Le Bourgeois Gentilhomme de Molière, musique de Jean-Baptiste Lully, mise en scène de Jérôme Deschamps, direction musicale de Marc Minkowski

Le Bourgeois Gentilhomme de Molière, musique de Jean-Baptiste Lully, mise en scène de Jérôme Deschamps, direction musicale de Marc Minkowski

La dernière comédie-ballet du grand dramaturge fut créée au château de Chambord le 14 octobre 1670. Pour la vingtième édition du Mois Molière à Versailles (voir Le Théâtre du Blog), l’Opéra du Château l’avait accueillie l’an passé. Cette pièce en cinq actes a souvent été montée mais le plus souvent sans orchestration, notamment dans une très belle réalisation de Jérôme Savary en 81, puis quinze ans plus tard à Chaillot où il jouait aussi le rôle-titre. D’un Bourgeois, à l’autre… D’un Jérôme, à l’autre…
Reste à savoir comment trois siècles et demi plus tard, on peut mettre en scène cette pièce à la fois souvent délirante avec musique, chant et danse qui est aussi truffée de scènes de comédie qui préfigurent le théâtre de boulevard. Comme celle où Madame Jourdain arrive pendant le fastueux dîner que donne son mari pour essayer de conquérir le cœur de la belle Dorimène… Jérôme Deschamps a bien vu qui était ce pauvre Jourdain, un bourgeois ambitieux qui a de l’argent et qui veut s’en servir pour acquérir une culture qu’il n’a pas: savoir écrire de la poésie ou de belles lettres, danser, chanter, pratiquer l’escrime… Mais dans un but bien précis : Jourdain est aussi un homme ambitieux qui veut accéder à un un rang social élevé. Le château de Versailles le fait rêver et on sent qu’il ferait n’importe quoi pour approcher Louis XIV… Vieille histoire toujours d’actualité! Combien intriguent pour espérer dîner un jour à l’Elysée, faire partie d’une chasse présidentielle ou parler quelques minutes au chef de l’Etat, voire même seulement au ministre des Finances, de la Culture ou de l’Intérieur….

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 Et M. Jourdain est ébloui quand on lui apprend que le fils du grand Turc veut épouser sa chère fille. Mais ce grand naïf se révèle être aussi une proie facile pour qui veut profiter de sa fortune et lui faire payer cher sa soif de culture. « Il rêve, dit le metteur en scène, et bien sûr, ignorant de ces matières, de leur contenu le plus simple, il n’en connaît que les signes extérieurs qui l’attirent et sa naïveté nous amuse. Les autres rient de lui ; on s’en moque, on le croit fou. Il rêve… Et je veux ici faire partager sa solitude au milieu de ceux qui le dupent, son émerveillement devant le paradis qu’il croit voir naître sous ses yeux. »

 

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Sur le plateau, rien qu’une grande pièce vide aux murs jaunasses avec une fenêtre en hauteur, un fauteuil  et une porte avec deux battants qu’ouvrent et referment sans arrêt deux jeunes et ridicules valets emperruqués. Une porte qui évoque celle du célèbre Lapin-Chasseur (1989) un spectacle-culte de Macha Makeieff et Jérôme Deschamps. Ce Bourgeois Gentilhomme a du mal à prendre son envol et les scènes se succèdent sans beaucoup de rythme. Même si l’orchestre des Musiciens du Louvre dirigé par Marc Minkowski apporte des respirations musicales bienvenues. Jérôme Deschamps, dans la tradition de ses Deschiens a truffé sa mise en scène de gags souvent un peu lourds et même si c’est bien réalisé, cela fonctionne mal! Comme ce maître à danser entouré d’un danseur et de deux danseuses en grand tutu blanc caricatural. Ou Nicole la servante qui refait le lit et qui en secoue les draps dans une sorte de loge en hauteur. Ou encore ce cochonnet servi au souper en l’honneur de Dorimène. Il oscille du museau et grogne jusqu’au moment où M. Jourdain, excédé, le tue d’un coup de maillet mais, pour ne pas abîmer cette petite merveille télécommandée, Jérôme Deschamps prend bien soin de taper à côté! Puis il sortira du ventre du cochonnet des saucissons pour les offrir à Dorimène. Tout cela est facile et pas vraiment comique…

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Après l’entracte, les choses s’améliorent et la mise en scène est plus enlevée. Et on trouve une certaine poésie en particulier dans la scène du Grand  Turc. Là, Jérôme Deschamps maîtrise mieux les choses et réussit à créer de très belles images poétiques grâce aussi à des costumes souvent délirants très colorés et à des coiffures ridicules. Mais la distribution est très inégale et le metteur en scène lui-même semblait assez fatigué et peu à l’aise dans Jourdain. Mais est-ce un personnage qui lui convient si bien que cela?  Et on a connu cette très bonne comédienne qu’est Josiane Stoléru (madame Jourdain)  plus inspirée. Mais il y a heureusement Vincent Debost en Covielle et Pauline Tricot, toujours juste qui excelle en Nicole. Et malgré les intermèdes dansés, ou chantés par Natalie Pérez, Paco Garcia, Lisandro Nesis, Jérôme Varnier -très drôle en grand Turc- ces trois heures avec entracte nous ont paru longuettes, sauf à la fin.  Mais vous ne pourrez voir ce spectacle assez décevant qui a dû être arrêté définitivement à cause d’un corona virus dans l’équipe artistique! Il aurait sans doute gagné en rythme et en force après quelques jours…

Philippe du Vignal

Spectacle vu à l’Opéra-Comique, Place Boieldieu, Paris (II ème).

 

 

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