Théâtres documentaires. Des scènes pour la santé et la recherche historique

Théâtres documentaires.  Des scènes pour la santé et la recherche historique

 
Le marathon #aidelesmedecins (#pomogivratcham en russe) est un beau moment dans l’activité des théâtres russes pendant le confinement (voir Le Théâtre du Blog). Les témoignages des principaux acteurs de l’actuelle pandémie venus des hôpitaux, étaient repris par des acteurs parfois célèbres dans la Russie toute entière. Ils devenaient ainsi des porte-parole émouvants et suscitaient l’empathie ou le débat politique.

Des lectures filmées diffusées sur le site de chaque théâtre qui se passaient le relai l’un après l’autre et soir après soir, incitaient d’autres médecins ou membres du personnel soignant, à écrire à leur tour, anonymement ou sous leur nom, ce qui se passait ou ce qu’ils ressentaient. Toutes ces prises de parole, tous ces actes d’une grande saga tragique encore inachevée constituent des archives pour le futur,  ce « temps d’après » comme on dit. Ils sont déjà consultables sur les sites des théâtres. Un immense chœur d’acteurs unis se retrouve ainsi au service d’un peuple souffrant.

Ce grand documentaire en numérique, diffusé en direct,  est aussi destiné aussi à favoriser la récolte des fonds pour des hôpitaux qui manquent de tout. Au service de ceux qui se dévouent pour soulager les souffrances, soigner, et guérir,  mais aussi de ceux qui, peu confiants en la parole officielle, veulent être informés. Cela nous semble être un exemple digne d’être étudié et suivi. Donner la parole aux médecins, infirmières, témoins, parents des malades ou de morts à qui ils n’ont pu faire un dernier adieu, peut être un sujet brûlant pour les théâtres publics. Des médecins ont  été invités sur les plateaux  de télévision et  d’autres…s’y  sont invités. D’autres encore qui se disaient experts sans rien savoir du tout, y ont péroré.  

Le centre hospitalier se situe dans le village de Golokhvastovo, à 60 kilomètres au sud-ouest du centre de Moscou. AFP/Andrey Borodulin

Un centre hospitalier rapidement construit dans le village de Golokhvastovo, à 60 kilomètres au sud-ouest de Moscou. ©AFP/Andrey Borodulin

Ce n’est pas à ceux-là qu’il faut donner la parole sur la scène -elle n’est pas un plateau de télévision- mais aux  médecins qui ont écrit ou continuent de le faire. En notant ou reformulant ce qu’ils ont vu et vécu avec leurs patients. Les corps n’étaient pas les seuls touchés mais aussi les esprits, les âmes et les inconscients. Ecrire aide aussi à mieux traiter les patients du  lendemain. Un ami médecin auquel nous avions parlé du phénomène russe, a lu sur son ordinateur deux petits chapitres, magnifiques, qui parlent de situations que nous avons tous plus ou moins partagées et qui nous aident à réfléchir à ce qu’on a appelé une  guerre mais qui n’en est pas une. Les mémoires des hôpitaux et cabinets médicaux sont des sources vives pour nous aider à dépasser les traumatismes que nous avons tous vécus mais souvent de façon solitaire.

Un chercheur  en histoire vient de lancer un grand projet sur un autre thème brûlant aujourd’hui, l’esclavage. Il s’agit  de construire un nouveau récit de l’abolition de l’esclavage en Afrique du Nord. « Si la fin de l’esclavage et son abolition ont fait l’objet de nombreuses recherches, son histoire est si diverse et si complexe que nombre de ses dimensions n’ont pas encore été étudiées. » M’hamed Oualdi, historien du Maghreb au Centre d’histoire de Sciences Po, consacre un projet. Il vise notamment à en révéler les dimensions transnationales à travers l’examen des écrits d’esclaves au Maghreb. Ce projet novateur a été retenu et financé par le Conseil européen de la recherche ».(1)

N. Murad expliquant à Trump pourqu-ui elle a reçu le Prix Nobel Donald Trump écoute la nobel de la paix 2018, i  © Alex Brandon/  AP / SIPA

Nadia Murad expliquant à Trump visiblement peu au courant pourquoi elle a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2018  © Alex Brandon/ AP / SIPA

Un épisode récent a convaincu ce chercheur  de la nécessité de partir de témoignages d’esclaves : il a assisté à celui de Nadia Murad, une femme yazidie, esclave sexuelle de l’État islamique en Irak, au Security Council Meeting en décembre 2015 (2).  Il va donc travailler sur des témoignages écrits de captifs dans le monde musulman depuis le XVIII ème siècle jusqu’à l’entre-deux guerres : «Pour un premier groupe d’esclaves, ceux venus du sud de l’Europe et se retrouvant au captivité au Maghreb, jusqu’au début du XIX ème siècle, les archives européennes débordent de pétitions et suppliques adressées par ces captifs en Europe à une autorité espagnole, italienne ou française pour obtenir leur libération. Parallèlement, des esclaves maghrébins parvenaient eux aussi à transmettre à leurs souverains et à leurs parents, des suppliques rédigées en langue arabe. »

Les publications relatives à ce projet seront bien sûr autant d’interventions scientifiques sur l’histoire de la Méditerranée, du Maghreb, de l’esclavage et de son abolition. Mais dit M’hamed Oualdi « Nous espérons aussi qu’à terme, des hommes et femmes de théâtre se saisiront des voix d’esclaves que nous aurons mises au jour, pour les ranimer et les faire revivre sur les planches en diverses langues. » Et il a envisagé dès le début de ses recherches,  que la plateau théâtral soit comme un écho incarné de ses recherches scientifiques. La scène documentaire se faisant souvent l’écho des voix oubliées (3). Il demande lui-même l’aide, la collaboration des  metteurs en scène de théâtre.

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Au festival d’Aix-en-Provence 2008, Peter Sellars avait monté, en mettant l’accent sur la question de l’esclavage,  Zaïde, un opéra inachevé de Mozart. Et il avait aussi organisé parallèlement un colloque de deux jours: Pour en finir avec l’esclavage … Dont l’histoire ne se limite pas en effet à la colonisation européenne ou à la traite des noirs vers l‘Amérique, mais elle est beaucoup plus longue, complexe, et toujours pas terminée… Ce qui apparaissait avec brutalité dans ce colloque avec des témoignages de victimes d’esclavage sous une forme actuelle et qui avaient été recueillis par l’association marseillaise Esclavage Tolérance Zéro. Opéra et projet documentaire étaient associés  sur scène et en dehors de la scène, dans un acte d’une radicalité très peu vue à Aix-en-Provence. Peter Sellars affirmait alors, lors d’un entretien où il s’expliquait sur ses choix : «La culture n’est pas une distraction. Elle aide à affronter nos gouffres comme nos petites lâchetés. Elle cicatrise le tissu blessé, celui de l’individu comme celui d’une société tout entière ».  
Cette phrase toute simple, où art et recherche définissent la culture, incite à approfondir ces chemins dans une époque inédite où la maladie rôde, où les blessures saignent partout et où tous les repères semblent disparaître.

Béatrice Picon-Vallin

[1]  Voir Cogito le magazine de la recherche , 15 juin 2020 https://www.sciencespo.fr/research/cogito/home/la-longue-fin-de-lesclavage-au-maghreb/?fbclid=IwAR2kQrT9U5-bvSdApGXdSjuWeryzWfW2dM7fFcIb_JDIhPAyU4geSHMhw0o

[2] Elle a  par la suite obtenu le prix Nobel de la paix.

[3] Voir Les Théâtres documentaires, deuxième époque (2019).


Archive pour 10 juillet, 2020

Que voir maintenant et ensuite cet été? (suite)

Que voir maintenant et ensuite cet été? (suite)

A Paris

 

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Chaillot-Théâtre national de la Danse s’associe au Concert de Paris pour fêter demain mardi 14 juillet les cent ans du Théâtre National populaire fondé par l’acteur et metteur en scène Firmin Gémier.

Invité le Ballet qu’Angelin Preljocaj avait créé à l’Opéra de Paris en 2012. Avec un extrait du Parc qui sera dansé par Jordan Kindell et Verity Jacobsen sur la musique du Concerto n°23 de Mozart, interprété par la pianiste Khatia Buniatishvili et l’Orchestre national de France.

En direct sur France 2 et France Inter mardi 14 juillet, à 21h 15

Et un Bal masqué au Cent-Quatre…

Avec le  DJ Emile Omar, le dimanche 19 juillet à partir de 15 h.

Cet ancien programmateur de Radio Nova, offrira un  » élixir aux saveurs caribéennes francophones d’hier à aujourd’hui, avec quelques épices d’Afrique et d’Amérique latine ».

Accès libre mais masque obligatoire.

 

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Le Cent Quatre, 5 rue Curial,  Paris (XIX ème).  Métro Riquet. Ouverture du mardi au  vendredi de 12h à  19 h et le week-end de 11 h à 19 h; fermeture le lundi. Vente en ligne et billetterie : T.  01 53 35 50 00

 

 

 

Les Tréteaux de France du 18 juillet au 30 août, sur les îles de loisirs du Port aux cerises de Cergy-Pontoise et de Saint-Quentin-en-Yvelines…

Britannicus, la célèbre pièce de Jean Racine dont Roland Barthes disait: « Néron est l’homme de l’alternative ; deux voies s’ouvrent devant lui : se faire aimer ou se faire craindre, le Bien ou le Mal. […] Dans Néron, le Mal va se fixer. Et plus encore que sa direction, c’est ce virement même qui est ici important : Britannicus est la représentation d’un acte, non d’un effet. L’accent est mis sur un faire véritable : Néron se fait, Britannicus est une naissance. Sans doute c’est la naissance d’un monstre ; mais ce monstre va vivre et c’est peut-être pour vivre qu’il se fait monstre. » Une création de Robin Renucci dans une scénographie quadri-frontale.

Faire forêt, Variations Bartleby de Simon Grangeat, mise en scène de Solenn Goix.

 Bartleby, un copiste consciencieux, travaille dans le cabinet d’un juriste de Wall Street. Un jour son patron l’appelle pour examiner un document mais le scribe répond à la surprise générale : « Je préfèrerais ne pas ». Le personnage créé par Melville est devenu un symbole de la résistance passive, à travers sa formule devenue célèbre. Ne pas faire ce que l’on me demande, ne pas être celui qu’on attend, ne pas faire partie du système ? « Cet « effet Bartleby » m’intéresse dit Solenn Goix et  plutôt que de faire une énième adaptation de la nouvelle, j’ai proposé à Simon Grangeat dont l’écriture est éminemment politique, d’explorer le lien entre un employé d’un « bullshit job » – un terme de l’anthropologue américain David Graeber – et un Zadiste, ou comment un rond-point occupé devient une forêt où on peut enfin construire sa cabane… »


©j Jm Lobbé

Frissons ©j Jm Lobbé


Deux spectacles jeune public: 
Venavide Rodrigue Norman, mise en scène d’Olivier Letellier.

Frissons, conception de Magali Mougel et Johanny Bert, mise en scène de Johanny Bert.

Retour de Bal d’après La Peur des coups de Georges Courteline, mise en scène Gérard Chabanier.

Le Premier Homme d‘Albert Camus, un texte qu’on avait retrouvé dans le coffre de sa voiture après l’accident qui lui avait coûté la vie il y a soixante ans. Lu aussi récemment par Charles Berling, ici  dans une conception de Bertrand Cervera et Robin Renucci.

Et des ateliers gratuits animés par les comédiens des Tréteaux de France; ils s’adressent à toute personne voulant partager une pratique exigeante, constituante de lien social et de vitalité. Aucune connaissance spécifique  requise. Pour seul ou en groupe, découvrir le plaisir des mots, des gestes…

 

Le Théâtre du Peuple à Bussang

Suite à l’annulation de la saison d’été, Simon Délétang, son directeur n’a pas voulu faire à sa place un « mini Bussang ».  Au lieu de huit cent spectateurs par séance dans la grande salle, il y en aura cinquante maximum et en extérieur. Pour la première fois dans l’histoire de ce théâtre, le public sera placé du côté forêt,  face aux portes ouvertes. Ce dispositif scénographique -peu de lieux en disposent- est une forte idée de son créateur Maurice Pottecher qui créa le Théâtre du Peuple en 1895 : il ouvrira, au début du XX ème siècle, le fond de scène avec deux grandes portes coulissantes afin «d’assainir l’art au contact de la nature… Simon Delétang l’utilisera « à l’envers » et cela rappellera au public la situation exceptionnelle que nous vivons actuellement, puisqu’il verra derrière le groupe Fergussen…des centaines de sièges vides.

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«Nous défendons principalement le théâtre de texte, dit Simon Délétang, mais cet été nous allons croiser les disciplines en proposant une rencontre entre un texte et un univers musical électro-rock.

 Et nous avons demandé au groupe Fergessen installé dans les hauteurs de Saint-Dié (Vosges) de venir à Busssang. Avec un seul technicien pour les accompagner. Nous aimons les décors, effets et  costumes mais cette fois, il y aura juste des micros et des synthétiseurs, peut-être un tapis…. «   (…)  « J’ai repensé à la notion de consolation. Face aux mesures sanitaires drastiques imposées au milieu culturel et à l’impossibilité de présenter le programme ambitieux dont nous rêvions depuis deux ans, nous avons eu envie de réagir et d’apporter à notre manière, une consolation sous la forme de petit spectacle en fin d’été.

Et j’ai tout de suite imaginé quelque chose à partir d’un texte court et définitif de Stig Dagerman que j’ai lu, il y a plus de vingt ans.  Et d’une beauté philosophique sidérante : un hymne à la vie et à la liberté. J’ai rencontré Michaela et David du groupe Fergessen en arrivant dans les Vosges, en 2016  dans une émission de télé locale et leur univers m’a tout de suite touché. Leur douce mélancolie teintée de rock, de voix sublimes s’unissant à la perfection et leur capacité à proposer des univers très différents aux rythmes électro-rock.

 Je leur ai donc proposé de créer cette forme avec moi » (…). « Je dirai le texte au micro mais soutenu par leur création musicale, face au public et à cette forêt mythique. C’est une ode à la liberté, au libre arbitre, à la prise de conscience qu’être soi peut être déjà une force considérable. Et selon Heiner Müller : « Ce dont on ne peut pas parler,  il faut le chanter ».

Théâtre du Peuple, 40 Rue du Théâtre du Peuple, Bussang (Vosges). T. : 03 29 61 50 48.


Instable par Les Hommes penchés

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C’est un solo où Nicolas Fraiseau est aux prises avec un mât instable, relié à deux câbles, qui est toujours en équilibre instable. penche. L’équipe n’a cessé de travailler pour reprendre au plus vite un échange capital avec le public. Elle  se remet en route avec le mât, les pneus et les planches d’Instable. » Nous avons tous pu estimer intimement combien nous sommes farouchement attachés à nos libertés fondamentales et sommes impatients de retrouver un public. Instable se jouera en juillet et août en Ile-de-France puis à l’automne en France, à travers l’Europe et le Canada.

En partenariat avec le Festival Paris l’été, le samedi 25 juillet, en extérieur, au Square du Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas (Hauts-de-Seine).
Festival Paris l’été, dimanche 2 août à 17 h, en extérieur au Lycée Jacques Decour, Paris XVII ème) e
t le dimanche 9 août, dans le parc du Domaine départemental, 38 rue du commandant Arnoux, Chamarande (Essonne). T. : 01 60 82 52 01.


Les Tempos d’été du Métronum à Toulouse

 

Claudia et Sylvain de Supamoon © Radio France - Sébastien Giraud

Claudia et Sylvain de Supamoon © Radio France – Sébastien Giraud

 

Le 8 juillet, Ouverture avec Supamoon, un concert en transat (RnB alternatif/Pop)

Le 16 juillet: Ciné sous les étoiles: Sherlock Junior de Buster Keaton  États-Unis, 1924, Comédie, 43 min, un film muet en ciné-concert avec Arthur Guyard au piano et Rémy Gouffault à la batterie 
Le 18 juillet Supamoon – Concert en Transa (RnB alternatif/Pop)
Le 23 juillet, Ciné sous les étoiles: Sugar Man, un documentaire ( 2012)  1h 25  de Malik Bendjelloul.
Le 25 juillet, Concert en Transat avec Moonlight Benjamin. 
Le 30 juillet, Ciné sous les étoiles : Les Chats Persans de Bahman Ghobadi, film iranien (2009 )  en v.o sous titrée en français.

Les 24 et 31 juillet à 15h, La Fabrique de la musique avec des conférences participatives,  en partenariat avec la Bibliothèque de Toulouse : Les chansons des Beatles.

Le Métronum, scène des musiques actuelles, 2 Rond-Point Madame de Mondeville, Toulouse.

Philippe du Vignal

 

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