La Noce de Bertolt Brecht, traduction de Magali Rigaill, mise en scène d’Olivier Mellor

La Noce de Bertolt Brecht, traduction de Magali Rigaill, mise en scène d’Olivier Mellor

La plus longue et sans doute la plus jouée des pièces en un acte du célèbre auteur qu’il écrit en 1919: il a vingt-et-un ans. Inspiré par les foires de sa ville natale d’Augsbourg et par les fêtes de la bière à Munich, il raconte un repas de noces. Publié pour la première fois en 1961 cinq ans après son décès, c’est l’un de ses premiers textes et un coup de maître. Cet acte choral porte déjà en effet les promesses d’un théâtre distancié, humain et à la fois cruel . «Tout a été préparé comme il faut, dit la traductrice,  mariés et invités ont revêtu leurs habits de fête, on a prévu un repas de noce digne de ce nom et l’ami de la famille a préparé son discours.  Tous essaient d’être conciliants et sociables. Mais la suite  sera une succession de ratés  d’une ampleur grandissante jusqu’à ce qu’on en vienne aux mots et aux mains. »(…) « La principale arme est le langage. Mots qui tuent et phrases assassines se succèdent sans répit aucun, si ce n’est des silences qui expriment la gêne et l’ennui. »

 

© ludo leleu

© ludo leleu


Pas d’empathie ni d’identification possibles avec les personnages : distanciation brechtienne oblige: ils sont ici observés comme des souris de laboratoire, à l’occasion de cet événement-clé qui les surexpose, dit le metteur en scène. Ratage absolu et échec universel à cette fête populaire où alcoolisme et rancœur sont les symptômes d’une société déliquescente. Cette œuvre sur fond socio-économique dépeint une Allemagne après sa défaite en 1918 mais revancharde et terreau fertile pour le nazisme. Ici, les personnages, condamnés à une morne existence, paraissent déjà morts. Mais dans la mise en scène d’Olivier Mellor, la compagnie du Berger fait la fête, loin d’amoindrir le propos.Tel est le monde, ici comme ailleurs, avec la violence sourde de relations inachevées menant par anticipation à un échec assuré. Les mots qu’on se dit, les histoires graveleuses qu’on se raconte, les jalousies et petites  trahisons continuelles, la mauvaise foi et l’absence de compassion à la douleur de l’autre.. bref, on assiste ici à un festival de bonnes résolutions ratées…. Les meubles eux-même sont métaphoriques: mal fabriqués par le  jeune marié avec un matériel de médiocre qualité et une mauvaise colle:  même pour ce temps des ripailles, il n’y aura aucune chaise solide et confortable!

Dans cette mise en scène, on a ajouté un Bertolt Brecht en bout de table, casquette sur la tête et complice du public, qui observe la noce avec une expression ironique. Et toute la troupe joue le jeu, avançant pliée sous la tempête des horreurs que les personnages se lancent sans jamais désarmer, faisant montre à la fois des instincts les moins avouables avec une folle énergie et une incroyable envie de vivre. «A partir du jour de tes noces, tu n’es plus une bête qui sert une maîtresse, mais un homme qui sert une bête, et c’est ce qui te tire vers le bas, jusqu’à ce que tu n’aies plus que ce que tu mérites.»La fête finie, les nouveaux mariés enfin seuls se parlent raisonnablement et à cœur ouvert: apparait alors  une lueur d’espoir…

Avec Fanny Balesdent, Marie-Laure Boggio, Emmanuel Bordier, Marie-Béatrice Dardenne, François Decayeux, Françoise Gazio, Rémi Pous, Stephen Szekely et Denis Verbecelte, il y a ici une belle unité de jeu. La musique du, type jazzy est assurée par Toskano et son orchestre et par  le Schrottplatzhunde Trio avec Romain Dubuis au piano, Séverin « Toskano » Jeanniard à la contrebasse et Olivier Mellor à la batterie. Et le public est aussi invité au bal qui suit. Cette farce cynique et festive est animée avec force par les acteurs masqués ou maquillés à outrance. Ils se ressemblent et en même temps, se cachent. Manifestement proches de nous…

Véronique Hotte

Centre culturel Jacques Tati, Amiens (Somme), du 9 au 13 octobre.

Théâtre de L’Epée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre, métro : Château de Vincennes + navette gratuite. du 12 au 29 novembre. T. : 01 48 08 39 74.

Rollmops Théâtre, Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le 4 décembre.

 

 

 

 

 

 

 

 

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