Adieu Elisabeth Carrecchio

Adieu Elisabeth Carrecchio

Autoportrait d'Elisabeth Carrechio

Autoportrait d’Elisabeth Carrechio

Après le départ de Marcel Maréchal et de Martine Spangaro, décidément en juin la série noire n’en finit pas… Cette photographe de théâtre aura accompagné les spectacles entre autres des meilleurs metteurs en scène français et étrangers comme Bruno Boeglin, Patrice Chéreau, Jacques Lassalle, Luc Bondy, Georges Lavaudant, Régine Chopinot, Kristian Lupa, Michaël Thalheimer.  Mais aussi Stéphane Braunschweig, Bernard Sobel, Sylvain Maurice, Joël Pommerat et cela depuis une vingtaine d’années.

La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat  Photo X

La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat
Photo Elisabeth Carrechio

 

Elle a aussi travaillé notamment à partir de 1998 au Festival d’art lyrique d’Aix en Provence les mises en scène de Peter Brook, Klaus-Michael Grüber, et elle était la photographe des Théâtres Nationaux de Strasbourg, de la Colline et de l’Odéon…

  Et elle a été photo-journaliste pour la presse nationale et internationale avec de nombreux sujets à l’étranger : les travestis au Brésil ou à Naples, les adolescents gays sans-abri de Londres, les lesbiennes en Slovénie, les parents gay aux Etats Unis, la police muscovite. Une publication internationale de ses travaux par ONUSIDA, sur les militant(e)s d’Act-up aux Etats-Unis, est en cours.

On ne dira jamais assez que les meilleures traces que laissent les spectacles, par définition éphémères, sont des photos et celles d’Elisabeth Carrecchio étaient celles qui rendaient compte de la façon la plus juste des mises en scène du théâtre contemporain.

Philippe du Vignal


Archive pour 19 juin, 2020

La Maison des Pratiques Artistiques Amateurs déconfinée

La Maison des Pratiques Artistiques Amateurs déconfinée

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© X

«Le confinement fait sauter aux yeux comme une bombe la nécessaire  réunion des trois ingrédients du spectacle : le temps, le lieu, les autres »,  écrit Sonia Leplat, directrice de la M.P.A.A. qui rouvre les portes de ses cinq sites ( voir Le Théâtre du blog) après avoir annulé quarante-cinq dates. La Culture, c’est d’abord du lien entre les gens.» Elle considère comme un luxe de travailler avec des amateurs : sans problèmes financiers, il ne reste que « l’essence de pourquoi les gens se rassemblent. La vidéo, l’écriture, le dessin, la photographie, les visites virtuelles, les podcasts ont ouvert une fenêtre rassurante sur l’inépuisable créativité et l’insatiable curiosité mais, pour beaucoup d’entre nous, il manque l’essentiel : la présence physique. La notion de relation n’a jamais été aussi forte. On crée une manière de se relier  à l’autre, par l’objet artistique. »

 Vide, la Maison a cependant réussi à maintenir du lien à distance, en continuant autrement, grâce aux outils numériques. Les artistes sont en contact mais à distance avec les amateurs.  Et Frontière(s) ouvert in extremis le 29 février et prévu de mars à septembre, s’est transformé. Dans le cadre de ce  vaste projet mené dans l’Est parisien, Place de la Réplique, une de ses composantes, proposé en partenariat avec le Théâtre de la Colline et Association pour la Jeunesse et l’Education, a rassemblé de jeunes habitant·e·s de ces quartiers qui ont inventé et répété seuls chez eux des saynètes, sous la direction de Pier Lamandé, avant de restituer leurs travaux en juin lors d’un rendez-vous sur la plateforme Zoom.

Frontières chœur avec les doigts © Chloé Bonnard

Frontières, chœur avec les doigts © Chloé Bonnard

 Cette conférence par web a mobilisé deux cent cinquante spectateurs autour de quinze acteurs en jeu ! Dans ce spectacle en ligne, il fut beaucoup question de la situation des femmes : des textes ont été écrits, des clips tournés, des auteurs et autrices redécouverts : Simone de Beauvoir, Simone Veil, etc. Un nouveau rendez-vous est donné le 2 juillet avec Réplique#Essai 2 *.

« L’enfermement a rapproché les gens, dit Sonia Leplat. Il a été légitime d’écrire, oser s’enregistrer, publier sur Facebook ou Instagram… Si on leur  laisse le temps,  l’expression arrive. » Bon nombre d’éditeurs voient, eux aussi, que les claviers se sont activés, vu l’afflux considérable de textes reçus… Il y a eu aussi des initiatives collectives et la M.P.A.A. propose une « collecte des projets artistiques collectifs : soit des initiatives “vivantes“, d’un balcon à l’autre par exemple, soit des créations vidéo à distance… »

 Aujourd’hui, les espaces de la Maison sont à nouveau ouverts au public. Les deux cent cinquante compagnies amateurs qui devaient répéter de mars à juillet en ont été prévenues : «Il y a de l’envie et beaucoup ont déjà réservé pour septembre », dit Sonia Leplat. Les restrictions sanitaires n’empêchent rien car les salles de répétitions sont assez grandes. Mais les “ spectacles“  ne reprendront pas  comme avant . Comment intéresser, concerner, impliquer, toucher, celles et ceux qu’on appelle des publics ? Quel temps peut-on y mettre ? Quel prix a la présence d’un artiste sur un territoire ? Quelle reconnaissance pour les pratiques en amateur et quelle place ont-elles dans nos politiques culturelles ? »

Comme beaucoup,  la directrice estime donc que cette crise « a mis en exergue les failles de ces politiques: trop univoques, elles ne reflètent pas la diversité (…)  Soixante-dix ans après Malraux, le bilan de la Décentralisation est mitigé. Les théâtres n’ont pas su élargir leur public, dialoguer avec lui, travailler avec les bibliothèques. La Culture n’a pas mis frein à l’échec scolaire. Il faut se demander ce qu’on attend aujourd’hui des artistes et des responsables de lieux… Il va nous falloir inventer une manière de mener les politiques culturelles pour demain, questionner leurs limites, en formulant (enfin) nos ambitions. C’est un moment d’observation, il faut prendre le temps de réfléchir…

La petite ceinture dans le XX ème  Photo X

La petite ceinture dans le XX ème
Photo X

Ce sera aussi l’occasion de faire sortir de l’ombre, la pratique artistique amatrice qui, avant tout, a besoin de reconnaissance et de légitimité. Mais aussi de dialogue avec les structures professionnelles :  » est au cœur des questions de proximité, de circuits courts, de biens communs et offre une autre manière de faire exister l’espace public ». Et dans l’immédiat, l’objectif sera de  «ne pas reprendre la saison avec une overdose de spectacles.   (…)  Et nous allons certainement faire une programmation plus au dehors que dedans. Paris regorge de jardins, places, parcs ou promenades plantées. Il y aura des événements le long de la Petite Ceinture.»

 Entretien réalisé par Mireille Davidovici

 

Les rendez vous de la MPAA :Place de la Réplique, le 2 juillet : www. mpaa.fr

Collecte de projets artistiques : http://img-view.mailpro.com/clients/2014/07/10/63011/CP_MPAA_Collecte_Cre%CC%81ativite%CC%81_noir(1).pdf

 

 

L’Urgence des alliances (suite): Culture et Economie

L’Urgence des alliances (suite): Culture et Economie


Le Théâtre de la Ville  et Télérama poursuivent la tenue de tables rondes pour imaginer la Culture post-coronavirus et la faire rayonner à nouveau (voir Le Théâtre du Blog).  Yasmine Youssi, rédactrice en chef des pages Culture du magazine, anime cette rencontre, consacrée à l’épineuse et récurrente question économique. Chaque matin, sont examinées les conséquences de la pandémie, telles que les voit chacun des invités et chaque après midi, des propositions concrètes de leur part.

 Pour Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture de 2002 à 2004 qui avait fait voter une loi sur le mécénat « nous avons tous été atteints par un rétrécissement de l’horizon de nos existences. L’offre culturelle s’est effondrée mais ce fut une période d’intense réflexion».  Ancien directeur du Centre Georges Pompidou, il conseille actuellement François Pinault pour la création de ses musées et revient sur « la responsabilité de la puissance publique qui doit « tout faire pour ne pas laisser crever la Culture » et souligne que nous sommes dans une période « d’interrogation féconde ». «Vive la crise, dit  Françoise Benhamou, économiste des médias et de la Culture qui voit dans cette dernière « un aiguillon pour l’économie française, et dans le statut de l’intermittence, un modèle de salariat du futur. Pourtant, les tendances de ces dernières décennies : globalisation et montée de l’événementiel par la “festivalisation“, ont été mises à mal  et seul le numérique tire son épingle du jeu « pour le meilleur et pour le pire » : cela a permis, dit-elle, une incroyable créativité mais ne dégage pas de revenus pour les artistes.

Laurence Equilbey Photo X

Laurence Equilbey
Photo X

 Laurence Equilbey, l’une des (trop) rares cheffes d’orchestre à avoir une stature internationale, est associée à La Seine Musicale de Bologne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et à La Philarmonie de Paris. Elle voit l’opportunité d’ancrer davantage la musique dans le territoire  et pense que les tournées incessantes, devraient être « plus mesurées », vu la crise climatique et que « théâtre et musique ont besoin du vivant, devant du vivant.  « Le numérique ne peut les remplacer et remettons l’artistique et la transmission au cœur des structures culturelles. » Alors qu’en musique classique, les programmes sont bouclés trois, voire quatre ans à l’avance, elle voudrait plus de place pour l’inattendu…

 Un constat général : cette crise nous oblige à repenser globalement l’économie de la Culture. Jean-Jacques Aillagon voudrait que soit mis en place un nouveau pacte : « Il faut y mettre les moyens ! »  Et Daniel Cohen rappelle, en vidéo, que selon la loi de William Baumol, économiste américain (1922- 2017) les gains de productivité dans le domaine de la scène sont quasi inexistants et  que le facteur travail reste incompressible. Contrairement à l’industrie culturelle, en effet plus on exploite une pièce, une chorégraphie, etc. plus cela coûte cher. Il faut donc aider le spectacle vivant qui pendant la crise, est apparu « comme une composante indispensable de notre vie ».

 Et pour Mireille Bruyère, maître de conférences en économie à l’Université de Toulouse II et membre de l’association des Économistes atterrés : «Dans notre société productiviste, on a l’impression que la Culture est malade. Il ne s’agit pas de la faire entrer dans un modèle productiviste qui est une impasse écologique et démocratique. La trop grande rationalisation du travail de l’artiste comporte un risque de standardisation. La Culture pourrait sauver le modèle économique d’une impasse, comme l’agriculture: plus de gens dans les champs = meilleure qualité des produits. » Pour elle , « il faut donner du temps aux artistes pour la création et déployer au maximum, le système de l’intermittence. « 

 A contrario, François Benhamou suggère de limiter le nombre de productions et  d’en renforcer la diffusion. Elle n’y voit  pas de risque de standardisation. Le fossé qui existe entre l’offre à caractère inflationniste  et la maigre diffusion revient à un gaspillage économique et culturel, accentué par le régime de l’intermittence et le cahier des charges des établissements. Elle voudrait que les artistes circulent dans d’autres lieux comme les écoles et surtout  les Universités où « l’absence de culture est désolante ». Jean-Jacques Aillagon, lui,  pense qu’il faut produire beaucoup pour trouver des chefs-d’œuvre.

José Manuel Gonçalvès

José Manuel Gonçalvès

José Manuel Gonçalvès, directeur du Cent Quatre à Paris, propose de moraliser la création et la diffusion en mettant fin à l’exclusivité que les théâtres imposent aux pièces qu’ils produisent, en empêchant ainsi leur exploitation immédiate sur un même territoire : « Il faut que les œuvres tournent! » il observe depuis peu une tendance aux reprises, ce qui permet d’amortir un peu les investissements et de prolonger heureusement leur durée de vie, …

 Quant au mécénat, Jean-Jacques Aillagon souligne qu’il n’a pas vocation à se substituer à une action publique défaillante mais il faut prendre acte de son caractère incertain. Mais dans les grandes maisons, une grande partie des recettes provient de la billetterie. Et sans  des recettes  propres, elles risquent de s’effondrer. C’est le cas de l’Opéra de Paris, comme le rappelle Stéphane Lissner dans une interview qui nous est retransmise : « Cette tragédie nous révèle que le service public était en danger. Depuis 2017, le Pacte de stabilité, en limitant les dépenses, a touché la Culture et renforcé l’inégalité territoriale. Le financement n’est pas réfléchi et, à l’heure actuelle, le saupoudrage ne règle rien. On croit les grandes institutions plus fortes et plus solides : c’est le contraire : pour elles, l’autofinancement est supérieur au subventions publiques. L’Etat est devenu un actionnaire minoritaire. »

 Comme un leitmotiv, la question du numérique a influencé toute cette rencontre. Laurence Equilbey  réclame un «Valois du numérique» et  que les plateformes éditorialisées prévoient une juste rémunération des auteurs par les utilisateurs:« C’est incroyable que les plateformes ne respectent pas les droits d’auteur, dit Françoise Benhamou. Les grands gagnants du Covid auront été Netflix, Youtube. Il faut donc se mettre au travail d’urgence.  »

rebecca_zlotowski

Réebecca_zlotowski

La réalisatrice Rébecca Zlotowski, plus nuancée,  voit en Google et Netflix des alliés avec qui on pourrait négocier des rémunérations. Pour elle, il faut revaloriser le statut des producteurs  sur les plateformes pour lutter contre le libéralisme sauvage et revoir la  question de la diffusion des films qui ne peuvent actuellement pas sortir sur les chaînes  de télévision avant d’avoir été projetés en salle : «Pourquoi ne pas les mettre en ligne brièvement, en même temps que leur sortie dans les cinémas ? » 

 Ont été aussi évoqués sen filigrane les rapports Culture/Éducation auxquels sera consacrée  la dernière rencontre.  Et a été réclamée une nouvelle donne globale incluant fortement la question du numérique. Après André Malraux et Jack Lang, la rue de Valois a du pain sur la planche… Mais y aura-t-on la vision de ces anciens ministres ? La balle, pour l’instant, est dans le camp des artistes et de ceux qui les accompagnent. Tous s’interrogent et on espère qu’enfin on les entendra….

 Mireille Davidovici

 L’Urgence des alliances (suite): Culture et Economie a eu lieu au Théâtre de la Ville à l’Espace Cardin, avenue Gabriel, Paris (VIII ème)  le 18 juin.

Une synthèse de ces rencontres sera publié dans le numéro Télérama du 6 juillet 

Ces rencontres sont à voir en direct et en différé sur les sites  telerama.fr ; theatredelaville-paris.com, institutfrancais.com

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