La Récolte de Pavel Priajko, traduit du russe (Biélorussie) par Larissa Guillemet et Virginie Symaniec
La Récolte de Pavel Priajko, traduit du russe (Biélorussie) par Larissa Guillemet et Virginie Symaniec
Comme s’impose à nous la situation politique actuelle en Biélorussie avec ses événements inquiétants, on constate aussi mais bien plus légèrement, que la saison royale des pommes a déjà débuté une peu partout… Le dramaturge biélorusse Pavel Priajko a écrit en 2007 cette pièce qui appartient au courant du Nouveau Drame russe (avec Viripaiev, les Presniakov, Le Théâtre Libre de Minsk… Elle a été lue pour la première fois en 2011 au Théâtre du Rond-Point par le Théâtre national de Syldavie, dans le cadre des mardis midi, sous la direction de Dominique Dolmieu et créée quatre ans plus tard au Théâtre du Viaduc. Entre-temps, après une première lecture dans le cadre de l’Europe des théâtres 2012, la pièce a été aussi montée en 2013 au Théâtre du Pilier à Belfort par la compagnie du Rideau à sonnette.
Une histoire de quatre jeunes gens aux prises concrètes avec une pommeraie -et l’image d’une célèbre cerisaie russe nous revient en mémoire- et il faut récolter les pommes avec précaution et les déposer avec soin dans des caisses en bois. Mais les apprentis cueilleurs se montrent parfois bien maladroits et peuvent faire glisser les fruits d’une caisse…Ira, Liouba, Egor et Valeri viennent de la ville et se retrouvent en plein hiver pour cueillir des reinettes dorées. Ils semblent amoureux de la nature et très respectueux de cette variété fragile. Mais leur bêtise et leur incapacité à se servir de leurs mains vont bientôt transformer « tout ce qui, au départ, devait simplement relever de la simple sortie champêtre entre amis, en un véritable champ de ruines, où vont progressivement se révéler la violence sourde qui sous-tend leurs rapports, ainsi que le sentiment du marasme autour duquel s’organise réellement leur vie quotidienne. »
Malgré tous leurs efforts pour bien faire, ils agissent de plus en plus maladroitement et ne savent que mettre à mal cette pommeraie… «Une post-Cerisaie qui signe la fin d’un monde.» Cette pièce beckettienne mi-figue mi-raisin est révélatrice des failles humaines. « Dites, les gars, vous n’avez jamais bugné ou laissé tomber des pommes ? Essayez de vous en souvenir, s’il vous plaît, car la pomme talée commence à pourrir. Et s’il y en a une qui commence à pourrir, après, toutes les autres pourrissent, et alors là, elles ne se conservent pas longtemps. Elles ne passent pas l’hiver. » Souhaitons que la Biélorussie, elle, passe l’hiver, comme le souhaite son peuple libre…
Véronique Hotte
Editions L’Espace d’un instant – une coproduction de Culture Partages et de la Maison d’Europe et d’Orient.