La Maison des Pratiques Artistiques Amateurs déconfinée
La Maison des Pratiques Artistiques Amateurs déconfinée
«Le confinement fait sauter aux yeux comme une bombe la nécessaire réunion des trois ingrédients du spectacle : le temps, le lieu, les autres », écrit Sonia Leplat, directrice de la M.P.A.A. qui rouvre les portes de ses cinq sites ( voir Le Théâtre du blog) après avoir annulé quarante-cinq dates. La Culture, c’est d’abord du lien entre les gens.» Elle considère comme un luxe de travailler avec des amateurs : sans problèmes financiers, il ne reste que « l’essence de pourquoi les gens se rassemblent. La vidéo, l’écriture, le dessin, la photographie, les visites virtuelles, les podcasts ont ouvert une fenêtre rassurante sur l’inépuisable créativité et l’insatiable curiosité mais, pour beaucoup d’entre nous, il manque l’essentiel : la présence physique. La notion de relation n’a jamais été aussi forte. On crée une manière de se relier à l’autre, par l’objet artistique. »
Vide, la Maison a cependant réussi à maintenir du lien à distance, en continuant autrement, grâce aux outils numériques. Les artistes sont en contact mais à distance avec les amateurs. Et Frontière(s) ouvert in extremis le 29 février et prévu de mars à septembre, s’est transformé. Dans le cadre de ce vaste projet mené dans l’Est parisien, Place de la Réplique, une de ses composantes, proposé en partenariat avec le Théâtre de la Colline et Association pour la Jeunesse et l’Education, a rassemblé de jeunes habitant·e·s de ces quartiers qui ont inventé et répété seuls chez eux des saynètes, sous la direction de Pier Lamandé, avant de restituer leurs travaux en juin lors d’un rendez-vous sur la plateforme Zoom.
Cette conférence par web a mobilisé deux cent cinquante spectateurs autour de quinze acteurs en jeu ! Dans ce spectacle en ligne, il fut beaucoup question de la situation des femmes : des textes ont été écrits, des clips tournés, des auteurs et autrices redécouverts : Simone de Beauvoir, Simone Veil, etc. Un nouveau rendez-vous est donné le 2 juillet avec Réplique#Essai 2 *.
« L’enfermement a rapproché les gens, dit Sonia Leplat. Il a été légitime d’écrire, oser s’enregistrer, publier sur Facebook ou Instagram… Si on leur laisse le temps, l’expression arrive. » Bon nombre d’éditeurs voient, eux aussi, que les claviers se sont activés, vu l’afflux considérable de textes reçus… Il y a eu aussi des initiatives collectives et la M.P.A.A. propose une « collecte des projets artistiques collectifs : soit des initiatives “vivantes“, d’un balcon à l’autre par exemple, soit des créations vidéo à distance… »
Aujourd’hui, les espaces de la Maison sont à nouveau ouverts au public. Les deux cent cinquante compagnies amateurs qui devaient répéter de mars à juillet en ont été prévenues : «Il y a de l’envie et beaucoup ont déjà réservé pour septembre », dit Sonia Leplat. Les restrictions sanitaires n’empêchent rien car les salles de répétitions sont assez grandes. Mais les “ spectacles“ ne reprendront pas comme avant . Comment intéresser, concerner, impliquer, toucher, celles et ceux qu’on appelle des publics ? Quel temps peut-on y mettre ? Quel prix a la présence d’un artiste sur un territoire ? Quelle reconnaissance pour les pratiques en amateur et quelle place ont-elles dans nos politiques culturelles ? »
Comme beaucoup, la directrice estime donc que cette crise « a mis en exergue les failles de ces politiques: trop univoques, elles ne reflètent pas la diversité (…) Soixante-dix ans après Malraux, le bilan de la Décentralisation est mitigé. Les théâtres n’ont pas su élargir leur public, dialoguer avec lui, travailler avec les bibliothèques. La Culture n’a pas mis frein à l’échec scolaire. Il faut se demander ce qu’on attend aujourd’hui des artistes et des responsables de lieux… Il va nous falloir inventer une manière de mener les politiques culturelles pour demain, questionner leurs limites, en formulant (enfin) nos ambitions. C’est un moment d’observation, il faut prendre le temps de réfléchir…
Ce sera aussi l’occasion de faire sortir de l’ombre, la pratique artistique amatrice qui, avant tout, a besoin de reconnaissance et de légitimité. Mais aussi de dialogue avec les structures professionnelles : » est au cœur des questions de proximité, de circuits courts, de biens communs et offre une autre manière de faire exister l’espace public ». Et dans l’immédiat, l’objectif sera de «ne pas reprendre la saison avec une overdose de spectacles. (…) Et nous allons certainement faire une programmation plus au dehors que dedans. Paris regorge de jardins, places, parcs ou promenades plantées. Il y aura des événements le long de la Petite Ceinture.»
Entretien réalisé par Mireille Davidovici
Les rendez vous de la MPAA :Place de la Réplique, le 2 juillet : www. mpaa.fr
Collecte de projets artistiques : http://img-view.mailpro.com/clients/2014/07/10/63011/CP_MPAA_Collecte_Cre%CC%81ativite%CC%81_noir(1).pdf