Un jour, je reviendrai, composé de L’Apprentissage suivi du Voyage à La Haye, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Sylvain Maurice

Un jour, je reviendrai, composé de L’Apprentissage, suivi du Voyage à La Haye, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Sylvain Maurice

 Après un épisode de coma, réapprendre, se réapproprier ce qui était une évidence, une seconde nature, un simple réflexe : manger, marcher, parler,   Le récit de Jean-Luc Lagarce cherche à décrire ce moment qui fait de lui un nouveau venu au monde, armé déjà d’une conscience lucide et d’un robuste sens de l’humour. L’Apprentissage est né d’une commande de Roland Fichet à quelques-uns de  ses amis auteurs : donnez-moi des récits de naissance. On y retrouve son écriture inimitable avec ses retours,  précisions et repentirs : trouver le mot juste pour cerner la sensation exacte telle qu’elle est venue au « nouveau-né » sortant des limbes. Et en effet, nous le suivons, nous ouvrons les yeux avec lui, nous entendons avec le même agacement l’infirmière s’adresser à lui à la troisième personne, « Alors, il a ouvert les yeux ? ». Ici,  nous ressentons le long temps nécessaire pour pouvoir tourner la tête sur son oreiller et voir enfin l’ami qui est venu s’asseoir à côté de lui tous les jours. 

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Cette vie regagnée est le premier pas fragile d’une vie qui se perd. L’autre volet du diptyque, Le Voyage à La Haye est le récit, pas à pas, de la perte, du chemin de plus en plus dépouillé vers la solitude absolue de la mort. « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement» écrivait François de la Rochefoucauld). Pourtant lui, le narrateur la regarde avancer autour de lui dans les choses de la vie : l’ironie d’un livre d’art trop lourd à porter, cadeau pour un anniversaire qui sera  sans doute le dernier, de petites disputes, le corps qui proteste et trahit quand on mange, ou pas…  Un récit exemplaire, travaillé à partir de son Journal.  L’écriture ne sauve pas la vie en « immortalisant », en immobilisant l’auteur, mais en lui donnant jusqu’au bout, presque jusqu’au bout, une discipline, une acuité qui le tient et nous tient, en éveil. Jusqu’à l’inaccessible instant final.

Sylvain Maurice s’est toujours intéressé aux monologues : donner à un texte, à son rythme, à son cheminement propre, la voix et le corps d’un acteur. Il avait déjà confié L’Apprentissage à Alain Macé en 2006. Vincent Dissez (qui jouait dans Réparer les vivants, d’après Maylis de Kerangal)  interprète Un jour je reviendrai,  avec une rigueur et une sensibilité parfaites.  Il  bouge peu, sur une étroite frontière entre le récit et le jeu, esquissant d’un geste, d’un regard, un moment d’incarnation ou laissant la langue de Jean-Luc Lagarce parler « devant ». Juste ce qu’il faut pour ouvrir la porte à l’imagination du spectateur. Il joue avec les résonances d’une bande-son (Cyrille Lebourgeois) ultra-soignée mais suffisamment discrète, en écho au texte ou au contraire creusant parfois un écart. La lumières de Rodolphe Martin de la même façon, servent le texte et la situation avec une loyauté absolue, à découvrir au début du spectacle, tout en menant une vie parallèle avec un superbe parcours plastique. Un jour, je reviendrai nous ramène inlassablement à d’autres textes de Jean-Luc Lagarce.  Il comptait peut-être sur ce retour-là, sur la qualité d’amitié qui infuse son écriture. Pour nous, il  n’est jamais parti.

Christine Friedel

Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-Centre Dramatique National,  jusqu’au 23 octobre. T. : 01 30 86 77 79.

Les 2 et 3 décembre, Centre Dramatique National de Lorient ( Morbihan).

 

 

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