Kenavo Christine Le Pen

Kenavo Christine Le Pen

 

En 1990, lors d'un stage de l'Ecoile à Villenuev-lès-Avignon.

En 1990, lors d’un stage de l’Ecole à Villeneuve-lès-Avignon.

On nous a prévenu ce matin… Le cancer du poumon avec lequel elle vivait depuis quelques années, aura eu finalement raison d’elle. Christine avait quitté Paris le mois dernier et est morte cette nuit, entourée, comme elle souhaitait, par sa famille, au Centre de soins palliatifs de Ploemeur, près de Lorient. Les nouvelles, hélas- n’étaient pas très bonnes depuis décembre et, à lire ses lettres récentes, je sentais qu’elle ne se faisait pas d’illusions et que sa fin était proche. Elle avait soixante ans. « Ici, m’écrivait-elle sur une  carte  émouvante il y a juste un mois, je vis au jour le jour. La tête, ça va, le corps lâche. Je dois me reposer souvent. J’essaye néanmoins  de faire un peu de travail musculaire avec le kiné. Point de vue nourriture, le Centre de soins palliatifs a ses propres cuisiniers. C’est plutôt sympa. Mais je suis déjà fâchée avec certains aliments. Je retrouve les membres de ma famille avec grand plaisir. Je m’aperçois qu’il est bon de retrouver des visages que l’on connaît depuis l’enfance. L’une de mes sœurs assure toute l’intendance dont j’ai besoin. »

Après avoir été secrétaire du directeur du Théâtre du Palais-Royal, elle assura pendant plus de quinze ans la gestion administrative de l’École du Théâtre National de Chaillot quand j’en étais le directeur pédagogique.  Sans jamais ménager sa peine! Et du travail il y en avait pour l’une comme pour l’autre, et souvent obligatoirement pour les deux à la fois : programmes pédagogiques, gestion des espaces, relevés d’heures de cours, factures à transmettre à la comptabilité, emplois du temps, présentation des soirées de fin d’année, tournées, établissements de budgets, relations avec les services techniques et administratifs, etc… Combien de soirs, je devais éteindre la lumière de ce petit bureau sans lumière du jour, pour la forcer à partir. Il était presque 21 h et nous étions là depuis 10 h… avec une brève pause pour le déjeuner! Et Jérôme Savary, alors directeur, avait eu toute confiance en elle pour mener administrativement ce déjà gros bateau avec, à bord, une douzaine de professeurs et environ cinquante élèves: ceux des deux promotions en même temps de l’École, et ceux des deux Ateliers du soir.

Avec une rare compétence, une maîtrise des budgets compliqués à mettre au point vu le peu d’argent disponible! Elle avait aussi une volonté absolue quand il s’agissait de défendre l’École. Quand une administratrice de Chaillot sans aucun scrupule avait voulu faire disparaître deux ans après sa création… elle a su montrer les dents avec efficacité face à la bêtise et se battre aussi avec des énarques ou conseillers -aussi prétentieux qu’incompétents- du Ministère de la Culture. Mais heureusement pas très courageux devant une pétition pour défendre l’existence de cette Ecole qui avait été signée des meilleurs metteurs en scène et acteurs. Christine savait démontrer poliment à des soi-disant « représentants de l’Etat » qu’ils faisaient fausse route et qu’ils promettaient sans jamais rien donner. Dans ces moments difficiles, son sang de Bretonne ne faisait qu’un tour et mieux valait alors ne pas insister…
Et plusieurs fois, je n’aurais pu sauver l’École si elle n’avait été à mes côtés: avec courage et ténacité, singulièrement efficace. Un partenariat exemplaire et quand l’un de nous deux commençait parfois à flancher, l’autre prenait aussitôt le relais… Ce sont des choses dans une vie d’homme que l’on retient à jamais.

 Mais, généreuse, elle savait aussi être à l’écoute des élèves qui l’aimaient beaucoup et elle ne refusait jamais un service à celui qui avait besoin d’un C.V. bien présenté -on s’y mettait à deux- ou d’une aide pour remplir un formulaire de bourse ou entreprendre une quelconque démarche. Quand elle n’avait pas trop de temps, elle me refilait gentiment le bébé et c’était réciproque… Et jamais les projets de spectacles que nous bâtissions ensemble et avec les enseignants, suivis de tournées en France, voire à l’étranger, avec  entre autres Peines d’amour perdues, mise en scène d’Andrzej Seweryn  ou Victor ou les Enfants au pouvoir de Roger Vitrac n’auraient pu voir le jour si elle n’y avait mis toute son expérience. Christine était une femme formidable que tous, artistes, techniciens et administratifs de Chaillot respectaient et aimaient.

Merci encore Christine pour tout ton travail. Tous les anciens élèves, aujourd’hui acteurs et metteurs en scène qui gagnent leur vie -dont deux à la tête de Centres Dramatiques Nationaux- ont appris sa disparition avec des larmes. Et on se dit alors que nous n’aurons pas travaillé pour rien, même si le sieur Goldenberg qui succéda à Chaillot fit après que je sois parti à la retraite, disparaître cette Ecole dont il n’avait jamais voulu… Et nous aurons été nombreux à partager avec joie cette tranche de notre vie et nous ne t’oublierons pas. Christine tu as eu jusqu’au bout la volonté de se battre et de trouver encore du plaisir à exister dans cette unité de soins palliatifs à Ploemeur où elle vécut ses derniers jours. Et je lui dédie ces vers du grand Eschyle qu’elle aimait bien: « Même aux milieu des malheurs, jouissez chaque jour des petites joies que la vie vous apporte car la richesse est vaine chez les morts. » Kenavo Christine, nous ne pourrons rejoindre à temps demain samedi Lorient, trop éloignée du Cantal, pour être avec tes proches.  Mais nous aurons une pensée très amicale pour eux.

Philippe du Vignal

Les obsèques de Christine auront lieu demain samedi 18 juillet à midi et demi au Centre funéraire de Kerlétu, rue René Lote, à Lorient. T. :  02 97 37 51 52.

Les élèves de l’Ecole de Chaillot:
Chère Christine,
Il y avait ta voix. Douce, forte, enthousiaste. Celle qui nous a annoncé que Chaillot serait notre école… une voix qui ne s’oublie pas, celle qui a fait basculer nos vies. Il y avait ton regard bienveillant, soutenant, dans lequel beaucoup d’entre nous se sont réfugiés quand rien n’allait, quand la galère avait pris le dessus, noyés par les doutes. Il y avait tes mots. Tes encouragements. Pendant nos années de formation, et après, quand tu n’oubliais jamais de venir nous voir. De penser à chacun d’entre nous, de prendre des nouvelles.
Et même quand les vents sont devenus mauvais, quand l’école a commencé a tremblé, sous la menace, tu t’es tenue droite et tu nous a communiqué ta force, ta confiance. En nous, en nos vies à venir. Tu étais l’âme patiente, discrète, puissante de cette école. Le souffle de vie. Peut-être même que ta force, ton optimisme, dans cette autre lutte que tu menais discrètement, nous a insufflé cœur et courage, pour faire notre chemin, dans cette vie de théâtre. Nous sommes nombreux à penser à toi aujourd’hui.
A peser la chance que nous avons eu de te rencontrer. A ne pas pouvoir s’empêcher de sourire, à ton souvenir. A affirmer : cette femme là, je l’aimais.
Séverine, une ancienne élève des Ateliers du soir

Merci Philippe pour ces mots; j’ai appris cette bien triste nouvelle, que malheureusement nous craignions. Christine était une belle personne chaleureuse et vraie. Des pensées douces pour les siens.

Etienne Grebot , acteur et metteur en scène , ancien élève de la première promotion

C’est avec tristesse que j’ai appris le décès de Christine. Ancien élève de Chaillot, je peux témoigner qu’elle a a toujours été très présente pour nous, aussi efficace que discrète, et que bien des années après, elle laisse dans mon cœur et mon esprit, une trace indélébile. J’envoie mes meilleures pensées à sa famille et à ses proches, pour qui j’imagine la douleur et la peine de perdre un être aussi précieux.

Michel Lopez, professeur d’improvisation à l’Ecole

Merci Philippe pour ce beau témoignage, nous avons vécu une très belle et parfois houleuse histoire avec cette Ecole et Christine en était un pilier fondamental. Je salue ici son courage, son professionnalisme, sa pugnacité, sa bienveillance, sa douceur, et son intelligence à ne laisser rien paraître de ses doutes ou de ses souffrances pour nous préserver. Et quand on voit les témoignages des anciens élèves cela fait chaud au cœur, ils l’aiment, l’estiment et lui rendent un vibrant hommage. Christine, tu peux être fière de tes élèves ! Repose en paix…

Thibault Lacroix, acteur

Un hommage à  Christine et Saskia Cohen-Tanugi (voir Le Théâtre du blog)  qui s’en vont l’une jeudi dernier  et l’autre, hier lundi… Les enfants de Chaillot que nous avons été, en prennent tous un coup. Quelle tristesse ! Elles avaient soixante ans toutes les deux… Christine, administratrice de l’Ecole, aussi pragmatique dans l’organisation des budgets que prévenante, bienveillante et drôle (ça ne gâte rien) veillait sur nous et fut un pilier pour nos jeunes années dans cette bonne école, tristement disparue en 2001 de par la volonté de Goldenberg, alors directeur de Chaillot qui ne jugea pas utile qu’un vivier de jeunes comédiens puisse continuer, après le départ volontaire de Philippe du Vignal, le directeur pédagogique, à y étudier et répéter dans les quelque 50. 000 m2 de ce grand palais!

Jacques Livchine metteur en scène et codirecteur avec Hervée de Lafond du Théâtre de l’Unité. Ils avaient conduit plusieurs stages et réalisé plusieurs mises en scène à l’Ecole.

Juste un proverbe: Adieu Christine, c’est con de vivre vieille, mais c’est encore plus con de mourir jeune.

 

 

 


Archive pour 17 juillet, 2020

Venavi ou pourquoi ma soeur ne va pas bien de Rodrigues Norman, mise en scène d’Olivier Letellier

Venavi ou pourquoi ma soeur ne va pas bien de Rodrigues Norman, adaptation de Catherine Verlaguet, mise en scène d’Olivier Letellier

Photo X

Photo X


Un plateau nu dans la pénombre avec seule, une pièce de bois, semblable à un monolithe. Lentement, au doux son d’une chanson africaine, s’avance un jeune homme : «Je m’appelle Akouété. Akouété, Akouélé, des prénoms qui se ressemblent autant, chez nous, ça veut dire que nous sommes jumeaux. » Ce qui n’est pas rien:  en Afrique, les jumeaux sont sacrés! Mais Akouété est mort… sa sœur jumelle Akouélé l’ignore et elle l’attend: «Akouété? Akouété ? Il est où Akouété ? »   le père lui répond: «Ton frère est parti chercher du bois dans la forêt !» Pur mensonge… Et non-respect des rites ancestraux. Il n’y aura pas, pour Akouélé, de venavi: un «jumeau» en éwé, l’une des deux langues togolaises. C’est une statuette consolatrice que l’on offre traditionnellement à celui qui reste pour remplacer son jumeau absent et qui l’accompagne au quotidien… Akouété, à la fois conteur et héros de cette histoire, semble avoir élu domicile dans un ailleurs, qui n’est ni l’espace de la mort, ni celui de la vie. Mais un lieu indéfini d’où il ne peut entrer en communication avec sa sœur

Situation tragique : sans Akouélé, il est comme prisonnier de ce monde parallèle et n’a pas accès à celui de l’au-delà. Les jumeaux sont inséparables ! Akouété, personnage testamentaire par excellence dont la parole poétique nous convoque à partager l’attente douloureuse et la quête de vérité d’Akouélé, son  retour à la vraie vie et au temps qui passe. À fois conte et théâtre-récit, cette adaptation invite les spectateurs à un parcours initiatique bigarré !  Rodrigue Norman s’inspire des rites et croyances de son pays, le Togo, pour évoquer le monde de l’enfance et la peur de grandir. Il nous fait entrer au cœur de cet univers fragile et fort à la fois, confronté à celui des adultes avec leurs mensonges et  leurs angoisses.

Dans l’adaptation théâtrale du texte très réussie de Catherine Verlaguet, narration et dialogues se succèdent et font alterner une ambiance dramatique tantôt douce et onirique, tantôt violente et réaliste. De ce rythme contrasté et aussi soutenu par la bande son et les lumières de Sébastien Revel, les chants africains, et la finesse de l’écriture, naissent de multiples émotions : tristesse, joie, absence, peur, colère, rire… Mais ce serait également sans compter sur la grâce, la malice et la légèreté du jeune comédien togolais, Alexandre Prince choisi par Olivier Letellier pour reprendre le rôle créé en 2011 par Athanase Kabré au Théâtre de Sartrouville. Merveilleux de sincérité et d’humour !

La mise en scène épurée, abstraite d’Olivier Letellier et la belle scénographie de Sarah Lefèvre accompagnent chaque étape de la fable, suivant les thèmes de l’action : le village des jumeaux et ses habitants, la recherche du frère dans la forêt, l’école,  la vente d’oranges sur le marché… A chacun de ces  moments et sous les yeux émerveillés du public, le décor change subitement grâce à une structure gigogne en bois, idée fort astucieuse ! A la fois enchantée, gaie et magique, cette simplicité du décor ne fait qu’augmenter notre pouvoir d’imagination. Joué cinq cents fois par trois comédiens successifs, le spectacle a gardé toute sa puissance tragique.. C’est un ravissement autour de thèmes universels, traités sans concession et au sein d’une culture différente de la nôtre, avec beaucoup d’humanité et de drôlerie. Le spectacle nous rappelle que la vérité sort souvent de la bouche des enfants et que nous, les adultes du monde entier,  choisissons parfois de taire ou de ne pas entendre…

Elisabeth Naud

Dans le cadre : Un Eté solidaire-Théâtre de la Ville, Théâtre des Abbesses 31, rue des Abbesses Paris ( XVIII ème). Du 1er au  29 juillet à 15h et à 19h . T. : 01 42 74 22 77. 10€ et gratuité pour les moins de 14 ans et les soignants.

En tournée :

La Filature, Scène Nationale de Mulhouse du 15 au 17 juillet. 

Dans le cadre de L’Ile-de-France fête le théâtre : Ile de Loisirs du Port aux cerises (92) 19 juillet : 14h et 16h 20,21,22,23,24 juillet : 11h30 et 13h30 – 26 juillet : 14h et 16h Ile de Loisirs de Cergy Pontoise (95) 9 août  14h et 16h 10,11,12,13,14 août : 11h30 et 13h30 16 août : 14h et 16h Ile de Loisirs de Saint-Quentin en Yvelines (78) 23 août : 14h et 16h 24,25,26,27,28 août : 11h30 et 13h30  

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