Les Echappées jurassiennes des fous de la falaise organisée par la Franc-Comtoise de rue

Les Echappées jurassiennes des fous de la falaise organisée par la Franc-Comtoise de rue

Les compagnies de rue de Franche-Comté en hommage à Michel Crespin disparu en 2014, organisent quatre échappées à travers la région, en mobylettes, à vélo, sur des ânes, voir en camping-car et un groupe suisse viendra les rejoindre. Ce vendredi, nous avons vu les quinze comédiens cyclistes dans la cour d’école de Châtelneuf (Jura), un village de 147 habitants dont la plupart arrivent le soir chargés de victuailles. La mairie est une des rares à avoir soutenu ce projet un peu fou. Les acteurs font chaque soir, un spectacle différent élaboré dans l’après midi. Soit une succession de treize scènes. Pas de décor, quelques accessoires et beaucoup de scènes sans texte. On voit des jambes émerger sous une bâche. Six filles et deux hommes chantent: « Le Jura, donne-moi du gras et du Conté de dix-huit mois.»

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Puis ils racontent leurs nuits et leurs insomnies, dorment dans les salles de fête à même le sol. Ils s’emmitouflent, se couchent, se disent bonne nuit et ronflent. Mais Mathilde ne supporte pas les ronflements et prend dans son sac de couchage, des poses incroyables, car elle est quasiment contorsionniste. Ils se racontent, présentent à la demande d’une spectatrice, leurs vélos, et racontent les côtes, les déraillements , les piqûres de guêpe, etc. « J’ai les fesses tellement tannées que je suis obligé de pédaler en danseuse.Je ne sais pas si j’aurai de bonnes idées pour la prochaine échappée. Mathilde ose avouer que, pour une femme, l’on peut vivre de très agréables sensations à vélo. Rires du public. Un homme sur un banc mange un sandwich, un deuxième arrive, une fille se dandine, un homme crache des noyaux dans la bouche de l’autre, à quatre mètres de lui mais n’y réussit pas… Puis, il y a une série de séquences incohérentes mais drôles qui se terminent par la lecture d’un extrait des Raisins de la colère de John Steinbeck sur une petite chorégraphie, et suit une chanson. Spectacle gratuit, on ne passe même pas le chapeau mais les  comédiens, issus de différentes compagnies, sont invités à dîner. Céline Chatelain, metteuse en scène bien connue à Besançon, a pris les rênes du groupe.

https://youtu.be/PhDdCutQ5qo

Le 29 août, matin, le Théâtre de l’’Unité qui en a pris la responsabilité, a voulu rendre  un hommage à Michel Crespin décédé en septembre 2014 qui avait organisé ici un acte fondateur du théâtre de rue: La Falaise des fous. Rendez-vous secret à 10 h au bord du lac de Chalain car aucune demande n’a été faite en préfecture.  Ralph Geldreich, le directeur du camping à qui la Franc-Comtoise de rue avait demandé un accès pour cent personnes maximum pour à peine dix minutes en respectant les consignes covid, avait sèchement refusé et a fait fermer tous les accès pour que rien ne puisse avoir lieu. Une douzaine de personnes sont quand même arrivées à descendre du haut de la falaise par un petit sentier.  Mais Xavier Juillot l’artiste qui doit intervenir, ne pourra pas pénétrer. C’est le drame annoncé. Anne Matheron, la directrice de la D.R.A.C. Bourgogne- Franche Comté  est présente car elle connaissait Michel Crespin. Accompagnée par Stéphanie Ruffier, la présidente de la Franc-Comtoise de rue, elle va alors voir le directeur du camping. Comme elle représente le préfet et  l’Etat, et qu’elle se porte garante de l’événement, le directeur finit par céder en avalant sa colère. Seule condition exigée : porter un masque et partir avant midi. Pendant quelques minutes, la frontière  va s’ouvrir laissant passer une dizaine de véhicules dont la remorque de Xavier Juillot, chargé de la performance centrale. La gendarmerie surveille à une centaine de mètres. La tension est forte. Petit  discours  d’ouverture de Jacques Livchine avec la célèbre phrase d’Anton Tchekhov :  « Les vivants ferment les yeux de morts mais les morts ouvrent les yeux des vivants”et ainsi donc Michel continue de  nous parler. Bernard Kudlak,  le directeur du Cirque Plume plaide  pour que les jeunes n’oublient jamais la nécessité de la poésie dans le théâtre. Et là, miracle,  le moteur Porsche, se met en route et à 11 h 52, la machine se met en route et une structure gonflable s’élève à cent  mètres.

« Gigantesque émotion, dit Jacques Livchine, nos  yeux sont embués de larmes de joie. Phénomène bizarre, nous sommes ensemble,  liés par une force souterraine, une espèce d’amour universel, un sentiment indescriptible d’appartenance  à un mouvement artistique qui ne s’arrêtera pas. » Les artistes présents improvisent un rituel, courent autour de la structure, puis se couchent, on entend au loin, la musique de Ninon Rota  (une la fanfare de cuivres et percussions) pour Huit et demi  (1963) de Federico Fellini avec Marcello Mastroianni, Anouk Aimée… Un souvenir d’il y a quarante ans. Invités par Michel Crespin, 270 artistes avaient joué ici. Et la Falaise des fous restera, après Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques, une grande manifestation crée par Jean Digne en 1973, un événement fondateur du théâtre dit de rue. Puis  Michel Crespin avait créé entre autres, le festival d’Aurillac, la Fédération des Arts de la rue, Lieux Publics…

Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques Photo X

Aix-en-Provence, ville ouverte aux saltimbanques
Photo Ina.fr


Retour à Verges à une dizaine de kilomètres, ce village est le seul dont la mairie avait décidé d’accueillir la suite de l’événement qui va durer tout le samedi…. Chaque groupe doit raconter son échappée puis organiser un débat. Premier groupe initié par Christophe Châtelain, directeur du Pudding, mobylette et gros pistons . Quinze casques posés par terre, chacun des  coureurs lève les bras, se casque enfourche sa mobylette.. Christophe parle aux jeunes : « Vous êtes la génération maudite.  » Ils ont entre douze et quatorze ans, ils font des acrobaties sur le capot de la Jeep.  Puis s’’ensuit une discussion en trois groupes : enfants,  jeunes adultes et  « historiques ». La question:  quelle est votre définition de la décentralisation culturelle ?
Thierry Combes avec son camping-car, raconte son échappée. Il se demande si on peut dans les arts de la rue,  atteindre profondément un spectateur?  Discussion intéressante mais si on est déjà touché soi-même en jouant, n’est-ce pas suffisant ? Il faut vivre en poésie, la question de la joie est essentielle,  dit Bernard Kudlak. Les seize cyclistes posent leurs vélos et s’asseyent. Ils font une démonstration acrobatique. « On a tous essayé des disciplines qui ne nous appartenaient pas. Départ à 8 h chaque jour. Quatre heures de pédalage. Tous les soirs, on a essayé des formes différentes. Une anecdote nous a fortement marqués. Sur la route, on reçoit un message téléphonique marquant une hostilité  à notre venue. Une dame craignait que l’on joue sous ses fenêtres… Puis on a fait une représentation magique:  une grande rencontre avec les habitants du village. Face au covid, les gens ont eu peur. Mais dans les petites communes qui se sont frottées à l’intrusion de l’étrangeté, les gens sont très contents. Les acteurs sont obligés de jouer dans les cours d’écoles mais tout le monde faisait tout. La vélorution:  emmener le théâtre dans les campagnes mais, grand sujet de discussion, on fait comment quand les gens nous rejettent au nom de leur tranquillité? « 

Mathurin Gasparini du groupe Tonne et Stéphanie Ruffier évoquent l’échappée des ânes : ils ont marché trente deux kms…. « Les caravanes se forment pour parcourir les villages et monter cette œuvre théâtrale partagée, et même au pire, ça marche ! il faut, disent-ils, aller à la rencontre des gens sur leur territoire. La Fédération des foyers ruraux  rassemble un public plutôt âgé. Dans le groupe des ânes, il y avait Simon avec son castelet et son guignol. Il déforme sa voix et fait beaucoup rire… C’est un roi de la manipulation qui a été élève de l’Ecole de marionnettes de Charleville-Mézières…

 

La place principale de Moirans-en Montagne © D.R.

La place principale de Moirans-en Montagne © D.R.

Les compagnies Echappée BD, Little Nemo, David Eischenberger et Elise ont joué dans les médiathèques les mardis et mercredis, ont  font des micro-trottoirs à Moirans-en-Montagne, la capitale du jouet (2.500 habitants) Ils passent trois ou quatre jours dans chaque ville dont la dernière est Mesna, accueillis par des personnes-relais.Une opération passionnante que celle de ces Echappées des fous de la falaise.  Soutenue par Scènes du Jura-Scène nationale, la D.R.A.C., le Département et organisée en moins de trois semaines avec une ferveur incroyable. Et si là se jouait le théâtre de l’avenir?  Irriguer le territoire hexagonal village par village pendant que les villes tremblent sous la menace du COVID…

Edith Rappoport


Les Echappées ont eu lieu du 24 au 29 août dans des villages de Franche-Comté.


Archive pour 1 septembre, 2020

L’Homme qui dormait sous mon lit, texte et mise en scène de Pierre Notte

L’Homme qui dormait sous mon lit, texte et mise en scène de Pierre Notte

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Clyde Yeguete, Muriel Gaudin et Pierre Notte © M. Davidovici

 Initialement programmé au Théâtre des Halles à Avignon en juillet, le spectacle est joué quelques jours à Paris, en extérieur dans le cadre d’Un Eté particulier. «C’est l’une de mes premières farces politiques, dit Pierre Notte, et je suis allé dans la noirceur. » Il s’empare d’une question bien réelle : comment accueillir des réfugiés? Il imagine une société où un bon migrant serait un migrant mort et esquisse un présent (prochain ?) où une indemnité serait allouée aux personnes qui hébergeraient un demandeur d’asile avec une prime accordée au cas oùil se suiciderait…

Une jeune femme (Muriel Gaudin) héberge un homme (Clyde Yeguete) dans son minuscule appartement. Une seule chaise et un lit pour deux… Dans cette promiscuité, les relations se tendent. Elle ne supporte plus la situation, même si son hôte vit sous son lit. Une médiatrice, comédienne de son état (Silvie Laguna), intervient pour calmer le jeu, espérant partager la prime générée par la défenestration de l’intrus. Ces femmes sans scrupules et âpres au gain ne font pas dans le sentiment puisque le dispositif d’accueil est «constitutionnel». Lui, sans parvenir à trouver sa légitimité dans cette société, ne peut se résoudre à mettre fin à ses jours et se défend comme il peut : en corrigeant les impropriétés de langage de l’hôtesse, ou… en pissant sur les pensées qu’elle cultive sur son balconnet. Son instinct de survie aura raison de l’acharnement des deux harpies.

 Côté texte et mise en scène, Pierre Notte pousse les situations jusqu’à l’absurde et, prenant le parti du burlesque, évite réalisme et posture moralisatrice. Les répliques fusent et, en plein air, avec une chaise pour tout accessoire et sans autre appui de jeu que des pauses musicales, ils maintiennent la tension du début à la fin. Quand la pluie  interrompt la représentation à quelques minutes du dénouement, le public court aux abris, en attendant une reprise des hostilités entre les personnages.

Après l’averse, chacun regagne sa place. Et, surprise, la pièce finit bien avec une valse de réconciliation. «Deux individus condamnés à vivre ensemble doivent comprendre qu’il est plus simple de bâtir ensemble, dit Pierre Notte.»  L’auteur fait un pied de nez à la réalité et choisit l’optimisme: «On est aussi là pour ça, rêver un peu, après avoir ri tant bien que mal du désastre. » Sera-t-il entendu? Cette comédie cruelle n’est légère qu’en apparence et  met le doigt sur un problème d’une criante actualité…

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 30 août, dans la cour de l’Institut Suédois 11 rue Payenne, Paris (III ème).

Du 2 au 6 septembre, square Saint-Lambert Paris (XV ème)  à 16 h et 19 h. Entrée libre. Un Eté particulier continue jusqu’au 15 septembre : www.quefaire.paris.fr

 

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