Zakouski par le Théâtre de l’Unité (deuxième édition)

Zakouski par le Théâtre de l’Unité (deuxième édition)

Plus de kapouchnik cette saison! Ce cabaret mensuel, interrompu pour cause de pandémie, reprendra en octobre si tout va bien mais l’Unité a accueilli son public dans le jardin ensoleillé de sa Maison sur l’ancien site des usines Japy à Audincourt (Doubs). Six acteurs offrent de petits sandwichs, du thé ou du jus de gingembre. Puis ils se lavent les mains,  présentent leur généalogie et évoquent les annulations:  » Tout le monde est annulé ! On vit peu, mais on meurt longtemps ! »

Photo X

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On entend un extrait du Jules César de Haendel. Il faut trouver le mauvais karma : Seb Dec et Hervée de Lafond incarnent Emmanuel et Brigitte Macron… Eric Prévost interprète, lui, un Edouard Philippe parlant la dette de la France. Catherine Fornal, en s’accompagnant à la contrebasse, chante en polonais. Hervée de Lafond et Jacques Livchine jouent une scène du Dom Juan qu’ils avaient créé autrefois. Le 2 juin, réouverture des bars. Triomphe! On déboulonne les statues des ignobles esclavagistes et on débaptise les rues. Catherine Fornal incarne Adolf Hitler.. qui a eu un nom de rue un seul jour…

Puis il y a une scène avec le professeur Didier Raoult, infectiologue, interprétée par Jacques Livchine qui évoque François Quinette, son beau-frère  récemment décédé, auteur d’un dictionnaire français-russe, œuvre de toute une vie qui a été publié le jour de sa mort. Puis en vrac: un retour de Sibérie, il va faire chaud, ça va fondre:  il faut donc un confinement total et absolu…  Suit une scène d’Eugène Ionesco et un sketch où on voit Edouard Philippe faire à Emmanuel Macron le coup que ce dernier avait fait à François Hollande… Bien vu. Maria, la voisine de Catherine Fornal est morte et elle raconte son enterrement. Les acteurs parlent ensuite formation des policiers et étranglement. Ils chantent Je ne voudrais pas crever de Boris Vian, puis racontent l’épidémie de peste en Picardie dont mourra Charles II d’Orléans (1522- 1545) troisième fils de François Ier et de la reine Claude de France. Il pensait que la peste ne pouvait atteindre un fils de roi comme lui et n’avait pris aucune précaution…  Le spectacle se termine par une bataille d’oreillers comme celle à laquelle, quelques jours avant sa mort, Charles II se livra avec ses compagnons.

Puis, les spectateurs enthousiastes dégustent quelques délicieux zakouskis et parlent entre eux de cette chronique du temps présent, revue et corrigée parfois à la lumière du passé, avec une belle ironie…

Edith Rappoport

Spectacle vu le 21 juin au Théâtre de l’Unité, 9 allée de la Filature, Audincourt (Doubs). T.  : 03 81 34 49 20.
 www.theatredelunite.com

Les 8  et 9 août à Strasbourg Le Parlement de rue. Le 3 août : Nuit Unique à Quiberon.Le 24 août : Le Rappoporchestra jouera à un mariage dans le Var. Le 29  août : La Conjuration Acte 2 à  Chalain ( Jura).

Les 3 et 4 septembre : Macbeth à Saint-Genest Lherp ( Loire)  puis le 8 septembre, fête de rentrée à Epinal. Le 26 septembre : Reprise du  Kapouchnik  mensuel à Audincourt (sous réserve) et  le 29 septembre : 2500 à l’heure à Epinal.

Les 2 et 3 octobre : Nuit Unique à Calais (Nord). Le 24 octobre : Le Kapouchnik mensuel  à Audincourt

 Les 16 et 17 novembre, création à Epinal de La Toute première fois.

 

 


Archive pour 24 juin, 2020

« Au point du jour » : en ouverture du programme de l’été au Théâtre de la Colline

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© Tuong-Vi Nguyen

Au point du jour : en ouverture du programme de l’été au Théâtre de la Colline

 « Pourquoi ouvrir au moment où nous fermions ?  Hier, c’était la fin de Notre Innocence », dit Wajdi Mouawad, le directeur de la Colline. Ironie du sort: cette “innocence“, il a fallu y renoncer mais les jeunes comédiens qui devaient jouer ce spectacle jusqu’au 21 juin sont là, autour de leur auteur-metteur en scène sur le grand plateau vide.  « Ouvrir, dit-il, parce que c’est notre raison d’être. » (…) « Pour être dans le rapport au monde que la poésie peut apporter. » (…)  « Pour avoir accès au poème, de vivant à vivant. Nous ne savions plus qui nous étions, les uns pour les autres. »

 Moment émouvant que celui où spectateurs et comédiens dialoguent à nouveau. Ce besoin de renouer les liens sera l’occasion pour chacun de dire ce qu’il sent « à la croisée des chemins » et après cette situation traumatique. Pour Wajdi Mouawad, l’été s’ouvre sur l’aube d’un jour « qui brille encore par son absence » et il abordera deux thèmes : la jeunesse et la mort.  Afin de « renommer ensemble nos peurs et de trouver à nouveau le plus petit dénominateur commun à notre humanité. »

Il raconte le destin étrange de Notre Innocence (voir Le Théâtre du blog), remis plusieurs fois en scène et il dit pourquoi il n’a pu le montrer dans la version prévue : éloignée d’un théâtre narratif, le texte était trop en prise avec le monde précédant la covid. « S’attaquer à la génération d’avant nous semblait un peu vain, dit l’un des comédiens. » A la place et, par nature, « davantage attiré par la fiction que par un théâtre essayant de dire le monde d’aujourd’hui », Wajdi Mouawad a proposé à sa troupe de jouer Littoral, qu’il avait créé en 1997 à Montréal et qu’il a repris plusieurs fois en tournée. Une histoire qui met en scène la jeunesse et la mort : une fille cherche une sépulture pour son père : « Le rapport entre les générations et notamment la question du devoir de la plus jeune à l’égard de la plus ancienne sont prégnants dans le récit. Le parallèle est aujourd’hui troublant. »

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© Tuong-Vi Nguyen

 A la fin de Notre Innocence, une fillette demande aux protagonistes trentenaires d’être sublimes, afin de pouvoir prendre exemple sur eux. Wajdi Mouawad retourne la question à ses acteurs : « Ceux qui sont plus âgés que vous, ont-ils été exemplaires ? » Le silence qui s’éternise sur le plateau en dit long et déclenche les rires. Suit, entre comédiens et public, un échange d’opinions … pour arriver à un consensus de bon aloi. « Depuis toujours il a été demandé à chaque génération de s’interroger sur les grandes questions de notre existence » note le metteur en scène qui a donc entièrement réécrit le chœur de Notre Innocence à l’aune de la crise sanitaire. On en entendra la version antérieure, imprécation collective contre les soixante-huitards et la nouvelle versionque les jeunes gens viennent tout juste de mémoriser.  Le texte prend de la hauteur : un chœur d’oiseaux invective, à l’unisson, les humains. Une « race d’assassins » qui sème la mort : « On vous voit, de nos branches, de nos ciels … », vitupère la gente ailée. Les imprécations vengeresses de la troupe renvoient à l’écocide généralisé qui menace la Planète. On y retrouve le style enfiévré, la faconde poétique et le verbe ample de l’auteur. Soit la promesse d’un futur spectacle, « plein de bruit et fureur. »..

 « Il faut écouter la langue et entendre la colère à l’unisson du chœur », commente l’historien Patrick Boucheron, appelé sur scène et lui-même en grande colère contre l’Université. « La colère, ça se travaille, dit-il. C’est un sentiment souverain. L’ire royale.  S’en emparer, c’est s’en prendre au souverain. Avec une parole qui agit avec tact et véhémence.  Selon la formule consacrée : le peuple « grogne ». On parle de la grogne des grévistes. Mais la colère revient à affronter le réel. » Il conclut par cette phrase de l’écrivain russe Joseph Brodsky : « La véritable tragédie, ce n’est pas quand meurt le héros mais quand meurt le chœur.»

 Autre proposition de l’été : La parole nochère.

 « Le nocher, dit Wajdi Mouawad, est le navigateur qui, sur sa barque conduit un passager d’une rive à l’autre. Il est Charon, nocher de l’Hadès. Sa parole serait donc celle qui relie un monde à un autre et qui porte la mémoire de ceux et celles qui nous ont quittés. » En prolongation des Lectures au creux de l’oreille (voir Le Théâtre du blog),  les spectateurs sont invités à parler aux défunts. « En ces jours de glissement de terrain où le monde passe d’une rive à l’autre, c’est là une question qu’un théâtre doit se poser : comment parler de la mort en dehors des statistiques ? Comment aider à faire le deuil ? »

On peut donc venir à La Colline « secrètement rendre hommage aux disparus, s’adresser à eux dans la plus stricte intimité. Ces paroles, enregistrées sur  un disque dur seront enterrées au troisième sous-sol, sous la scène, « une présence radioactive au cœur du théâtre» et ne pourront être exhumées qu’à l’été 2520. Elles pourront aussi être dispersées, telles des cendres anonymes, depuis le toit du théâtre, lors d’une grande fête, après la levée des restrictions sanitaires.

Ceux qui le souhaitent offriront aussi ces paroles, au lieu de les disséminer, à la chorégraphe Kaori Ito pour nourrir sa prochaine création Chers dont la bande-son sera constituée de lettres adressées aux proches que l’on a perdus.  

Cette soirée chaleureuse illustre, s’il en était besoin, l’importance de la présence physique des vivants pour parler aux vivants. Et le plaisir d’être à nouveau ensemble pour écouter la parole des poètes…

 Mireille Davidovici

 Littoral du 7 au 18 juillet.  Répétitions ouverte  du 25 juin au 3 juillet sur réservation (quinze spectateurs par séance) La Colline 15, rue Malte Brun Pars 20e  billetterie@colline.fr T. : 01 44 62 52 52

La Parole nochère du 23 juin au 18 juillet en collaboration avec Kaori Ito  Johanne Peyras : j.peyras@colline.fr

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