Les Théâtres nationaux réouvrent leurs portes à Nice et à Lille
Les Théâtres nationaux réouvrent leurs portes à Nice et à Lille
Un secret de polichinelle : tous les théâtres veulent êtres novateurs en ces temps de crise aigüe… Soit pour le dire en bon français: garder des liens à tout prix avec son public, souvent pas très jeune et donc peu enclin à revenir dans des salles fermées, bien conscient qu’il est plus susceptible que les jeunes gens, de subir les foudres de la pandémie. Comme nous le rabâche France-Inter, plusieurs fois par jour: «Neuf personnes sur dix qui meurent du coronavirus, ont de plus soixante cinq ans… » Vous avez dit élégant et sympa?
Chaque lieu essaye donc de trouver une solution pour jouer à l’extérieur et répartir au mieux le public comme plus tard dans ses salles. Tout en gardant des finances équilibrées, même si les budgets des gros établissements restent importants.
Mais c’est le plus souvent la quadrature du cercle pour toutes les compagnies ou presque, en ces temps où de petites jauges sont obligatoires et elles proposent de petites formes, en général techniquement autonomes, qu’elles adaptent tant bien que mal au plein air. Les spectacles de rue, cours ou jardins que le milieu théâtral traditionnel apprécie généralement peu, semble tout d’un coup retrouver des vertus… Comme le remarquaient non sans ironie, Hervée de Lafond et Jacques Livchine, les codirecteurs du Théâtre de l’Unité depuis cinquante ans. D’où une véritable inflation de spectacles joués dehors sous une forme différente et à l’intention des personnes qui ne pouvaient jamais les voir faute de moyens et/ou à cause d’un handicap physique…
Ainsi un cabaret mis en scène par Léna Bréban qui, elle, a souvent travaillé avec le Théâtre de l’Unité, se joue actuellement devant les résidents des E.P.H.A.D. à Chalon-sur-Saône (voir Le Théâtre du Blog). Et le Théâtre d’Aix-en-Provence lui, ce qui n’est pas habituel, présente des opéras dans les quartiers défavorisés. Bref, des initiatives impensables encore il y a à peine un an… Bien entendu en plein air et gratuitement, et (merci M. Coronavirus !) pour la rentrée si tout va bien, ils proposent des offres tarifaires alléchantes. Le temps des grands réalisations très coûteuses en distribution et décors, avec des places à 30, voire 35 € dans les théâtre nationaux et au festival d’Avignon semble être révolu et il va falloir que les directeurs de ces lieux fassent un sérieux effort pour s’adapter à la crise socio-économique prévue par tous les spécialistes…
La nouvelle directrice du Théâtre National de Nice, Muriel Mayette-Holtz veut, elle mettre en valeur les textes, notamment ceux du répertoire méditerranéen : Espagne, Italie, Grèce, France… et elle a programmé Les Contes d’apéro, du 1er juillet au 22 août, tous les jours, au kiosque promenade du Paillon, une coulée verte avec quelque 1.600 arbres et 6.000 arbustes… Y seront proposés lectures, impromptus de théâtre et danse, intermèdes musicaux… Et un classique, Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, du 26 au 28 août, qu’elle a mis en scène.
Mais bon, l’été n’est pas éternel et de septembre à novembre, là aussi quand la pandémie aura on l’espère été maîtrisée, on retrouvera dans les salles du Théâtre de Nice, Les Parents Terribles de Jean Cocteau, une pièce rarement jouée dans la mise en scène de Christophe Perton. D’Édouard Signolet, auteur associé du Théâtre, seront créées La Bande-annonce Goldoni, et Petite Leçon de zoologie à l’usage des princesses, puis de nouveau Marivaux avec La Double Inconstance, mise en scène de Galin Stoev.
Et ensuite des spectacles bien rodés et la plupart d’auteurs reconnus, comme le merveilleux Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne (voir Le Théâtre du Blog) créé il y a trois ans à la Comédie-Française, adaptation et mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq,. Et un beau solo Les Élucubrations d’unhomme soudain frappé par la grâce d’ Édouard Baer, mise en scène d’Isabelle Nanty et Édouard Baer. Et en janvier, Chat en poche de Georges Feydeau, mise en scène de Muriel Mayette-Holtz.
Fable pour un adieu d’après La Petite Sirène de Hans-Christian Andersen, texte et mise en scène d’Emma Dante, La Maison de Bernarda Alba de Federico García Lorca, mise en scène d’Yves Beaunesne. Mais aussi et entre autres, Débrayage-L’Intérimaire de Rémi De Vos, Plus grand que moi , texte et mise en scène de Nathalie Fillion Une femme se déplace texte, mise en scène et musique deDavid Lescot. Kind [Enfant] Peeping Tom, conception et mise en scène de Gabriela Carrizo et Franck Chartier.
Puis, en février et les mois suivants, Je crois que dehors c’est le printemps de Concita De Gregorio, mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti et Gaia Saitta. La Chute des anges mise en scène et chorégraphie de Raphaëlle Boitel. Et Au Fil d’Œdipe et Une Antigone de papier par la compagnie des Anges au plafond. Mais aussi des chorégraphies comme Entrez dans la danse par le Ballet Nice-Méditerranée Puis Royan de Marie NDiaye mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, Électre des bas-fonds texte et mise en scène de Simon Abkarian.
Et un spectacle créé à l’Opéra-Comique à Paris et devenu rapidement culte : La Mouche d’après George Langelan, adaptation et mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq (voir Le Théâtre du Blog). Un Ennemi du peuple d’Henrik Ibsen, mise en scène Jean-François Sivadier. Alice au pays des merveilles d’après Lewis Carroll, livret et mise en scène d’Édouard Signolet.
Plusieurs spectacles de danse comme La Mégère apprivoisée par Les Ballets de Monte-Carlo, chorégraphie de Jean-Christophe Maillot. et enfin Feuilleton Goldoni, d’après la trilogie Les Aventures de Zelinda et Lindoro du célèber auteur italien, mise en scène Muriel Mayette-Holtz.
Soit une première programmation assez sage mais riche de 41 spectacles ! Surtout riche en pièces de grands auteurs classiques et contemporains mais il y aura aussi de la danse, des spectacles jeune public, marionnettes, musique… A suivre
Au Théâtre du Nord, à Lille
Le Théâtre du Nord ne rouvrira pas ses portes avant le 1er septembre et a dû abandonner l’idée d’une présentation de saison en juin comme chaque année. Il a choisi de la dévoiler virtuellement chaque lundi depuis le 8 juin, par groupes de cinq spectacles mais pas dans l’ordre chronologique et avec des pastilles vidéo réalisées avec les élèves de l’Ecole. Mais les réservations ne seront pas ouvertes avant le 1er septembre. Cette présentation pourra donner envie et aider les gens à, d’ores et déjà, se repérer dans ce qu’ils auront envie de voir. A la rentrée: Bijou bijou, te réveille pas surtout pour tout public à partir de neuf ans. Un titre emprunté à la chanson d’Alain Bashung (1985). Dans l’ivresse des applaudissements, un jeune homme tombe épuisé sur la scène et s’endort. Profitant de la capacité d’invention et d’illusion qu’offre l’espace du plateau, ses camarades acteurs vont le rejoindre dans la forêt inextricable du sommeil et l’accompagner dans ses songes, en prenant l’aspect de personnages inspirés du conte et du théâtre…
En décembre, La Réponse des hommes de Tiphaine Raffier. Dans cette pièce qui devait être créée au festival d’Avignon en trois heures quarante et librement inspirée des « œuvres de miséricorde » dans L’Evangile selon Saint-Matthieu: donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les pèlerins, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts, etc. En quinze chapitres de trois heures, l’autrice observe en plusieurs fragments narratifs les plis et replis de la morale et des gestes d’entraide dans nos sociétés contemporaines. « Mon prochain spectacle, dit Tiphaine Raffier, parlera de morale mais aussi de bonté. L’année dernière, alors que je regardais Le Décalogue réalisé par Kieslowski, j’ai pris connaissance des œuvres de Miséricorde dans l’Évangile de Saint-Matthieu. Un miroir inversé du Décalogue, autant de règles positives que le chrétien doit effectuer s’il veut racheter ses fautes.
Puis Kadoc de Rémi de Vos, un texte inégal et trop long mais dont est remarquable dans la seconde partie, mise en scène de Jean-Michel Ribes avec une belle distribution dont Marie-Armelle Deguy.
Et de Sara Stridsberg, Dissection d’une chute de neige, dans la mise en scène de Christophe Rauck avec entre autres les excellents Marie-Sophie Ferdane et Thierry Bosc, une pièce qui retrace le parcours de la reine Christine de Suède (1626-1689). Anticonformiste, passionnée d’art et de lettres, amie de Descartes…
À travers cette figure historique sulfureuse, l’auteure suédoise s’interroge sur domination et pouvoir féminin, passion et raison. « C’est une pièce magnifique qui donne la parole aux femmes et regarde le pouvoir et ses dérives, avec les yeux de celles qui, tout en étant prêtes à l’exercer, interrogent les limites de son autorité », dit Christophe Rauck qui avait déjà monté de cette auteure, La Faculté des rêves,
Et Le Jeu des Ombres de Valère Novarina, mise en scène de Jean Bellorini qui devait être programmé au festival d’Avignon. «Ce sera une plongée joyeuse, festive et profonde dans cette langue, charnue, organique, rythmique, musicale dialoguant avec les grands thèmes musicaux du célèbre Orfeo de Claudio Monteverdi. C’est l’Homme qui réenchante le monde, le transforme, l’émeut et le déplace. Il fait danser les arbres, pleurer les rochers, détourne le cours de fleuve par son chant. Il est l’Artiste, déchire le voile des conventions, des valeurs, des dogmes. Il fait descendre les regards jusqu’alors tournés vers le Ciel vers les êtres qui aiment, qui souffrent et qui meurent. C’est aussi l’Homme qui doute, qui pousse à questionner, à remettre en cause, à croire et ne plus croire. Le doute qui oblige au retournement, contraint à regarder en face, jusqu’à la disparition des illusions. Il s’agit de se confronter au monde tel qu’il est et d’être libre. Quoiqu’il en coûte. »
Le Théâtre du Nord: accueil@theatredunord.fr et T. : 03 20 14 24 24 les mardi et mercredi de 10h à 12h et les jeudi et vendredi de 14h à 16h.
Philippe du Vignal