Festival Spot 2020: Killing Robots de Linda Blanchet

 

Festival Spot 2020

Killing Robots conception, écriture et mise en scène de Linda Blanchet

 killingrobotsSeptième édition de ce festival consacré aux formes nouvelles…  Le Théâtre Paris-Villette nous accueille dans ses deux salles dont la plus grande qui a été entièrement rénovée. Une dizaine d’équipes artistiques célèbrent ces retrouvailles devant de nombreux spectateurs masqués.

Hitchbot, robot autostoppeur de première génération, créé en 2014 par une équipe d’ingénieurs canadiens de l’Ontario, a accompli son dernier voyage aux Etats-Unis. Après avoir traversé le Canada, fait un tour en Allemagne et aux Pays-Bas, grâce aux automobilistes qui l’ont généreusement pris en charge, il finira «assassiné» à Philadelphie en 2015.

Cette machine,  haute comme un petit garçon,  parle avec une voix synthétique féminine. Un corps frêle surmonté d’une tête en forme de coupole tournante qui envoie des signaux électroniques sympathiques : sourires, clignements d’yeux… Livré au bon vouloir des voyageurs, il taille la route, relié à un satellite par GPS et, pourvu d’un système de reconnaissance vocale, il est capable d’entretenir une conversation banale mais joviale « sans aborder les sujets politiques et religieux ». Il sait aussi jouer du pouce et lever les bras pour arrêter les automobilistes mais il ne marche pas…

 

Qui a tué Hitchbot? La compagnie Hanna R mène l’enquête et retrace ses derniers jours, s’appuyant sur  les documents de l’époque : «J’aime partir d’une enquête, dit Linda Blanchet. C’est comme une aventure, on ne sait pas ce qu’on va y trouver. »

Sur le plateau, l’équipe se montre au travail et s’interroge sur cette fin étrange. On part sur les pas de cette machine pas très sexy : «un seau d’eau en plastique qui parle », comme il se définit lui-même. De nombreux matériaux ont été récoltés: journaux télévisés, articles de presse, témoignages des dernières personnes qui ont pris Hitchbot en auto-stop et enregistrement d’une rencontre avec David Smith et Frauke Zeller, les «parents» de l’humanoïde. Les chercheurs entendaient  «mesurer ce qu’il y a de meilleur en l’homme» : bonté et capacité de prendre soin de son prochain. Ils seront servis! Leur créature, retrouvée démantelée et sans tête, n’aura pas survécu à son voyage aux État-Unis: pour eux, pas de hasard si ce “roboticide“ a eu lieu dans ce pays de violence…

 Une réplique d’Hitchbot fabriquée pour le spectacle, accompagne les quatre interprètes. On observe comment le contact s’établit entre eux et jusqu’à quel point une machine peut être attachante, au-delà de la curiosité pour la technologie. On peut voir sur des écrans les traces de son voyage grâce aux photos qu’il prenait. Étranges images du monde, capturées de manière aléatoire, à hauteur d’enfant: «Elles m’ont donné le sentiment d’être le témoignage objectif d’une machine sur ce qu’est l’humain du XXI ème siècle, dit la metteuse en scène. »

Les comédiens passent imperceptiblement du statut de narrateurs à celui d’interprètes des personnages qui ont rencontré Hitchbot. Mais cela n’est pas toujours très clair… Pas plus que la démarche de Linda Blanchet! Elle voudrait, dit elle, « essayer de mieux comprendre ce qui est humain et qui ne l’est pas.  » Mais si, au début, nous sommes intrigués, ensuite notre attention fléchit. Sans doute une question de rythme et d’huile dans les rouages de la dramaturgie… Mais Killing Robots s’inscrit par son thème et son étrangeté dans la ligne de ce festival.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 15 septembre au Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris (XIX ème).  T. 01 40 03 72 23. Le festival Spot continue jusqu’au 26 septembre.

 


Archive pour 18 septembre, 2020

Le Mouffetard, nouvelle saison

 Le Mouffetard, nouvelle saison

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Le Rat et le Serpent, © JL Verdier

En ce samedi ensoleillé, Isabelle Bertola, directrice du Théâtre des Arts de la Marionnette, présentait le nouveau programme, tandis que des compagnies jouaient des mini spectacles dans les rues, derrière les devantures de magasins, dans le magnifique jardin du collège des Irlandais ou encore sur la place Georges-Moustaki (indéfectible membre de l’équipe de ping-pong du quartier! ) Soit quarante-huit représentations en deux jours…

Ces scènes en plein air offrent une bonne image des techniques du théâtre d’objets ou de marionnettes pour capter l’imaginaire. Une fois de plus, on a vu la fascination qu’exercent les arts plastiques sur le récit, avec les dessins sur vitrine, le cinéma et les ombres chinoises de Pain Sandwich, une adaptation très libre d’Hansel et Gretel par la compagnie Akselere. Ou les peintures inversées sur les vitres d’un bar, dans Naïades, de la compagnie Agitez le bestiaire: une méditation sur la dissolution, bercée par le bruit de l’eau.  

Le langage était à l’honneur dans le mini-castelet des Ateliers du spectacle : Le Rat et le Serpent  a fait (re)découvrir l »écrivain Jean-Pierre Brisset qui reconstruit Darwin en déconstruisant la langue française, avec une cascade de savoureux calembours. L’art du bruitage, le texte et de petits objets se conjuguaient dans une parodie d’émission radio de la compagnie Elvis Atalac; entre deux publicités impertinentes de coquinerie, une belle adaptation de Petite Neige, un conte terrible de Guy de Maupassant. Le public était massé sur le trottoir : passants figés dans leurs courses ; aux terrasses des cafés, flirts et conversations suspendus.  Tous surpris puis charmés. Ce qui montre bien la vitalité des arts de la marionnette

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exposition au Mouffetard : fonds Théâtre aux Mains nues

Prévu à la fin de la saison dernière, le treizième festival Scènes ouvertes à l’insolite  démarre  ces jours-ci,  avec huit compagnies pour seize représentations.  Le Mouffetard, plutôt que de les annuler, a préféré les reporter. On pourra aussi voir un documentaire produit par Le Théâtre aux Mains nues sur le travail de trois  femmes marionnettistes.

Cette compagnie a élaboré cette saison avec Le Mouffetard. Thèmes privilégiés : le vivre ensemble, le regard sur l’autre, la migration seront abordés avec humour, fantaisie et métaphores. Sur des thèmes comme: que peut-on sacrifier de son identité pour s’intégrer ? Que reste-t-il de notre histoire coloniale ? Que nous disent aujourd’hui les jeunes des « quartiers » sur l’environnement  social et le climat? Seront aussi évoquées des situations comme le handicap avec Du Balai, co-produit avec le festival Imago, Art et handicap en Île-de-France. C’est pourquoi certaines représentations seront traduites en langue des signes. L saison privilégie le travail de jeunes artistes, jamais (ou rarement) vus par les programmateurs.

 Les Mardis du Mouffetard mettront en relation artistes et enseignants, psychanalystes, psychothérapeutes, plasticiens, écrivains…  Au Centre de ressources, des ateliers d’initiation à la marionnette permettront d’explorer le mime et la relation entre l’objet scénarisé et des handicapés, notamment avec des stages sur l’écriture, le geste sans le mot, l’art non-figuratif.   Enfin, du 4 mai au 6 juin,, aura lieu la onzième Biennale Internationale des Arts de la Marionnette, (B.I.A.M.), en partenariat avec Le Carreau du Temple, le Centre culturel suisse, La Coopérative  de rue et de cirque, Le Monfort, le Théâtre Dunois et, bien sûr, Le Théâtre aux Mains nues. Et aussi dans une vingtaine de lieux en Île-de-France.

Jean-Louis Verdier

Scènes ouvertes à l’insolite du 15 au 22 septembre au Mouffetard-Théâtre des Arts de la Marionnette, 73 rue Mouffetard, Paris (V ème). T. : 01 84 79 44 44. www.lemouffetard.com

Pièce d’actualité n°15 : La Trêve, conçu par Olivier Coulon-Jablonka Sima Khatami etAlice Carré.

Pièce d’actualité n° 15 : La Trêve, conçu par Olivier Coulon-Jablonka, Sima Khatami et Alice Carré

 

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Le metteur en scène avait créé en 2015, au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, une première pièce d’actualité, 81 avenue Victor Hugo, récit d’un collectif de sans-papiers occupant un ancien bâtiment de Pôle Emploi. Cette  nouvelle pièce d’actualité a pour thème  la vie dans les Tours des gendarmes, construites sur le site du fort d’Aubervilliers et où était logée jusqu’en 2015, la Gendarmerie nationale. Ensuite temporairement reconvertie en foyers de travailleurs et centre d’hébergement d’urgence…

 Ces cinq tours gérées par des organismes différents accueillent à la fois demandeurs d’asile, travailleurs sans papiers et sans-abri. «Une cité dans la ville, dit la dramaturge Alice Carré. Sima Khatami, cinéaste, ajoute que leur collectif artistique a pénétré dans l’une des tours, la cité Myriam qui reçoit des personnes en situation d’urgence. Elles vivaient dans la rue et sont arrivées ici, après avoir appelé le 115. Soit quelque deux cent en hiver, et cent vingt en été. Certaines devant partir  après la trêve hivernale pour que l’on puisse accueillir ensuite d’autres résidents.
Covid oblige, cette  trêve du 31 octobre au 31 mars, a été repoussée cette année jusqu’au 1er juillet. Comme pour un film de cinéma documentaire, les trois intervenants se sont placés en immersion dans les lieux pendant plusieurs mois avec une caméra dans le hall, attentifs au rythme de la vie quotidienne, avec ses longs moments d’attente et ses explosions.

Qui sont ceux qui vivent à l’écart de la ville ? La Trêve nous invite à nous asseoir avec eux, au cœur de l’urgence. La caméra s’arrête souvent aux abords extérieurs de la tour, plus rarement dans le hall d’entrée… On fait connaissance avec ces personnes de toute nationalité: bulgare, chinoise, etc. souvent filmées à côté du metteur en scène. Elles livrent leur parole brute sur un muret à l’extérieur, ou dans une salle. Le Bulgare Asan Shisev est particulièrement émouvant, un visage jeune mais ravagé par la vie, empreint d’une mélancolie profonde dont il se libère de temps à autre par l’humour et une gestuelle comique… Il imite ainsi une assistante sociale de bonne volonté, excessivement positive, en  jupe courte et fumant une cigarette. Et qui acquiesce un peu trop vite aux dires de son interlocuteur ironique…

Olivier Coulon-Jablonka invite Asan Shisev à s’exprimer avec plus d’optimisme: la vie s’ouvre devant lui, malgré cette douloureuse étape à laquelle il a été forcé. Mais le spectacle est dédié à sa mémoire, apprendra-t-on, à la fin de La Trêve.
Yasmina, mère de onze enfants dont elle est séparée, chante à merveille un chant traditionnel rom, beau et grave. Il a une dimension universelle et ressentie par toutes les communautés. Elle dit sa nostalgie d’un pays perdu, d’une famille laissée au pays ou éclatée, d’un amour disparu…  Elle materne Elizabeth, une jeune fille bouleversée et déroutée, rivée à la musique de ses écouteurs. Quant à Yuerong Ni, il ne parle pas français: il essaye de faire comprendre via la traduction par Google sur son téléphone portable, un long message en chinois… Le metteur en scène dit qu’il l’aidera à lui trouver un interprète.

Le spectacle alterne entre le film à l’écran, et le plateau où des personnages surgissent des coulisses pour un monologue introspectif. Faouzia Ndoy conte ainsi son aventure après l’assassinat pour des raisons politiques, de son père. Forcée de quitter le Congo-Kinshasa pour le Congo-Brazzaville, elle passera brièvement par le Brésil où elle a été violentée puis arrivera jusqu’à l’hôpital Lariboisière à Paris. Elle aussi a appelé le 115 et a un projet professionnel: devenir plombière, un vrai métier qui n’est pas réservé aux hommes. Toute jeune fille, Ferima Denie, venue d’Afrique occidentale, a été mariée par sa famille contre son gré, telle une monnaie d’échange, à un homme plus âgé. Un vendredi, jour de prière à la mosquée, elle a pu s’enfuir  et aller en ville mais ses frères l’ont reconnue et battue. Elle a fui encore pour se retrouver en France, chez l’amie d’une amie… Elle a appelé le 115.

 Pascal Fiel a, lui, toujours vécu à Aubervilliers mais, victime d’un incendie dans son appartement, il a perdu son emploi. Il vit aussi dans la tour Myriam sans vraies perspectives réelles.
Le Camerounais Aloune a vingt-huit  ans et son père est diplomate. En Iran, il a quitté une école trop difficile et est venu à Paris chez un ami qu’il a connu là-bas.  Il voudrait être autonome et travailler: lui aussi a appelé le 115.
Comme Boualem, un ancien militaire qui a connu la guerre et en garde des séquelles psychologiques tenaces contre lesquelles il se bat : il habite aussi la tour Myriam. Des vies fracassées qu’il faut dépasser pour vivre, comme en rêvent ces êtres sincères et pudiques…

 Mais l’inquiétude est bien présente : sur les trente-six hectares de l’ancien fort d’Aubervilliers où se trouvent ces tours, il y a un projet de Zone d’Aménagement Concertée (Z.A.C), porté par le Grand Paris Aménagement avec 2.000 logements à vendre. Les acteurs en sont : Plaine Commune, la ville, Grand Paris Aménagement mais aussi le Préfet de Paris qui doit trancher sur l’expulsion prochaine des habitants de ces tours.
Filmé lui aussi, il joue le jeu de la participation et de son attachement à la Seine-Saint-Denis. Mais il rétro-pédale  assez vite quand l’un des habitants  accuse l’Etat de son peu d’engagement. Un jugement rapide et définitif, répond le Préfet, attentif selon lui à l’implication réelle de l’Etat mais aussi à l’investissement moral et physique des travailleurs sociaux présents sur ces territoires en difficulté…
Une voix off dans le noir : comment pourra-t-on reloger ces 460 occupants précaires ? Si le projet se concrétise, on les expulsera, encore plus loin à la périphérie de Paris: mission impossible! Un spectacle émouvant qui livre toute l’amertume d’être au monde.

Véronique Hotte

Jusqu’au 25 septembre, La Commune-Centre Dramatique National d’Aubervilliers, 2 rue Edouard Poisson, Aubervilliers ( Seine-Saint-Denis), . T. : 01 48 33 16 16.

 

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