Jeanne dark, texte et mise en scène de Marion Siéfert, collaboration artistique, chorégraphie et performance d’Helena de Laurens

 

 


Jeanne
dark, texte et mise en scène de Marion Siéfert, collaboration artistique, chorégraphie et performance d’Helena de Laurens

 

JDK©MarionSiéfert-505

©MarionSiéfert


Marion Siéfert, autrice, metteuse en scène et performeuse, développant un travail à la croisée de plusieurs champs artistiques et théoriques qui se réalise via différents médias : spectacles, films, écriture. Jeanne d’Arc, figure mythique s’il en est, sert de révélateur à Jeanne, lycéenne vivant mal son apprentissage d’adulte, sous le regard dépréciatif des autres ici présents, le temps de la représentation. Comme en écho à ses copains cruels du lycée, via les utilisateurs du compte Instagram de Jeanne. Un compte qui existe bien et sur lequel le public suit aussi certains soirs le spectacle, avec commentaires d’acquiescement ou de rejet, amusants le plus souvent, moqueurs et malicieux mais parfois aussi sordides et glauques. Le personnage est inspirée de l’enfance de Marion Siéfert, la conceptrice du spectacle qui a eu une éducation catholique  dans une banlieue pavillonnaire d’Orléans : « Alors… Alors oui je fume pas, je bois pas, je me drogue pas, je sors pas, je vais pas en boîte, je suis pas cool , j’suis pas stylée, je suis pas fraîche, je suis pas drôle, je me tatoue pas, je me fais pas de piercings, je me teins pas les cheveux en rose, violet ou bleu turquoise, j’envoie pas de nus, je regarde pas de porno, je suis pas sur Tinder, je drague pas sur Twitter, je suis pas open, je couche pas, j’avale pas… »

 La sexualité s’impose peu à peu à cette jeune fille démunie qui a conscience d’être enserrée dans  une famille d’obédience rigide et chrétienne. Pour la metteuse en scène, le personnage de Jeanne parle à sa génération qu’elle estime avoir plus de chance qu’elle. Souffrant de ne pas être dans la « norme », de ne pas avoir choisi sa différence, elle s’exprime sur Instagram : il faut à l’adolescence, passer par les moyens communs à tous, pour se singulariser. Attaquée sur les réseaux sociaux, finalement Jeanne réussit à  s’imposer. Après avoir subi les railleries de harceleurs sur sa virginité maudite, elle résiste en prenant la parole sur Instagram dans sa chambre, loin d’une mère envahissante. Et comme dans un lointain rappel de l’icône historique, vierge et arc-boutée contre la violence, les hommes et les guerriers, la prison et son lien rêvé à Dieu, Helena de Laurens captive son auditoire depuis sa chambre absolument blanche : un laboratoire d’examen clinique qui surexpose corps et mouvements. Et elle ne quittera pas de la main, le temps de la représentation, son smartphone qu’elle tend comme un miroir, comme un double de soi qu’elle contrôle.

 Elle se raconte librement, en dansant, filmant, explosant, métamorphosant et capable de jouer les figures les plus sexy et les plus violentes. Montée sur le plateau par la salle, Héléna de Laurens surgit, anonyme encore, capuche de blouson sur la tête, jeans serrés et baskets, avec un joli pull à rayures colorées qui attire aussitôt les moqueries des utilisateurs d’Instagram. Cette jeune femme à la silhouette longiligne et à la longue chevelure dont elle joue avec élégance, oscille « entre la mise à nu et la mise en scène de soi ». Capable tout à coup d’excès les plus espiègles, filmant son corps, absorbée qu’elle est par lui, se maquillant les lèvres et les yeux… Bref, une jeune fille de son temps qui sait flirter avec la caméra.

 L’image d’elle-même projetée sur des écrans verticaux à jardin et à cour, est constamment déformée et rapprochée. Cadrages, angles de vue et filtres, la performeuse contrôle ses accessoires, une seconde nature pour  cette interprète qui manie à la perfection une langue française juvénile aux divers registres. Blessée par les piques des adultes et de ses non-amis parents et sœur plus jolie ne voulant pas reconnaître la souffrance de Jeanne, elle pleure et le public avec elle, tant son émotion est forte et sincère… Après que Jeanne se soit enfin exprimée face aux utilisateurs d’Instagram connus ou inconnus et à la suite d’une confrontation avec sa mère, elle met à jour une violence subversive sans non-dits et frustrations… Enfin libre. Le déchaînement et la colère de la performeuse tétanisent le public, jusqu’aux utilisateurs du réseau qui se taisent comme devant un film d’horreur inquiétant. Elle tient à la main un magnifique gantelet médiéval en fer, surplombant de sa beauté ample et froide, un  pauvre smartphone en action.

 Véronique Hotte

Festival d’Automne,  jusqu’au 18 octobre, La Commune, Centre Dramatique National, 2 rue Edouard Poisson, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)

 

 

 

 

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