Aux Eclats, conception, mise en scène et scénographie de Nathalie Béasse

Aux Eclats, conception, mise en scène et scénographie de Nathalie Béasse

On avait pu voir ici de cette créatrice, Happy Child, Wonderful World, Tout semblait immobile, Roses, Le bruit des arbres qui tombent. (voir Le Théâtre du Blog) Et l’an passé, lors d’Occupation 3, elle et son équipe ont investi le Théâtre de la Bastille. Cette dernière création se présente comme une suite comique en une heure de sketches et tableaux sur le thème de la chute, avec une référence à Buster Keaton dont elle dit aimer le rapport au corps et aux objets  et aux chutes…

© J.L. Fernandez

© J.L. Fernandez

Dans une salle forcément mitée avec, pour raisons sanitaires, des places condamnées tous les quelques sièges– cela fait tout drôle mais il faudra bien hélas s’y habituer- un public relativement jeune : quarante femmes et quinze hommes avec masque obligatoire bien entendu… Un pourcentage devenu presque la norme dans les théâtre parisiens… Les Dieux doivent savoir pourquoi ! La faute à cette bonne vieille télé ressuscitée pendant le le confinement? Avec un épisode du Tour de France, un film classique ou un débat politique, un télétravail en retard, un dîner entre vieux potes de lycée, la garde alternée des enfants? Qui saura jamais ?
Contre les murs noirs d’un plateau vide : côté cour, deux chaises pliantes jaunes, une plante verte en plastique. Et côté jardin, une autre plante verte en plastique, une « servante » éteinte, des tubes de carton et un gros tuyau en plastique gris debout contre le mur. Au centre de la scène, un pan de moquette marron, deux chaises en tubes inox avec siège rouge et une grande table de réunion. En fond de scène, des châssis montés sur roulettes.

La lumière reste d’abord allumée dans la salle et on entend une engueulade soignée et le bruit intense d’une perceuse et d’un moteur de camionnette; dans un renfoncement de mur, des morceaux de carreaux de plâtre qui tombent, victimes de ce percement. Une probable citation de Jérôme Deschamps qui a fait triompher la chute des objets sur la scène comme dans La Veillée, avec des panneaux de placoplâtre tombant lourdement du fond de scène du T.N.P. à Villeurbanne que venait de percer le nez d’un T.G.V. Formidable idée!   Il y a aussi derrière le bas d’un rideau des fumées blanches qui envahissent le plateau puis une nappe de liquide blanc coulant doucement comme dans cette fabuleuse image de la mise en scène-culte d’Antoine Vitez où à la fin d’Electre, on voit le sang d’Egisthe qui vient d’être tué par Oreste,  coulant doucement sous un porte…
Arrivent alors trois compères -Étienne Fague, Clément Goupille et Stéphane Imbert eux non masqués qui  font bien le boulot- chaussés de noir et en costume-cravate, gris clair pour l’un, et gris foncé pour les autres. Un peu ridicules et coincés, comme s’ils l’avaient emprunté pour aller à un mariage, ils s’assoient au premier rang en discutant. Les deux chaises contre le mur, comme les tubes, tombent alors au sol d’un seul coup. Sur une petite musique assez lancinante. Puis les acteurs mettent de superbes masques d’animaux sauvages aux dents effrayantes ou d’un homme au visage bleu, marqué d’épouvantables rides..

Il y a un très beau moment où ils installent un trône royal avec juste le tube en plastique comme siège et deux autres pour appuyer les mains, et une grande pièce de tissu faisant office de cape. Ils font prendre la pause à l’un d’entre eux avec, sur sa tête une couronne en carton doré. Et ils se font des tours avec, entre autres, une baudruche en caoutchouc remplie d’air sur laquelle l’un d’entre eux s’assied et qui imite alors le bruit d’un pet. Ils courent en rond sur la scène, s’amusent comme des enfants à se déguiser avec tout un lot de manteaux, s’engueulent puis se réconcilient… Ou très dignes et en silence, ils mangent de l’eau dans des assiettes à soupe, que, bien entendu, ils se jetteront ensuite à la figure. A la fin , des bombes à eau tombent des cintres puis un matelas, des pans entiers de placo-plâtre, des pluies de détritus et de coquillettes. Le plateau vide devient alors plein comme parfois chez Rodriguo Garcia et dans pas nombre d’autres créations contemporaines: là rien de très original dans ce travail. Enfin ce grand pipi-caca fera toujours du travail aux accessoiristes intermittents en charge du nettoyage…

«Il y a un point de départ mais ce point de départ s’effiloche, dit Nathalie Béasse.”(…) « Après, mon travail parle toujours de l’humain, de la difficulté à exprimer des choses; parfois cela passe par le corps, cette fois par le rire. Ce qui importe c’est de toucher les gens ». Et cela fonctionne? Oui, mais par instants et une partie du public s’esclaffe, notamment près de nous trois étudiantes, l’autre pas ou sourit. Le port du masque et la distance entre les sièges n’arrangent rien mais le rythme est bien lent et les gags, souvent peu efficaces. Le trio se déguise, chute régulièrement, se gifle en cadence, puis se réconcilie. Mais on a souvent l’impression d’assister à de petites scènes collées sans véritable fil rouge…

Nathalie Béasse invoque Buster Keaton: «Dans ce que je propose, les acteurs comme le public doivent lâcher prise par rapport au quotidien et par rapport à une narration classique. J’essaye d’être dans un rapport instinctif proche de l’enfant qui construit les choses, les déconstruit et les reconstruit.» Oui, malgré ce discours assez prétentieux, même si on voit que la metteuse en scène a fréquenté une école d’art (et c’est souvent intéressant sur le plan plastique), du côté spectacle, on reste sur sa faim et ces soixante minutes sont longuettes… Alors à voir? Peut-être mais à condition de n’être vraiment pas difficile!

Philippe du Vignal

Théâtre de la Bastille, 78 rue de la Roquette, Paris (XI ème) jusqu’au 8 octobre. 

Le Cargo, le  6 novembre; Segré (Maine-et-Loire) les 12 et 13 novembre; La Halle aux Grains, Blois (Loir- et-Cher), le 24 novembre.

L’Espal, Le Mans (Sarthe) , les 15 et 16 décembre, Théâtre Daniel Sorano, Toulouse (Haute-Garonne).

Théâtre Universitaire, Nantes (Loire-Atlantique) , du 26 au 29 janvier.

Comédie de Saint-Étienne, (Loire) du 17 au 19 mars.

Théâtre Quartier Libre, Ancenis (Loire-Atlantique) le 11 mai.

 

 

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