 h, en attendant son ouverture en musique, dès septembre avec le festival Musica, où Joris Lacoste livrera Suite no 4 le dernier opus de son  Encyclopédie de la parole (en cours depuis 2007, voir Le Théâtre du Blog )

 Mireille Davidovici

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