Notre Besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman, conception et interprétation de Simon Delétang, création musicale et interprétation de Michaëla Chariau et David Mignonneau du groupe Fergessen

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© Jean Louis Hernandez

 

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman, conception et interprétation de Simon Delétang, création musicale et interprétation de Michaëla Chariau et David Mignonneau du groupe Fergessen

Le Théâtre du Peuple de Bussang rouvre ses portes. Ce «temple rustique», comme l’appelait Maurice Pottecher qui l’a fondé en 1895, est dirigé depuis trois ans par Simon Delétang. Mais il n’a pu, vu les circonstances,  assurer les spectacles prévus pour cet été. Au grand dam de ce bourg de quelque 1.200 habitants qui voit son économie stimulée par la fréquentation estivale du public.
En effet selon une étude, un euro dépensé par le théâtre en engendre quatre en retombées économiques sur Bussang, dit Alice Trousset, la directrice-adjointe. Avec huit cent places par représentation, la billetterie de l’été finance les créations de l’année, les dépenses de fonctionnement étant assurées par ailleurs. C’est donc un perte importante pour le théâtre qui a honoré tous les contrats signés pour cent-quarante  intermittents et précaires,  grâce à une enveloppe supplémentaire accordée par la Direction Régionale du Travail et de l’Emploi. Heureusement, les fromageries, les pâtissiers et brasseurs du pays ont pu écouler un peu de leurs produits grâce à un afflux exceptionnel de vacanciers dans les Vosges.

La prochaine saison va repartir avec des activités culturelles sur le territoire : reprise du spectacle itinérant Lenz, actions en milieu scolaire, résidences d’auteurs et de création… Le projet de l’équipe étant d’assurer une permanence à l’année dans la région. Mais, comme pour tout le monde du spectacle, l’avenir reste incertain…

 Aujourd’hui face à la salle vide, le public prend place sur le plateau, après être entré par la grande porte du fond, qui s’ouvre d’habitude sur la forêt vosgienne à la fin des pièces. Pour tout décor, les hauts murs de bois brut de la cage de scène, un tapis et les micros et synthétiseurs de Michaëla Chariau et David Mignonneau qui  accompagnent le monologue de Simon Delétang. Campé devant nous, fine moustache et chevelure ondulée à la romantique, il nous fait entendre la prose directe et sans concession de Stig Dagerman (1923-1954). Son écriture abrupte, sa rhétorique implacable nous entraînent dans les méandres d’une souffrance existentielle à la recherche de consolation. Comment trouver sa liberté dans la contrainte ? Comment échapper au désespoir face à la seule certitude de l’homme qu’est la mort ?

Dépressif mais lucide,  l’écrivain suédois alterne la plus sombre des humeurs avec des moments lumineux comme cette évocation de la mer, symbole de la liberté absolue : « Personne n’a le droit d’exiger de la mer qu’elle porte tous les bateaux, et du vent qu’il gonfle toutes les voiles ; de même personne n’a le droit d’exiger de moi, que ma vie consiste à être prisonnier de certaines fonctions. « (…)  «Pour moi, c’est la vie avant tout ! » (…) « Je dois avoir droit à des moments où je puisse faire un pas de côté ». Évoquée tout au long de ce court essai, la Nature (« la forêt, la cime d’un arbre ») —une Nature que le public sent littéralement frémir autour de lui— prodigue quelque fugitive consolation mais ne suffit pas  à sortir du gouffre : «Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux. » Mais, du fond de cette noirceur, surgit un répit lumineux. Libératoire. `

Les musiciens avec leur univers électro-rock aux grandes plages planantes, sombres ou plus éclatantes accompagnent ce cheminement tortueux.  De la mélancolie à l‘élation, ils ouvrent des échappées sonores, des respirations dans le texte.  «J’ai rencontré dans une émission de télé locale, les musiciens du groupe Fergessen quand je suis arrivé dans les Vosges il y a quatre ans et leur univers m’a tout de suite touché, dit le metteur en scène. »

Et, dans le contexte actuel cet oratorio avec claviers, guitare, chant et voix parlée, résonne étrangement  : « Pendant cette période angoissante et hors du temps que nous venons de traverser, j’ai repensé à la notion de consolation, confesse Simon Delétang. Comment nous consoler de tout cela ? De toute cette activité artistique empêchée ? De la perte d’êtres chers ? De l’attente interminable d’un retour à la vie ? »

Le théâtre ici aura été notre consolation en nous transmettant, pendant quarante minutes denses et prenantes,  le credo de Stig Dagerman : « Et mon pouvoir est redoutable, tant que je peux opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. » Le spectacle finit sur une chanson en demi-teinte du groupe Fergessen : En attendant le bonheur…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 3 septembre au Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher, rue du Théâtre, Bussang  (Vosges).  T.  03 29 61 62 49.
info@theatredupeuple.com

Les 19 et 20 septembre, musée de Remiremont (Vosges) dans le cadre des Journées du patrimoine  et les 24 et 25 septembre, Comédie de Colmar (Haut-Rhin).
Les 26 et 27 septembre, Théâtre des Célestins, Lyon (II ème).

Le texte, traduit par Philippe Bouquet, édité chez Actes-Sud (1984).


Archive pour 5 septembre, 2020

Notre Besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman, conception et interprétation de Simon Delétang, création musicale et interprétation de Michaëla Chariau et David Mignonneau du groupe Fergessen

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© Jean Louis Hernandez

 

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman, conception et interprétation de Simon Delétang, création musicale et interprétation de Michaëla Chariau et David Mignonneau du groupe Fergessen

Le Théâtre du Peuple de Bussang rouvre ses portes. Ce «temple rustique», comme l’appelait Maurice Pottecher qui l’a fondé en 1895, est dirigé depuis trois ans par Simon Delétang. Mais il n’a pu, vu les circonstances,  assurer les spectacles prévus pour cet été. Au grand dam de ce bourg de quelque 1.200 habitants qui voit son économie stimulée par la fréquentation estivale du public.
En effet selon une étude, un euro dépensé par le théâtre en engendre quatre en retombées économiques sur Bussang, dit Alice Trousset, la directrice-adjointe. Avec huit cent places par représentation, la billetterie de l’été finance les créations de l’année, les dépenses de fonctionnement étant assurées par ailleurs. C’est donc un perte importante pour le théâtre qui a honoré tous les contrats signés pour cent-quarante  intermittents et précaires,  grâce à une enveloppe supplémentaire accordée par la Direction Régionale du Travail et de l’Emploi. Heureusement, les fromageries, les pâtissiers et brasseurs du pays ont pu écouler un peu de leurs produits grâce à un afflux exceptionnel de vacanciers dans les Vosges.

La prochaine saison va repartir avec des activités culturelles sur le territoire : reprise du spectacle itinérant Lenz, actions en milieu scolaire, résidences d’auteurs et de création… Le projet de l’équipe étant d’assurer une permanence à l’année dans la région. Mais, comme pour tout le monde du spectacle, l’avenir reste incertain…

 Aujourd’hui face à la salle vide, le public prend place sur le plateau, après être entré par la grande porte du fond, qui s’ouvre d’habitude sur la forêt vosgienne à la fin des pièces. Pour tout décor, les hauts murs de bois brut de la cage de scène, un tapis et les micros et synthétiseurs de Michaëla Chariau et David Mignonneau qui  accompagnent le monologue de Simon Delétang. Campé devant nous, fine moustache et chevelure ondulée à la romantique, il nous fait entendre la prose directe et sans concession de Stig Dagerman (1923-1954). Son écriture abrupte, sa rhétorique implacable nous entraînent dans les méandres d’une souffrance existentielle à la recherche de consolation. Comment trouver sa liberté dans la contrainte ? Comment échapper au désespoir face à la seule certitude de l’homme qu’est la mort ?

Dépressif mais lucide,  l’écrivain suédois alterne la plus sombre des humeurs avec des moments lumineux comme cette évocation de la mer, symbole de la liberté absolue : « Personne n’a le droit d’exiger de la mer qu’elle porte tous les bateaux, et du vent qu’il gonfle toutes les voiles ; de même personne n’a le droit d’exiger de moi, que ma vie consiste à être prisonnier de certaines fonctions. « (…)  «Pour moi, c’est la vie avant tout ! » (…) « Je dois avoir droit à des moments où je puisse faire un pas de côté ». Évoquée tout au long de ce court essai, la Nature (« la forêt, la cime d’un arbre ») —une Nature que le public sent littéralement frémir autour de lui— prodigue quelque fugitive consolation mais ne suffit pas  à sortir du gouffre : «Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux. » Mais, du fond de cette noirceur, surgit un répit lumineux. Libératoire. `

Les musiciens avec leur univers électro-rock aux grandes plages planantes, sombres ou plus éclatantes accompagnent ce cheminement tortueux.  De la mélancolie à l‘élation, ils ouvrent des échappées sonores, des respirations dans le texte.  «J’ai rencontré dans une émission de télé locale, les musiciens du groupe Fergessen quand je suis arrivé dans les Vosges il y a quatre ans et leur univers m’a tout de suite touché, dit le metteur en scène. »

Et, dans le contexte actuel cet oratorio avec claviers, guitare, chant et voix parlée, résonne étrangement  : « Pendant cette période angoissante et hors du temps que nous venons de traverser, j’ai repensé à la notion de consolation, confesse Simon Delétang. Comment nous consoler de tout cela ? De toute cette activité artistique empêchée ? De la perte d’êtres chers ? De l’attente interminable d’un retour à la vie ? »

Le théâtre ici aura été notre consolation en nous transmettant, pendant quarante minutes denses et prenantes,  le credo de Stig Dagerman : « Et mon pouvoir est redoutable, tant que je peux opposer la force de mes mots à celle du monde, car celui qui construit des prisons s’exprime moins bien que celui qui bâtit la liberté. » Le spectacle finit sur une chanson en demi-teinte du groupe Fergessen : En attendant le bonheur…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 3 septembre au Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher, rue du Théâtre, Bussang  (Vosges).  T.  03 29 61 62 49.
info@theatredupeuple.com

Les 19 et 20 septembre, musée de Remiremont (Vosges) dans le cadre des Journées du patrimoine  et les 24 et 25 septembre, Comédie de Colmar (Haut-Rhin).
Les 26 et 27 septembre, Théâtre des Célestins, Lyon (II ème).

Le texte, traduit par Philippe Bouquet, édité chez Actes-Sud (1984).

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