Noire d’après Noire-La Vie méconnue de Claudette Colvin, de Tania de Montaigne, adaptation et mise en scène de Stéphane Foenkinos
Noire d’après Noire-La Vie méconnue de Claudette Colvin, de Tania de Montaigne, adaptation et mise en scène de Stéphane Foenkinos
Ce récit biographique d’un combat qui dure encore contre la violence raciste et l’arbitraire, a été publié soixante ans après les faits en 1955 et a fait de son auteure la lauréate du prix Simone Veil. Bien après l’abolition de l’esclavage, une personne noire est considérée avec indifférence et mépris davantage encore quand elle est femme. Stéphane Foenkinos convoque sur le plateau l’auteure du roman éponyme, Tania de Montaigne, interprète pudique d’un personnage à l’honneur: elle la vouvoie, s’adressant à la fois à Claudette Colvin, une héroïne peu connue qui a œuvré à l’émancipation des Noirs, et au public… « Prenez une profonde inspiration, soufflez, et suivez ma voix, désormais, vous êtes un noir, un noir de l’Alabama dans les années cinquante. Vous voici en Alabama, capitale : Montgomery… »
Grâce à la réalisation de Pierre-Alain Giraud, on voit nombre de documents d’archives : paysages urbains ou ruraux de la Cotton Belt, et plus tard, meetings de Martin Luther King, manifestations avec Rosa Parks, et récitals de Nina Simone, Myriam Makeba, Billie Holiday… On voyage de l’Est au Sud des Etats-Unis, avec l’impression de survoler les terres de coton et d’esclavage: Virginie, Caroline du Nord, et du Sud, Alabama, pour échouer à Montgomery : «Regardez-vous, votre corps change, vous êtes dans la peau et l’âme de Claudette Colvin, jeune fille de quinze ans sans histoire. Depuis toujours, vous savez qu’être noir ne donne aucun droit mais beaucoup de devoirs… »
Tania de Montaigne, silhouette élégante et assurée, poursuit son récit en interpellant le public et le somme de juger par lui-même. Le 2 mars 1955, dans le bus de 14 h 30, Claudette Colvin refusa de céder son siège à un passager blanc et, malgré les menaces, restera assise, face au conducteur du bus puis à deux policiers agressifs et violents. Elle sera jetée en prison mais plaidera non coupable et attaquera la Ville de Montgomery.
Personne n’avait osé jusque là s’opposer à l’ordre inique établi et elle deviendra l’emblème d’une lutte collective pour la fin de la ségrégation raciale. Prend alors forme ici et là le mouvement historique de libération et d’émancipation d’un joug moral arbitraire. Montgomery est une ville légendaire, où se croisent le révérend Martin Luther King, pasteur de vingt-six ans et Rosa Parks, couturière quarantenaire, pas encore dite « Mère du mouvement des droits civiques et icône de la lutte contre la ségrégation ».
Noire est l’histoire de cette modeste lycéenne de quinze ans, âgée aujourd’hui de quatre-vingt un ans, ne sr plaçant jamais placée sous les feux des projecteurs et travaillant depuis longtemps à ce qu’on l’oublie. Peu après les faits, Claudette eut un enfant et dût, en proie à des soucis personnels et socio-économiques, quitter la ville pour y revenir plus tard. Tania de Montaigne souriante, gracieuse et sincère a confiance en sa capacité à raisonner et à réfléchir, loin de toute haine, sans amertume ni ressentiment face à un monde aussi absurde et décalé.
Véronique Hotte
Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème ), jusqu’au 26 septembre. T. : 01 44 95 98 21.