Adieu Jacques Albert-Canque

Adieu Jacques Albert-Canque

Ce professeur à la Faculté des Sciences de  Bordeaux est mort à quatre-vingt-quatre ans jeudi dernier . Il était aussi un grand homme de théâtre mais toujours en marge et rarement là où on l’attendait. Il fonda une troupe de non-professionnels, le Groupe 33 qu’il dirigea avec la rigueur d’un scientifique qu’il ne cessa jamais d’être mais aussi dans une perspective de recherche permanente. Même s’il doutait en permanence. Une sorte de laboratoire sans grands moyens mais il pouvait tester libre et  indépendant avec le Groupe 33, des types de dramaturgie poétique et de scénographie alors très peu employés dans les années soixante-dix et maintenant très à la mode : base navale allemande, garage, anciens entrepôts près de la Garonne…  (le spectacle finissait sur le toit en terrasse et cela ne sentait pas le moisi, mais de la soupe chaude nous attendait à la sortie). Il participa comme metteur en scène à de nombreuses éditions du festival SIGMA, là où nous l’avions rencontré il y a déjà une quarantaine d’années..

Jacques Albert-Canque  à Blaye en septembre 1991 © x

Jacques Albert-Canque à Blaye en septembre 1991
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Homme d’une immense culture, ce germaniste connaissait tout particulièrement Hölderlin, Büchner,  Kleist et Novalis  et il monta Hölderlin exil à Bordeaux en 76 puis Sur les pas d’Hölderlin au dernier étage d’un parking en Bavière en 97 un spectacle  qui lui valut l’étoile de la meilleure création décernée par le quotidien Abendzeitung. Et enfin en 2016, Hölderlin à la folie au Goethe Institut de Bordeaux. Il monta aussi Les Chants de Maldoror de Lautréamont aussi à l’Opéra de Munich.
Mais Jacques Albert-Canque s’intéressa aussi au théâtre moderne et contemporain: Peter Weiss, Heiner Müller, Jean Genet et des auteurs de la région bordelaise comme Philippe Vialèles, Max-Henri Gonthié et Michel Suffran.

Il dirigea aussi plusieurs années le festival de Blaye où il invita d’abord en ouverture de cet événement à jouer en plein air dans les douves du fort  construit par Vauban -ce qui était un grand pari- Peines d’amour perdues de William Shakespeare, mise en scène d’Andrewjz Seweryn avec les élèves de la première promotion de l’Ecole de Chaillot. Puis Noce et banquet, texte et mise en scène d’Hervé de Lafond. Le directeur de l’Ecole Philippe du Vignal (ma pomme !) lui demanda aussi pour les élèves de l’Ecole de Chaillot et un seul professionnel pour jouer le Père, La Demande en mariage d’Anton Tchekhov et Cédrats de Sicile de Luigi Pirandello qui est peu le miroir inversé de la première. Jacques Albert-Canque eut deux belles idées. Pour la première, des chants d’oiseaux en Russie qui donnait une incroyable poésie estivale que Charlotte Maurel la scénographe du spectacle  alla lui dénicher à la médiathèque ; les élèves-comédiens qui jouaient dans la première pièce, étaient les invités de la grande fête (aidés par du son enregistré) mais invisibles derrière un grand rideau rouge de Cédrats de Sicile… Le public n’a jamais voulu croire  qu’ils n’étaient que trois!  Son parcours a dons croisé plusieurs fois le nôtre…

Jacques Albert-Canque, homme généreux et exigeant, ancré dans son Bordeaux, avait pourtant beaucoup d’humilité et n’a jamais cherché à monter à Paris. Et ce qui était frappant dans le dernier spectacle que nous avions vu de lui sur Hölderlin au Goethe Institut à Bordeaux était la grande connivence entre de jeunes non-professionnels  et le metteur en scène, malgré quelque cinquante ans de différence d’âge. Dans la ligne de l’Education Populaire.  Ce qui n’est pas donné à tout le monde. Il aura été un passeur de premier ordre et un exemple pour tous ce qui veulent tenter de faire du théâtre. Un grand merci, Jacques Albert-Canque…

 Philippe du Vignal

 Ses obsèques auront lieu demain lundi 19 octobre à 15 h au Crématorium de Mérignac (Gironde).

 

 

 

 

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