Big Sisters, conception et chorégraphie de Théo Mercier et Steven Michel

 

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© Erwan Fichou

Big Sisters, conception et chorégraphie de Théo Mercier et Steven Michel

En mars,, à la veille du confinement, nous avons découvert cette chorégraphie à Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy où cet artiste et metteur en scène présenta en 2018 sa première pièce avec le danseur Steven Michel: Affordable Solution for better living  (voir Le Théâtre du Blog). Un spectacle qui leur valut le Lion d’Argent à la Biennale de la danse à Venise l’an passé. Cette nouvelle création pour quatre danseuses, qu’on pourrait sous-titrer Couteaux et Coquillages a vu sa tournée interrompue mais est enfin reprogrammée

 « Elles disent la colère, la haine, la révolte. Elles disent enfer, que la terre soit comme un vaste enfer en détruisant en tuant, en portant le feu aux édifices des hommes, aux théâtres, aux assemblées nationales, aux musées, aux bibliothèques aux prisons, aux hôpitaux psychiatriques, aux usines anciennes et modernes… » Des phrases de bruit et de fureur, extraites des Guérillères (1969) de Monique Wittig  et projetées en fond de scène. En même temps, s’installent de paisibles images dans un cône de lumière. Inspirés par ce long poème dramatique, les chorégraphes construisent une fresque féroce: l’épopée de femmes rebelles, déesses déchues, sorcières échevelées, déchaînant leurs pouvoirs occultes trop longtemps bridés .

Une vieille femme aux seins multiples gît, inerte, comme une déesse-mère oubliée. S’éveillant d’un lointain passé, elle nourrit ses sœurs à sa mamelle et leur transmettra sa science enfouie dans les strates du temps. Lors d’une mue impressionnante, elle va, en tenue soldatesque, leur enseigner la force du sexe faible et une danse qui tue. Les trois jeunes filles délaisseront, pour de longs couteaux, leurs rondes virginales et les grands coquillages nacrés qu’elles portent en offrande.. Périlleuses acrobaties, joutes sanglantes, rythmées par les sons étranges du compositeur Pierre Desprats. Eric Soyer a créé de belles découpes de lumière sur le plateau nu et les costumes de Valérie Hellebaut mettent en valeur la féminité des interprètes, comme leurs corps à la garçonne. Elles ont entre vingt-trois et soixante-cinq ans et de l’énergie à revendre.

« Nous dansons, car après tout c’est ce pour quoi nous nous battons : pour que continuent, pour que l’emportent cette vie, ces corps, ces seins, ces ventres, cette odeur de la chair, cette joie, cette liberté», dit Starhawk, une militante éco-féministe américaine à propos des  sorcières dans son essai Rêver l’obscur: Femmes, magie et politique. Une autre référence des chorégraphes qui ont beaucoup lu pour construire Big Sisters.
Une fois encore, Théo Mercier veut interroger les stéréotypes des représentations collectives, notamment en matière de genre. Comme dans Hybrides, le corps en question une exposition présentée au Palacio Bellas Artes de Mexico en  2018 ou Chercher le garçon, au Mac Val de Vitry-sur-Seine en 2015.  Et son complice  Steven Michel lui apporte sa maîtrise du mime, du cirque et des percussions, et surtout la rigueur de sa danse, acquise aux  Performing Arts Research and Training Studios, l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker.

Certains passages rigoureusement écrits alternent avec des moments plus libres, issus d’improvisations. Rudesse et souplesse se conjuguent. Ce spectacle, avec des gestes guerriers ou maternels, questionne les regards, fantasmes, projections en jeu dans le représentation du féminin. Se mène ici un combat de libération bien dans l’air du temps. Selon Théo Mercier et Steven Michel : «Big sisters oscille entre bataille sanglante, rituel festif et célébration jouissive de l’énergie vitale, invitant chacun et chacune à prendre conscience de son pouvoir et à le mettre en œuvre.»

Laura Belgrano, Lili Buvat, Marie de Corte et Mimi Wascher, nos grandes sœurs nous donnent l’énergie, le courage de poursuivre des luttes jamais vraiment gagnées. «Elles disent qu’elles ont la force du lion, la haine du tigre, la ruse du renard, la patience du chat, la persévérance du cheval, la ténacité du chacal. Elles disent qu’elles secoueront le monde comme la foudre et le tonnerre… » Ce spectacle troublant, en forme d’ode aux femmes, nous incite aussi à lire ou relire Monique Wittig (1935-2003), une théoricienne et militante féministe française qui déjà abordait la notion de genre…

 Mireille Davidovici

Du  21 au 25 octobre, en co-réalisation avec Nanterre-Amandiers, Centre Georges Pompidou, place Georges Pompidou, Paris IV ème).  T. : 01 44 78 12 33.

Le 18 novembre, La Soufflerie, Rezé (Loire-Atlantique) ; les 26 et 27 novembre, Le Maillon, Théâtre de Strasbourg-Scène européenne, (Bas-Rhin); le 9 février, Maison de la Culture, Amiens (Somme).

Du 3 au 6 mars 2021, Théâtre Vidy-Lausanne, Suisse et le 2 juin, Theater Rotterdam, Pays-Bas.

Les Guérillères de Monique Wittig, Editions de Minuit (2009).

Femme magie et politique de Starhawk, éditions Les Empêcheurs de tourner en rond (2003).

 

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